Livre III - Chapitre 8
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33v
§Du ieune filz dagobert ,dit lhiſtoire. Quen auſtraſye et hors le territoire. [1375]Eut forte guerre ou peril encourut. Et la ſon pere a tant le ſecourut. Que eulx, ioinctz enſemble, y obtindrent victoire.
§Chapitre.viiie.
34r
§Gentz deputez.34v ATraict de temps, ainſi que ieu
nes gentz. Sont deſireux / aſpꝛes et dili
gentz. [1380]Eulx demonſtrer / tant de ſens que par aaige. Fut dagobert de tresnoble paraige. Foꝛt pꝛeux / hardy / adextre et couraigeux. Ayant voulloir de royal cueur a ieux. Dhonneſtetez / La facon moderee. [1385]De ſa vertu veue et conſideree. Dont gꝛandement ſe trouua enrichy. Le roy ſon pere, au bourg nomme clichy. De lez paris / en ce bon loz et fame. Le marya a la ſeur de ſa femme. [1390]Dicte sichilde / ainſi lappariant. Aſſez deuoit eſtre la paryant. Le ieu gaigner / et de cueur non rebelle. Foꝛt bien iouer; veu que on luy bailloit belle. Et quelle auoit, ainſi que leſcript dit. [1395]De beaulte gꝛande / aſſez ample credit. §Quant a ſon nom / ie nen ay certitude. Sinon que aucuns la denomment gertrude.
§Pour leſtat de dagobert. 35r Touchant ces noms / noz autheurs reuerendz. Souuenteſfoiz ſe trouuent differentz. [1400]Mais quoy / cela ny toult gueres ne donne. Pour ce ſupplye a tant que on me pardonne. Se cy endꝛoit laiſſe lappareil gꝛand. Aux nopces, faict ie retien a garand. Que le plus bꝛief au poſſible deſcrire. [1405]Eſt le meilleur ſans ſi au long deſcrire. Ce qui neſt bien au pꝛincipal duyſant. Car iay deſir, laffaire conduyſant. Selon le gꝛos et dur ſtille dont œuure. Sommairement mener a fin ceſt œuure. [1410]Apꝛes la feſte il fault pꝛeſupoſer. Que dagobert feyt vng caz pꝛopoſer. Au roy ſon pere / et fut que d auſtraſye. Rendiſt la part de ſa terre ſaiſye. Sans vzurper dꝛoict de retencion. [1415]Loꝛs, a vuyder celle contencion. Furent eſcriptz articles par chappitres. Et oꝛdonnez douze hommes pour arbitres. Entre leſquelz fut leueſque de metz. Nomme arnoul / qui neuſt voullu iamais.
§Dagobert receu roy d auſtraſye.35v [1420]Pour craincte / amour / ou faueur entrepꝛendꝛe. Choſe penſer / dire ou faire a repꝛendꝛe. §Le ſainct pꝛeudhomme et aultres deputez. Apꝛes auoir les faictz bien diſputez. Par leur ſentence arbitraire appoincterent. [1425]Et auſtraſie entiere decreterent. A dagobert deuoir appartenir. Pour en iouyꝛ / et celle part tenir. Paiſiblement, franche, libꝛe et indempne. Dentre le rhin et la foꝛeſt d ardenne. [1430]Selon les lieux / et limites, par dꝛoict. Iadis aſſis de bon et ſeur endꝛoict. §La choſe ainſi doulcement arreſtee. Tantoſt apꝛes ſon allee appꝛeſtee. Fut ſur les lieux receu paiſible roy. [1435]En triumphant et ſumptueux arroy. Loꝛs, les saxons, eſtans ſur la frontiere. Oultre le rhyn / diſrent auoir matiere. Tenir ſuſpect / roy ſi puiſſant pꝛes deulx. A ce moyen, comme gentz deſpiteux. [1440]Seſmeurent tous / ſans aultre delay querre. Deliberez de luy faire la guerre.
§La guerre aux saxons. 36r Luy, daultre part, quant les ſceut appꝛochantz. Ne faillit pas de ſe getter aux champs. A gꝛoſſe armee / Adonc, comme on seffoꝛce. [1445]Donner dedans / et quen pareille foꝛce. Les plus vaillantz / font raige, au batailler. De bꝛaz pourfendꝛe / et iambes detailler. Membꝛes caſſer / eſſerueler ceruelles. De fraiz eſtocz / et taillades nouuelles. [1450]§Tous eurent cueur de gentz foꝛt belliqueux. Et, combien que euſt dagobert moīs gētz q̄ eulx. Si paſſa il le rhyn, monſtrant viſaige. Dardeur bouillante au marſial vſaige. Car ſans penſer que on ſe peult eſchaulder. [1455]Par trop haſter / ne voullut marchander, Mais au plus dꝛu de la foꝛte bataille. Se alla fourrer / ou receut vne taille. Dont moindꝛe quelle vng homme au hazard mect. De gꝛand peril / car il eut de larmet. [1460]Et de ſō chef vne piece empoꝛtee. Si que neuſt ſceu endurer la poꝛtee. Ne fuſt attile / vng ſien leal ſeruant. Qui vie au coꝛps luy alla conſeruant.
§Clotaire va au ſecours.36v Tant darmes feyt ceſtuy / que de gꝛand erre. [1465]Sur ſon cheual le releua de terre. Et auſſi toſt que a ſauluete leut mys. Hoꝛs le danger et mains des ennemys. Au pere alla en ardenne / luy faire. Le vray rappoꝛt du ſuruenu affaire. [1470]Et pour donner teſmoignaige au meſchief. Il luy poꝛta celle piece du chef. De ſon enffent / ou les cheueulx tenoient. Tous pleins de ſang / qui pꝛeuue luy dōnoient. Auoir beſoing de pꝛompt ayde et ſecours. [1475]Alloꝛs le cueur ne ſceut tenir ſon cours. Quil ne rendiſt, par gꝛand ſourſe de larmes. Ses yeulx baingnez / puis eut recours aux armes. Feyt toute nuyct / gentz ſi acoup marcher. Que au poinct du iour, non plus loing cōme archer. [1480]Tire dvng trect / appꝛocha pꝛes la tente. De dagobert / dont, daſſeuree attente. Luy et les ſiens ſe veyꝛent eſiouys. Tant que leurs crys furent, ce croy ie, ouys. Iuſques en loſt de la partie aduerſe. [1485]Qui luy cauſa ennuyeuſe trauerſe.
§De ſon filz dagobert. 37r Et la raiſon, pour parler a pꝛiue. Quant on congnoiſt le ſecours arriue. Que on voit bꝛanler enſeignes / canons bꝛuyꝛe. Harnoys cliquer / armetz en teſtes luyꝛe. [1490]Cheuaulx hennyꝛ / faire ſaultz / petiller. Faulcons ſiffler / trompettes trompiller. Pour certain / ceulx qui le ſecours attendent. Et au beſoing / ſe ioindꝛe a eulx / lentendent. En lheure ſont aux armes parfoꝛcez [1495]Et de renfoꝛt doublement renfoꝛcez. Ainſi peult lvng a tel heur laultre attraire. Que la victoire en ont / mais au contraire. Ainſi que ceulx congnoiſſantz acourir. Flottes de gentz / les venantz ſecourir. [1500]Sont redoublez de foꝛce et hardieſſe. Auſſi ſont ceulx affoibliz de pꝛoueſſe Qui encontre eulx ſentent renfoꝛt venir. Et ſont doubteux de leur perte aduenir. Sans nul appuy deſperance certaine. [1505]La berthouauld, des saxons cappitaine. Pꝛeſt de combattre / eſcouttant les deux oſtz. Mener gꝛos bꝛuict / comment / dit il / ces ſotz
§Bataille de clotaire et dagobert.37v Coquardz francoys ſont ilz en reſuerye. De faire telle et ſi gꝛande crirye. [1510]A quoy fut dit que ce cry pꝛocedoit. Pour ce que la pꝛeſent / clotaire eſtoit. Auec ſon oſt, delibere deſtruire Luy et eulx tous / Alloꝛs ſe pꝛint a rire. Diſant : paillardz vous lauez controuue. [1515]Clotaire eſt moꝛt / ie tien cela pꝛouue. Mais la gꝛand peur qui en voz cueurs ſe plonge. Vous fait / poꝛter vne telle menſonge. §Quant clotaire eut ouy ceſtuy rappoꝛt. Oultre le fleuue / eſtant au dꝛoict du poꝛt. [1520]Larmet oſtant / monſtra de pleine allee. Son chef poꝛtant blancheur entremeſlee. La, loꝛgueilleux / rude et fier berthouauld. Ce villain mot / oza dire tout hault. Des ce quil vit / la teſte blanche et nue. [1525]A|es tu la / vieille iument chanue. Ce fut vng mot / dont clotaire eut tel dueil. Quil feyt ſerment / iamais ne doꝛmir de œil. Que neuſt venge / ce bꝛocard de repꝛoche. Loꝛs deſirant du heynneux faire apꝛoche.
§Contre berthouauld chef des saxons. 38r [1530]Et le combat donner aux ennemys. Oultre le rhyn paſſa, cy pꝛys cy mys. Loſt de ſon filz et le ſien en bon oꝛdꝛe. Sceurent pincer / aduerſaires et moꝛdꝛe. Car ſon deſtryer ſi aſpꝛement feryt. [1535]Des eſperons que au beau meillieu ſe offrit. Et plus eſpoix de toute la bataille. Au choc donner / ceſt foꝛce que tout aille. Et neſt ſaiſon la endꝛoit reſtifuer. Face temps chauld ou encoꝛ froid yuer. [1540]§En les chargeant, donna de tel couraige. Que oncques ne fut tempeſtatif oꝛaige. Plus a doubter / Quoy que ſur laaige fuſt. Son bꝛaz nerfuu poꝛta lance de fuſt. Au rencontrer ſi rude, que au combatre. [1545]Bien ſe monſtra malayſe homme a battre. La, fut ce iour de bien pꝛes regardant. A berthouauld / en deſir foꝛt ardant. Eſtre celuy quen toute place on nomme. Pꝛeux, pour tenir bonne coupple a ſon homme. [1550]Et du chef blanc / monſtrer au deſcouuert. Auoir pour luy bꝛaz encoꝛ aſſez verd.
§Clotaire occyt berthouauld38v Oꝛ berthouauld, voyant que a gꝛoſſe ſuytte. Faiſoit ſur luy clotaire la pourſſuytte. Fuyant les coupz / et charmant le danger. [1555]Monſtra ſemblant quil nen vouloit manger. Mais au plus dꝛu et conflict de la pꝛeſſe. Le pourſuiuit, par vne telle appꝛeſſe. Que a coupz / trenchez de glaiues perilleux. Y eut eſtrif et combat merueilleux. [1560]Et tellement ſe demena laffaire. Quen fin clotaire, a berthouauld deffaire. Baz abatu, ſon armet arracha. Et en linſtant la teſte luy trencha. §Loꝛs, les francoys / saxons ſi foꝛt batirent. [1565]Et tant de moꝛtz par la terre abatirent. Que le ſurplus, eulx voyantz attourner. Si rudement, furent contrainctz tourner. Ceſte victoire a plaiſir obtenue. Clotaire feyt tel eſdit de tenue. [1570]Que pour dompter saxonie, en rigueur. Les maſles tous excedantz la longueur. De ſon eſpee / en fureur et gꝛoſſe yꝛe. Fuſſent liurez / ſans remeide / a occire.
§Fait eſdit touchant locciſion des enfās. 39r Ce que fut fait. Vng ſeul vif nen reſta. [1575]Auſſi manoir / entier la narreſta. Citez / chaſteaulx / bourgs / villes et villaiges. Habandonnez a feu / ſang et pillaiges. Pays bꝛuſlez furent a gꝛand degaſt. Sans y trouuer homme qui alleguaſt. [1580]Venger le dueil de ſi gꝛandz vituperes. Car les enffentz / dont guerre occiſt leurs peres. Neurent pouoir / long temps armes poꝛter. §Clotaire adonq ſe voulut tranſpoꝛter. Au lieu qui plus / ſon deſir raſſaſie. [1585]Ce fut en france / en laiſſant d auſtraſye. A dagobert / la dominacion. Lexploit fut gꝛand / quant telle nation. Dompta ainſi, rebelle, fiere et rogue. Si ce ne fuſt que a mon eſtat deſrogue. [1590]Deſirer ſang des humains eſpendu. Ie maintiendꝛoye argent trop deſpendu. Auoir eſte au royaulme de france. Perte de gentz / et peuples en ſouffrance. Par le deffault / de faire en certains lieux. [1595]Cōme on feyt la. Oꝛ ſoit tout pour le mieulx.
§Aſſemblee faicte a troyes.39v Il fault laiſſer actes de telz paſſaiges. A diſcutter aux gentz gꝛaues et ſaiges.
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§Du jeune filz Dagobert ,dit l'histoire Qu'en Austrasye et hors le territoire, [1375]Eut forte guerre où peril encourut. Et là son pere à tant le secourut Que eulx, joinctz ensemble, y obtindrent victoire.
§Chapitre.viiie.
§Gentz deputez Atraict de temps, ainsi que jeunes gentz Sont desireux, aspres et diligentz [1380]Eulx demonstrer, tant de sens que par aaige, Fut Dagobert de tres noble paraige, Fort preux, hardy, adextre et couraigeux, Ayant voulloir de royal cueur à jeux D'honnestetez. La façon moderee [1385]De sa vertu veue et consideree, Dont grandement se trouva enrichy, Le roy son pere, au bourg nommé Clichy, De lez Paris, en ce bon loz et fame, Le marÿa à la seur de sa femme, [1390]Dicte Sichilde. Ainsi l'apparïant. Assez devoit estre là parÿant Le jeu gaigner, et de cueur non rebelle, Fort bien jouer; veu que on luy bailloit belle, Et qu'elle avoit, ainsi que l'escript dit, [1395]De beaulté grande assez ample credit. §Quant à son nom, je n'en ay certitude, Sinon que aucuns la denomment Gertrude.
§Pour l'estat de Dagobert Touchant ces noms, noz autheurs reverendz Souventesfoiz se trouvent differentz. [1400]Mais quoy ? Cela n'y toult gueres ne donne, Pour ce supplye à tant que on me pardonne, Se cy endroit laissé l'appareil grand. Aux nopces, faict je retien à garand Que le plus brief au possible descrire [1405]Est le meilleur sans si au long d'escrire, Ce qui n'est bien au principal duysant, Car j'ay desir, l'affaire conduysant Selon le gros et dur stille dont œuvre, Sommairement mener à fin cest œuvre. [1410]Aprés la feste il fault presuposer Que Dagobert feyt ung caz proposer Au roy son pere, et fut que d' Austrasye, Rendist la part de sa terre saisye, Sans uzurper droict de retencïon. [1415]Lors, à vuyder celle contencïon, Furent escriptz articles par chappitres, Et ordonnez douze hommes pour arbitres, Entre lesquelz fut l'evesque de Metz. Nommé Arnoul, qui n'eust voullu jamais,
§Dagobert receu roy d' Austrasye [1420]Pour craincte, amour, ou faveur entreprendre, Chose penser, dire ou faire à reprendre. §Le sainct preud'homme et aultres deputez, Aprés avoir les faictz bien disputez, Par leur sentence arbitraire appoincterent, [1425]Et Austrasie entiere decreterent À Dagobert devoir appartenir, Pour en jouÿr et celle part tenir, Paisiblement, franche, libre et indempne, D'entre le Rhin et la forest d' Ardenne, [1430]Selon les lieux, et limites, par droict, Jadis assis de bon et seur endroict. §La chose ainsi doulcement arrestee, Tantost aprés son allee apprestee, Fut sur les lieux receu paisible roy [1435]En trïumphant et sumptueux arroy. Lors, les Saxons, estans sur la frontiere, Oultre le Rhyn, disrent avoir matiere Tenir suspect roy si puissant près d'eulx. À ce moyen, comme gentz despiteux, [1440]S'esmeurent tous, sans aultre delay querre, Deliberez de luy faire la guerre.
§La guerre aux Saxons Luy, d'aultre part, quant les sceut approchantz, Ne faillit pas de se getter aux champs À grosse armee. Adonc, comme on s'efforce [1445]Donner dedans et qu'en pareille force, Les plus vaillantz font raige, au batailler, De braz pourfendre et jambes detailler, Membres casser, esserveler cervelles, De fraiz estocz et taillades nouvelles. [1450]§Tous eurent cueur de gentz fort belliqueux Et, combien que eust Dagobert moins gentz que eulx, Si passa il le Rhyn, monstrant visaige D'ardeur bouillante au marsial usaige. Car sans penser que on se peult eschaulder [1455]Par trop haster, ne voullut marchander, Mais au plus dru de la forte bataille, Se alla fourrer, où receut une taille, Dont moindre qu'elle ung homme au hazard mect De grand peril, car il eut de l'armet [1460]Et de son chef une piece emportee, Si que n'eust sceu endurer la portee, Ne fust Attile, ung sien lëal servant, Qui vie au corps luy alla conservant.
§Clotaire va au secours Tant d'armes feyt cestuy que de grand erre, [1465]Sur son cheval le releva de terre. Et aussitost que à saulveté l'eut mys Hors le danger et mains des ennemys, Au pere alla en Ardenne luy faire Le vray rapport du survenu affaire. [1470]Et pour donner tesmoignaige au meschief, Il luy porta celle piece du chef De son enffent, où les cheveulx tenoient Tous pleins de sang, qui preuve luy donnoient Avoir besoing de prompt ayde et secours. [1475]Allors le cueur ne sceut tenir son cours Qu'il ne rendist, par grand sourse de larmes, Ses yeulx baingnez. Puis eut recours aux armes, Feyt toute nuyct gentz si à coup marcher, Que au poinct du jour, non plus loing comme archer [1480]Tire d'ung trect, approcha près la tente De Dagobert dont, d'asseuree attente, Luy et les siens se veyrent esjouÿs Tant que leurs crys furent, ce croy je, ouys Jusques en l'ost de la partie adverse, [1485]Qui luy causa ennuyeuse traverse.
§De son filz Dagobert Et la raison, pour parler a privé, Quant on congnoist le secours arrivé, Que on voit branler enseignes, canons bruyre, Harnoys cliquer, armetz en testes luyre, [1490]Chevaulx hennyr, faire saultz, petiller, Faulcons siffler, trompettes trompiller, Pour certain, ceulx qui le secours attendent, Et au besoing se joindre à eulx l'entendent, En l'heure sont aux armes parforcez [1495]Et de renfort doublement renforcez. Ainsi peult l'ung à tel heur l'aultre attraire Que la victoire en ont, mais au contraire, Ainsi que ceulx congnoissantz acourir Flottes de gentz les venantz secourir [1500]Sont redoublez de force et hardïesse, Aussi sont ceulx affoibliz de prouësse Qui encontre eulx sentent renfort venir, Et sont doubteux de leur perte advenir Sans nul appuy d'esperance certaine. [1505]Là Berthouauld, des Saxons cappitaine, Prest de combattre, escouttant les deux ostz Mener gros bruict : comment ? dit il, ces sotz
§Bataille de Clotaire et Dagobert Coquardz Françoys sont ilz en resverye De faire telle et si grande crirye ? [1510]À quoy fut dit que ce cry procedoit Pour ce que là present Clotaire estoit, Avec son ost, deliberé destruire Luy et eulx tous. allors se print à rire, Disant : paillardz vous l'avez controuvé ! [1515]Clotaire est mort je tien cela prouvé. Mais la grand peur qui en voz cueurs se plonge, Vous fait porter une telle mensonge. §Quant Clotaire eut ouÿ cestuy rapport, Oultre le fleuve estant au droict du port, [1520]L'armet ostant, monstra de pleine allee, Son chef portant blancheur entremeslee. Là, l'orgueilleux, rude et fier Berthouauld, Ce villain mot oza dire tout hault. Dès ce qu'il vit la teste blanche et nue : [1525]A ! es tu là vieille jument chanue ! Ce fut ung mot dont Clotaire eut tel dueil Qu'il feyt serment jamais ne dormir de œil, Que n'eust vengé ce brocard de reproche. Lors desirant du heynneux faire aproche,
§Contre Berthouauld chef des Saxons [1530]Et le combat donner aux ennemys, Oultre le Rhyn passa, cy prys cy mys. L'ost de son filz et le sien en bon ordre Sceurent pincer adversaires et mordre, Car son destryer si asprement feryt [1535]Des esperons que au beau meillieu se offrit, Et plus espoix de toute la bataille, Au choc donner. C'est force que tout aille Et n'est saison là endroit restifver, Face temps chauld ou encor froid yver. [1540]§En les chargeant, donna de tel couraige, Que oncques ne fut tempestatif oraige Plus à doubter. Quoy que sur l'aaige fust, Son braz nerfvu porta lance de fust Au rencontrer si rude, que au combatre, [1545]Bien se monstra malaysé homme à battre. Là, fut ce jour de bien près regardant À Berthouauld, en desir fort ardant Estre celuy qu'en toute place on nomme Preux, pour tenir bonne coupple à son homme, [1550]Et du chef blanc monstrer au descouvert, Avoir pour luy braz encor assez verd.
§Clotaire occyt Berthouauld Or Berthouauld, voyant que à grosse suytte Faisoit sur luy Clotaire la pourssuytte, Fuyant les coupz et charmant le danger, [1555]Monstra semblant qu'il n'en vouloit manger, Mais au plus dru et conflict de la presse, Le poursuivit, par une telle appresse Que à coupz trenchez de glaives perilleux, Y eut estrif et combat merveilleux. [1560]Et tellement se demena l'affaire, Qu'en fin Clotaire, à Berthouauld deffaire, Baz abatu, son armet arracha, Et en l'instant la teste luy trencha. §Lors, les Françoys Saxons si fort batirent, [1565]Et tant de mortz par la terre abatirent, Que le surplus, eulx voyantz attourner Si rudement, furent contrainctz tourner. Ceste victoire à plaisir obtenue, Clotaire feyt tel esdit de tenue [1570]Que pour dompter Saxonie, en rigueur Les masles tous excedantz la longueur De son espee, en fureur et grosse yre, Fussent livrez, sans remeide, à occire.
§Fait esdit touchant l'occision des enfans Ce que fut fait. Ung seul vif n'en resta. [1575]Aussi manoir entier là n'arresta, Citez, chasteaulx, bourgs, villes et villaiges, Habandonnez à feu, sang et pillaiges, Paÿs bruslez furent à grand degast, Sans y trouver homme qui alleguast [1580]Venger le dueil de si grandz vituperes, Car les enffentz, dont guerre occist leurs peres, N'eurent pouoir longtemps armes porter. §Clotaire adonq se voulut transporter Au lieu qui plus son desir rassasie. [1585]Ce fut en France, en laissant d' Austrasye, À Dagobert, la dominacïon. L'exploit fut grand, quant telle natïon Dompta ainsi, rebelle, fiere et rogue. Si ce ne fust que à mon estat desrogue, [1590]Desirer sang des humains espendu, Je maintiendroye argent trop despendu Avoir esté au royaulme de France, Perte de gentz et peuples en souffrance, Par le deffault de faire en certains lieux [1595]Comme on feyt là. Or soit tout pour le mieulx.
§Assemblee faicte a Troyes Il fault laisser actes de telz passaiges À discutter aux gentz graves et saiges.













33v
§Du ieune filz dagobert ,dit lhiſtoire. Quen auſtraſye et hors le territoire. [1375]Eut forte guerre ou peril encourut. Et la ſon pere a tant le ſecourut. Que eulx, ioinctz enſemble, y obtindrent victoire.
§Chapitre.viiie.
34r
§Gentz deputez.34v ATraict de temps, ainſi que ieu
nes gentz. Sont deſireux / aſpꝛes et dili
gentz. [1380]Eulx demonſtrer / tant de ſens que par aaige. Fut dagobert de tresnoble paraige. Foꝛt pꝛeux / hardy / adextre et couraigeux. Ayant voulloir de royal cueur a ieux. Dhonneſtetez / La facon moderee. [1385]De ſa vertu veue et conſideree. Dont gꝛandement ſe trouua enrichy. Le roy ſon pere, au bourg nomme clichy. De lez paris / en ce bon loz et fame. Le marya a la ſeur de ſa femme. [1390]Dicte sichilde / ainſi lappariant. Aſſez deuoit eſtre la paryant. Le ieu gaigner / et de cueur non rebelle. Foꝛt bien iouer; veu que on luy bailloit belle. Et quelle auoit, ainſi que leſcript dit. [1395]De beaulte gꝛande / aſſez ample credit. §Quant a ſon nom / ie nen ay certitude. Sinon que aucuns la denomment gertrude.
§Pour leſtat de dagobert. 35r Touchant ces noms / noz autheurs reuerendz. Souuenteſfoiz ſe trouuent differentz. [1400]Mais quoy / cela ny toult gueres ne donne. Pour ce ſupplye a tant que on me pardonne. Se cy endꝛoit laiſſe lappareil gꝛand. Aux nopces, faict ie retien a garand. Que le plus bꝛief au poſſible deſcrire. [1405]Eſt le meilleur ſans ſi au long deſcrire. Ce qui neſt bien au pꝛincipal duyſant. Car iay deſir, laffaire conduyſant. Selon le gꝛos et dur ſtille dont œuure. Sommairement mener a fin ceſt œuure. [1410]Apꝛes la feſte il fault pꝛeſupoſer. Que dagobert feyt vng caz pꝛopoſer. Au roy ſon pere / et fut que d auſtraſye. Rendiſt la part de ſa terre ſaiſye. Sans vzurper dꝛoict de retencion. [1415]Loꝛs, a vuyder celle contencion. Furent eſcriptz articles par chappitres. Et oꝛdonnez douze hommes pour arbitres. Entre leſquelz fut leueſque de metz. Nomme arnoul / qui neuſt voullu iamais.
§Dagobert receu roy d auſtraſye.35v [1420]Pour craincte / amour / ou faueur entrepꝛendꝛe. Choſe penſer / dire ou faire a repꝛendꝛe. §Le ſainct pꝛeudhomme et aultres deputez. Apꝛes auoir les faictz bien diſputez. Par leur ſentence arbitraire appoincterent. [1425]Et auſtraſie entiere decreterent. A dagobert deuoir appartenir. Pour en iouyꝛ / et celle part tenir. Paiſiblement, franche, libꝛe et indempne. Dentre le rhin et la foꝛeſt d ardenne. [1430]Selon les lieux / et limites, par dꝛoict. Iadis aſſis de bon et ſeur endꝛoict. §La choſe ainſi doulcement arreſtee. Tantoſt apꝛes ſon allee appꝛeſtee. Fut ſur les lieux receu paiſible roy. [1435]En triumphant et ſumptueux arroy. Loꝛs, les saxons, eſtans ſur la frontiere. Oultre le rhyn / diſrent auoir matiere. Tenir ſuſpect / roy ſi puiſſant pꝛes deulx. A ce moyen, comme gentz deſpiteux. [1440]Seſmeurent tous / ſans aultre delay querre. Deliberez de luy faire la guerre.
§La guerre aux saxons. 36r Luy, daultre part, quant les ſceut appꝛochantz. Ne faillit pas de ſe getter aux champs. A gꝛoſſe armee / Adonc, comme on seffoꝛce. [1445]Donner dedans / et quen pareille foꝛce. Les plus vaillantz / font raige, au batailler. De bꝛaz pourfendꝛe / et iambes detailler. Membꝛes caſſer / eſſerueler ceruelles. De fraiz eſtocz / et taillades nouuelles. [1450]§Tous eurent cueur de gentz foꝛt belliqueux. Et, combien que euſt dagobert moīs gētz q̄ eulx. Si paſſa il le rhyn, monſtrant viſaige. Dardeur bouillante au marſial vſaige. Car ſans penſer que on ſe peult eſchaulder. [1455]Par trop haſter / ne voullut marchander, Mais au plus dꝛu de la foꝛte bataille. Se alla fourrer / ou receut vne taille. Dont moindꝛe quelle vng homme au hazard mect. De gꝛand peril / car il eut de larmet. [1460]Et de ſō chef vne piece empoꝛtee. Si que neuſt ſceu endurer la poꝛtee. Ne fuſt attile / vng ſien leal ſeruant. Qui vie au coꝛps luy alla conſeruant.
§Clotaire va au ſecours.36v Tant darmes feyt ceſtuy / que de gꝛand erre. [1465]Sur ſon cheual le releua de terre. Et auſſi toſt que a ſauluete leut mys. Hoꝛs le danger et mains des ennemys. Au pere alla en ardenne / luy faire. Le vray rappoꝛt du ſuruenu affaire. [1470]Et pour donner teſmoignaige au meſchief. Il luy poꝛta celle piece du chef. De ſon enffent / ou les cheueulx tenoient. Tous pleins de ſang / qui pꝛeuue luy dōnoient. Auoir beſoing de pꝛompt ayde et ſecours. [1475]Alloꝛs le cueur ne ſceut tenir ſon cours. Quil ne rendiſt, par gꝛand ſourſe de larmes. Ses yeulx baingnez / puis eut recours aux armes. Feyt toute nuyct / gentz ſi acoup marcher. Que au poinct du iour, non plus loing cōme archer. [1480]Tire dvng trect / appꝛocha pꝛes la tente. De dagobert / dont, daſſeuree attente. Luy et les ſiens ſe veyꝛent eſiouys. Tant que leurs crys furent, ce croy ie, ouys. Iuſques en loſt de la partie aduerſe. [1485]Qui luy cauſa ennuyeuſe trauerſe.
§De ſon filz dagobert. 37r Et la raiſon, pour parler a pꝛiue. Quant on congnoiſt le ſecours arriue. Que on voit bꝛanler enſeignes / canons bꝛuyꝛe. Harnoys cliquer / armetz en teſtes luyꝛe. [1490]Cheuaulx hennyꝛ / faire ſaultz / petiller. Faulcons ſiffler / trompettes trompiller. Pour certain / ceulx qui le ſecours attendent. Et au beſoing / ſe ioindꝛe a eulx / lentendent. En lheure ſont aux armes parfoꝛcez [1495]Et de renfoꝛt doublement renfoꝛcez. Ainſi peult lvng a tel heur laultre attraire. Que la victoire en ont / mais au contraire. Ainſi que ceulx congnoiſſantz acourir. Flottes de gentz / les venantz ſecourir. [1500]Sont redoublez de foꝛce et hardieſſe. Auſſi ſont ceulx affoibliz de pꝛoueſſe Qui encontre eulx ſentent renfoꝛt venir. Et ſont doubteux de leur perte aduenir. Sans nul appuy deſperance certaine. [1505]La berthouauld, des saxons cappitaine. Pꝛeſt de combattre / eſcouttant les deux oſtz. Mener gꝛos bꝛuict / comment / dit il / ces ſotz
§Bataille de clotaire et dagobert.37v Coquardz francoys ſont ilz en reſuerye. De faire telle et ſi gꝛande crirye. [1510]A quoy fut dit que ce cry pꝛocedoit. Pour ce que la pꝛeſent / clotaire eſtoit. Auec ſon oſt, delibere deſtruire Luy et eulx tous / Alloꝛs ſe pꝛint a rire. Diſant : paillardz vous lauez controuue. [1515]Clotaire eſt moꝛt / ie tien cela pꝛouue. Mais la gꝛand peur qui en voz cueurs ſe plonge. Vous fait / poꝛter vne telle menſonge. §Quant clotaire eut ouy ceſtuy rappoꝛt. Oultre le fleuue / eſtant au dꝛoict du poꝛt. [1520]Larmet oſtant / monſtra de pleine allee. Son chef poꝛtant blancheur entremeſlee. La, loꝛgueilleux / rude et fier berthouauld. Ce villain mot / oza dire tout hault. Des ce quil vit / la teſte blanche et nue. [1525]A|es tu la / vieille iument chanue. Ce fut vng mot / dont clotaire eut tel dueil. Quil feyt ſerment / iamais ne doꝛmir de œil. Que neuſt venge / ce bꝛocard de repꝛoche. Loꝛs deſirant du heynneux faire apꝛoche.
§Contre berthouauld chef des saxons. 38r [1530]Et le combat donner aux ennemys. Oultre le rhyn paſſa, cy pꝛys cy mys. Loſt de ſon filz et le ſien en bon oꝛdꝛe. Sceurent pincer / aduerſaires et moꝛdꝛe. Car ſon deſtryer ſi aſpꝛement feryt. [1535]Des eſperons que au beau meillieu ſe offrit. Et plus eſpoix de toute la bataille. Au choc donner / ceſt foꝛce que tout aille. Et neſt ſaiſon la endꝛoit reſtifuer. Face temps chauld ou encoꝛ froid yuer. [1540]§En les chargeant, donna de tel couraige. Que oncques ne fut tempeſtatif oꝛaige. Plus a doubter / Quoy que ſur laaige fuſt. Son bꝛaz nerfuu poꝛta lance de fuſt. Au rencontrer ſi rude, que au combatre. [1545]Bien ſe monſtra malayſe homme a battre. La, fut ce iour de bien pꝛes regardant. A berthouauld / en deſir foꝛt ardant. Eſtre celuy quen toute place on nomme. Pꝛeux, pour tenir bonne coupple a ſon homme. [1550]Et du chef blanc / monſtrer au deſcouuert. Auoir pour luy bꝛaz encoꝛ aſſez verd.
§Clotaire occyt berthouauld38v Oꝛ berthouauld, voyant que a gꝛoſſe ſuytte. Faiſoit ſur luy clotaire la pourſſuytte. Fuyant les coupz / et charmant le danger. [1555]Monſtra ſemblant quil nen vouloit manger. Mais au plus dꝛu et conflict de la pꝛeſſe. Le pourſuiuit, par vne telle appꝛeſſe. Que a coupz / trenchez de glaiues perilleux. Y eut eſtrif et combat merueilleux. [1560]Et tellement ſe demena laffaire. Quen fin clotaire, a berthouauld deffaire. Baz abatu, ſon armet arracha. Et en linſtant la teſte luy trencha. §Loꝛs, les francoys / saxons ſi foꝛt batirent. [1565]Et tant de moꝛtz par la terre abatirent. Que le ſurplus, eulx voyantz attourner. Si rudement, furent contrainctz tourner. Ceſte victoire a plaiſir obtenue. Clotaire feyt tel eſdit de tenue. [1570]Que pour dompter saxonie, en rigueur. Les maſles tous excedantz la longueur. De ſon eſpee / en fureur et gꝛoſſe yꝛe. Fuſſent liurez / ſans remeide / a occire.
§Fait eſdit touchant locciſion des enfās. 39r Ce que fut fait. Vng ſeul vif nen reſta. [1575]Auſſi manoir / entier la narreſta. Citez / chaſteaulx / bourgs / villes et villaiges. Habandonnez a feu / ſang et pillaiges. Pays bꝛuſlez furent a gꝛand degaſt. Sans y trouuer homme qui alleguaſt. [1580]Venger le dueil de ſi gꝛandz vituperes. Car les enffentz / dont guerre occiſt leurs peres. Neurent pouoir / long temps armes poꝛter. §Clotaire adonq ſe voulut tranſpoꝛter. Au lieu qui plus / ſon deſir raſſaſie. [1585]Ce fut en france / en laiſſant d auſtraſye. A dagobert / la dominacion. Lexploit fut gꝛand / quant telle nation. Dompta ainſi, rebelle, fiere et rogue. Si ce ne fuſt que a mon eſtat deſrogue. [1590]Deſirer ſang des humains eſpendu. Ie maintiendꝛoye argent trop deſpendu. Auoir eſte au royaulme de france. Perte de gentz / et peuples en ſouffrance. Par le deffault / de faire en certains lieux. [1595]Cōme on feyt la. Oꝛ ſoit tout pour le mieulx.
§Aſſemblee faicte a troyes.39v Il fault laiſſer actes de telz paſſaiges. A diſcutter aux gentz gꝛaues et ſaiges.
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§Du jeune filz Dagobert ,dit l'histoire Qu'en Austrasye et hors le territoire, [1375]Eut forte guerre où peril encourut. Et là son pere à tant le secourut Que eulx, joinctz ensemble, y obtindrent victoire.
§Chapitre.viiie.
§Gentz deputez Atraict de temps, ainsi que jeunes gentz Sont desireux, aspres et diligentz [1380]Eulx demonstrer, tant de sens que par aaige, Fut Dagobert de tres noble paraige, Fort preux, hardy, adextre et couraigeux, Ayant voulloir de royal cueur à jeux D'honnestetez. La façon moderee [1385]De sa vertu veue et consideree, Dont grandement se trouva enrichy, Le roy son pere, au bourg nommé Clichy, De lez Paris, en ce bon loz et fame, Le marÿa à la seur de sa femme, [1390]Dicte Sichilde. Ainsi l'apparïant. Assez devoit estre là parÿant Le jeu gaigner, et de cueur non rebelle, Fort bien jouer; veu que on luy bailloit belle, Et qu'elle avoit, ainsi que l'escript dit, [1395]De beaulté grande assez ample credit. §Quant à son nom, je n'en ay certitude, Sinon que aucuns la denomment Gertrude.
§Pour l'estat de Dagobert Touchant ces noms, noz autheurs reverendz Souventesfoiz se trouvent differentz. [1400]Mais quoy ? Cela n'y toult gueres ne donne, Pour ce supplye à tant que on me pardonne, Se cy endroit laissé l'appareil grand. Aux nopces, faict je retien à garand Que le plus brief au possible descrire [1405]Est le meilleur sans si au long d'escrire, Ce qui n'est bien au principal duysant, Car j'ay desir, l'affaire conduysant Selon le gros et dur stille dont œuvre, Sommairement mener à fin cest œuvre. [1410]Aprés la feste il fault presuposer Que Dagobert feyt ung caz proposer Au roy son pere, et fut que d' Austrasye, Rendist la part de sa terre saisye, Sans uzurper droict de retencïon. [1415]Lors, à vuyder celle contencïon, Furent escriptz articles par chappitres, Et ordonnez douze hommes pour arbitres, Entre lesquelz fut l'evesque de Metz. Nommé Arnoul, qui n'eust voullu jamais,
§Dagobert receu roy d' Austrasye [1420]Pour craincte, amour, ou faveur entreprendre, Chose penser, dire ou faire à reprendre. §Le sainct preud'homme et aultres deputez, Aprés avoir les faictz bien disputez, Par leur sentence arbitraire appoincterent, [1425]Et Austrasie entiere decreterent À Dagobert devoir appartenir, Pour en jouÿr et celle part tenir, Paisiblement, franche, libre et indempne, D'entre le Rhin et la forest d' Ardenne, [1430]Selon les lieux, et limites, par droict, Jadis assis de bon et seur endroict. §La chose ainsi doulcement arrestee, Tantost aprés son allee apprestee, Fut sur les lieux receu paisible roy [1435]En trïumphant et sumptueux arroy. Lors, les Saxons, estans sur la frontiere, Oultre le Rhyn, disrent avoir matiere Tenir suspect roy si puissant près d'eulx. À ce moyen, comme gentz despiteux, [1440]S'esmeurent tous, sans aultre delay querre, Deliberez de luy faire la guerre.
§La guerre aux Saxons Luy, d'aultre part, quant les sceut approchantz, Ne faillit pas de se getter aux champs À grosse armee. Adonc, comme on s'efforce [1445]Donner dedans et qu'en pareille force, Les plus vaillantz font raige, au batailler, De braz pourfendre et jambes detailler, Membres casser, esserveler cervelles, De fraiz estocz et taillades nouvelles. [1450]§Tous eurent cueur de gentz fort belliqueux Et, combien que eust Dagobert moins gentz que eulx, Si passa il le Rhyn, monstrant visaige D'ardeur bouillante au marsial usaige. Car sans penser que on se peult eschaulder [1455]Par trop haster, ne voullut marchander, Mais au plus dru de la forte bataille, Se alla fourrer, où receut une taille, Dont moindre qu'elle ung homme au hazard mect De grand peril, car il eut de l'armet [1460]Et de son chef une piece emportee, Si que n'eust sceu endurer la portee, Ne fust Attile, ung sien lëal servant, Qui vie au corps luy alla conservant.
§Clotaire va au secours Tant d'armes feyt cestuy que de grand erre, [1465]Sur son cheval le releva de terre. Et aussitost que à saulveté l'eut mys Hors le danger et mains des ennemys, Au pere alla en Ardenne luy faire Le vray rapport du survenu affaire. [1470]Et pour donner tesmoignaige au meschief, Il luy porta celle piece du chef De son enffent, où les cheveulx tenoient Tous pleins de sang, qui preuve luy donnoient Avoir besoing de prompt ayde et secours. [1475]Allors le cueur ne sceut tenir son cours Qu'il ne rendist, par grand sourse de larmes, Ses yeulx baingnez. Puis eut recours aux armes, Feyt toute nuyct gentz si à coup marcher, Que au poinct du jour, non plus loing comme archer [1480]Tire d'ung trect, approcha près la tente De Dagobert dont, d'asseuree attente, Luy et les siens se veyrent esjouÿs Tant que leurs crys furent, ce croy je, ouys Jusques en l'ost de la partie adverse, [1485]Qui luy causa ennuyeuse traverse.
§De son filz Dagobert Et la raison, pour parler a privé, Quant on congnoist le secours arrivé, Que on voit branler enseignes, canons bruyre, Harnoys cliquer, armetz en testes luyre, [1490]Chevaulx hennyr, faire saultz, petiller, Faulcons siffler, trompettes trompiller, Pour certain, ceulx qui le secours attendent, Et au besoing se joindre à eulx l'entendent, En l'heure sont aux armes parforcez [1495]Et de renfort doublement renforcez. Ainsi peult l'ung à tel heur l'aultre attraire Que la victoire en ont, mais au contraire, Ainsi que ceulx congnoissantz acourir Flottes de gentz les venantz secourir [1500]Sont redoublez de force et hardïesse, Aussi sont ceulx affoibliz de prouësse Qui encontre eulx sentent renfort venir, Et sont doubteux de leur perte advenir Sans nul appuy d'esperance certaine. [1505]Là Berthouauld, des Saxons cappitaine, Prest de combattre, escouttant les deux ostz Mener gros bruict : comment ? dit il, ces sotz
§Bataille de Clotaire et Dagobert Coquardz Françoys sont ilz en resverye De faire telle et si grande crirye ? [1510]À quoy fut dit que ce cry procedoit Pour ce que là present Clotaire estoit, Avec son ost, deliberé destruire Luy et eulx tous. allors se print à rire, Disant : paillardz vous l'avez controuvé ! [1515]Clotaire est mort je tien cela prouvé. Mais la grand peur qui en voz cueurs se plonge, Vous fait porter une telle mensonge. §Quant Clotaire eut ouÿ cestuy rapport, Oultre le fleuve estant au droict du port, [1520]L'armet ostant, monstra de pleine allee, Son chef portant blancheur entremeslee. Là, l'orgueilleux, rude et fier Berthouauld, Ce villain mot oza dire tout hault. Dès ce qu'il vit la teste blanche et nue : [1525]A ! es tu là vieille jument chanue ! Ce fut ung mot dont Clotaire eut tel dueil Qu'il feyt serment jamais ne dormir de œil, Que n'eust vengé ce brocard de reproche. Lors desirant du heynneux faire aproche,
§Contre Berthouauld chef des Saxons [1530]Et le combat donner aux ennemys, Oultre le Rhyn passa, cy prys cy mys. L'ost de son filz et le sien en bon ordre Sceurent pincer adversaires et mordre, Car son destryer si asprement feryt [1535]Des esperons que au beau meillieu se offrit, Et plus espoix de toute la bataille, Au choc donner. C'est force que tout aille Et n'est saison là endroit restifver, Face temps chauld ou encor froid yver. [1540]§En les chargeant, donna de tel couraige, Que oncques ne fut tempestatif oraige Plus à doubter. Quoy que sur l'aaige fust, Son braz nerfvu porta lance de fust Au rencontrer si rude, que au combatre, [1545]Bien se monstra malaysé homme à battre. Là, fut ce jour de bien près regardant À Berthouauld, en desir fort ardant Estre celuy qu'en toute place on nomme Preux, pour tenir bonne coupple à son homme, [1550]Et du chef blanc monstrer au descouvert, Avoir pour luy braz encor assez verd.
§Clotaire occyt Berthouauld Or Berthouauld, voyant que à grosse suytte Faisoit sur luy Clotaire la pourssuytte, Fuyant les coupz et charmant le danger, [1555]Monstra semblant qu'il n'en vouloit manger, Mais au plus dru et conflict de la presse, Le poursuivit, par une telle appresse Que à coupz trenchez de glaives perilleux, Y eut estrif et combat merveilleux. [1560]Et tellement se demena l'affaire, Qu'en fin Clotaire, à Berthouauld deffaire, Baz abatu, son armet arracha, Et en l'instant la teste luy trencha. §Lors, les Françoys Saxons si fort batirent, [1565]Et tant de mortz par la terre abatirent, Que le surplus, eulx voyantz attourner Si rudement, furent contrainctz tourner. Ceste victoire à plaisir obtenue, Clotaire feyt tel esdit de tenue [1570]Que pour dompter Saxonie, en rigueur Les masles tous excedantz la longueur De son espee, en fureur et grosse yre, Fussent livrez, sans remeide, à occire.
§Fait esdit touchant l'occision des enfans Ce que fut fait. Ung seul vif n'en resta. [1575]Aussi manoir entier là n'arresta, Citez, chasteaulx, bourgs, villes et villaiges, Habandonnez à feu, sang et pillaiges, Paÿs bruslez furent à grand degast, Sans y trouver homme qui alleguast [1580]Venger le dueil de si grandz vituperes, Car les enffentz, dont guerre occist leurs peres, N'eurent pouoir longtemps armes porter. §Clotaire adonq se voulut transporter Au lieu qui plus son desir rassasie. [1585]Ce fut en France, en laissant d' Austrasye, À Dagobert, la dominacïon. L'exploit fut grand, quant telle natïon Dompta ainsi, rebelle, fiere et rogue. Si ce ne fust que à mon estat desrogue, [1590]Desirer sang des humains espendu, Je maintiendroye argent trop despendu Avoir esté au royaulme de France, Perte de gentz et peuples en souffrance, Par le deffault de faire en certains lieux [1595]Comme on feyt là. Or soit tout pour le mieulx.
§Assemblee faicte a Troyes Il fault laisser actes de telz passaiges À discutter aux gentz graves et saiges.