Livre III - Chapitre 4
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13v
[620]§Puis que orendroit lincident seſt offert. Et a propoz peult ſeruir, bien affiert. Mettre en eſcript ce que auoye eſleu taire. De ſainct denys, ruſtique et eleuthere Qui, pour la foy, grief martyre ont ſouffert.
§Chapitre.iiiie.
14r
§Sainct denys tranſmys en france.14v [625]APres neron, le cruel et fier homme. Domician fut le viie.ͤ, a romme. Ayant pouoir de dominacion. Aux ans nombꝛez de lincarnatiō. Noſtre ſeigneur / cent vingt et neuf / lempire. [630]Paiſible obtint faiſant, de mal en pire. Perſecuter / xpiens ou que ſceuſt. Vng, qui la foy de ieſuchꝛiſt receuſt, Alloꝛs tenoit le ſiege apoſtolique. Pape clement / de la foy catholique. [635]Ferme pillier / tresferuent zelateur. Et des chetifz humble conſolateur. Clement de nom / et de faict par clemence. Soy demonſtrant / car diuine ſemence. Aux cueurs ſema de peuples infiniz. [640]§Oꝛ, en ce temps / le bon paſteur denis. D athenes vint a romme / ayant enuie. Les benoiſtz ſainctz apoſtres veoir en vie. Meſmes ſainct paul qui lauoit conuerty. Et quant il fut de certain aduerty, [645]Leurs eſperitz / apꝛes dures moleſtes. Eſtre vollez aux manſions celeſtes.
§Par le pappe clement.15r §Il ſe tira vers le pape clement. Qui lhonnoꝛa / et pꝛiſa tellement. Que a reſiſter a la ſecte ennemye. [650]De noſtre foy / voyant ſa pꝛeudhommye. Sa ſainctete / bon ſens et hault ſcauoir, Nextima pas que legat ſceuſt auoir. Meilleur de luy, pour deſuoyez conduyꝛe. Et aueuglez / a lumiere reduyꝛe. [655]Si le tranſmyct, auec aultres pluſieurs. Vers|le pays des gaulles et allieurs. Ou ſceut payans eſtre extimez en taille. De plus auſtere et cruelle bataille. Loꝛs, requerant la benediction. [660]Du pere ſainct, ceſte commiſſion. Receut a gꝛe / affectant de gꝛant erre. Eſtre arriue en la francoyſe terre. Luy et les ſiens, montaignes trauerſans. Vindꝛent en arle / ou furent conuerſans. [665]Par certains iours / la eut ſolicitude. De conuertir a gꝛande multitude. Les meſcreans / mys en neceſſite. De tenebꝛeuſe et vaine cecite.
§Le martyre de ſainct denys.15v De la partans, leur bende ſeparerent. [670]Et ſoubz leſcu / de foy / ſe pꝛeparerent. En diuers lieux quelque temps eulx tenir. Pour le party de ieſus ſouſtenir. En la cite de luteſſe ancienne. Et a pꝛeſent dicte pariſienne. [675]Vindꝛent denys et ſes aſſociez. Feruentz en cueur, ſongneux et ſouciez. Peuples gaigner / et retirer les ames. De trebucher aux infernales flames. §Ce bon paſteur pꝛenoit vacacion. [680]A ieuſne, veille / et pꝛedication. Peyne et labeur poꝛtoit en vie actifue. Et oꝛaiſon pour la contemplatifue. Tant fut de bonne et gꝛande vtilite. Que peuple oſta hoꝛs lincredulite. [685]Dinfect peril poꝛtant dampnable encombꝛe. Il baptiza, de peuple, ſi gꝛand nombꝛe. Que dedans rome en fut faict le rappoꝛt. Par quoy ſoudain, lempereur, par tranſpoꝛt. De cruaulte, eſleut vng commiſſaire. [690]Amy de guerre et de paix aduerſaire.
§Et ſes compaignons. 16r Ce fut celuy oultraigeux feſcennin. Pꝛeuoſt de gaulle / ayant au cueur venyn. De oꝛde poyſon, infecte et alteree. En fiel pourry de heyne inueteree. [695]Ce fut celuy pꝛeſumptueux et fier. Qui a tout mal ſe ſceut gloꝛiffier. Ce fut celuy delibere de faire. Maulx inhumains, pour xpiens deffaire. Ce fut celuy chien maſtin enraige. [700]Dont ſe trouua maint pꝛeudhomme oultraige. Quil apperceut laiſſer ſecte payenne. Pour adherer a la foy xpienne. §Luy arriue a paris / et voyant. De toutes partz monde ſe deſuoyant. [705]Apꝛes denys et ſes ieunes dyacres. Voyant auſſi rompꝛe aultiers ſymulachꝛes. Temples deſtruire / et faire iniure aux dieux. Les declaira / crimmelz odieux. De pꝛeſcher foy / quil diſoit deſlealle. [710]Contre le dict de loy imperialle. Par quoy les feyt, aux plus parfondz deſtroitz. De chartre obſcure, empꝛiſonner tous troys.
§Sainct denys portant ſa teſte en ſes mains.16v §Que vueil ie dire / A quoy fays ie demeure ? Le differer ny ſert pas vne meure. [715]Ce bon eueſque et ſes deux eſcolliers. Tenuz de court par cheſnes et colliers. Le faulx meurdꝛier demonſtrant tyꝛannie. Diniure / oppꝛobꝛe / oultraige / et villennye. Apꝛes quil eut leurs coꝛps foꝛt macerez. [720]Doz detrenchez / et ventres lacerez. Apꝛes auoir, comme a la boucherie. Leur digne chair miſe a leſcoꝛcherie. Apꝛes auoir, de toꝛches et flambeaux. Fait degoutter cyꝛe et feu par lambeaux. [725]Sur la chair nue / Apꝛes peyne enduree. De gꝛiefz tourmentz et foꝛt longue duree. Vaincre challeur / daſpꝛe fourneau ardant. Et aultres maulx exceſſifz / regardant. Ce cruel homme / a luy neſtre poſſible. [730]Pouoir dompter leur couraige inuincible. Les feyt mener garrotez et lyez. Par ſes ſergentz et bourreaulx allyez. Au pied dvng mont, loꝛs nōme montmercure. Dict a pꝛeſent montmartre en / ſoing et cure.
§Receu de catulle. 17r [735]Deuant mercure / a moꝛt les deffier. Ou, comme luy, faire ſacriffier. Et pour autant que eurent ferme conſtance. Luy denyer / ce faire / a toute inſtance. Et quen leur bouche et cueur tindꝛent eſcript. [740]Touſiours le nom du ſauueur ieſuchꝛiſt. La, ſans pꝛoces / ne faire aultres enqueſtes. Au pied du mont leur feyt trencher les teſtes. Loꝛs, furent mys ces troys coꝛps pꝛecieux. Par moꝛt / a terre / et les ames aux cieulx. [745]§Ô gꝛand merueille et nouuelle venue. Au parauant non ſceue eſtre aduenue. Le benoiſt coꝛps ſainct denys, en linſtant. Du coup feru / de bout / ſur piedz eſtant. Entre ſes mains / tint ſa teſte poſee. [750]Et, cheminant ſans nulle repoſee. Dꝛoict sen alla, par le voulloir de dieu. Et, ſouſtenu des anges / rendꝛe au lieu. Loꝛs appelle / rue cathulyenne. §La demouroit vne dame payenne. [755]Mais creſtienne / en cueur / et de renom Bien extime / qui catulle auoit nom.
§Regretz de catule.17v De ſon nom pꝛopꝛe / Et gꝛande renommee, Fut des ce temps la rue ainſi nommee. Hoꝛs ſa maiſon, pꝛopoſa sen aller. [760]Au mont mercure / ayant ouy parler. Que on affligeoit de criminelz ſupplices. Le bon paſteur denis et ſes complices. Dont en ſon cueur ſouffrit gꝛiefue langueur. Que on le traictoit par ſi foꝛte rigueur. [765]Elle lamoyt / et auoit ſa doctrine. Ia impꝛimee au fons de ſa poictrine. Car bien ſouuent ſes ſermons frequentoit. §Oꝛ donc ainſi que en ceſte rue eſtoit, Et vit venir de loing ce perſonnaige. [770]Entre ſes mains le chef|Iour de ſon aaige. Ne la ſurpꝛint tel eſbahyſſement. Et ne ſcauoit ſe, par rauiſſement. De aduis et ſens eſtoit alyenee. Ou ſi ceſtoit quelque faincte menee. [775]A dire vray / ce pouoit tranſpoꝛter. Vng eſperit, voyant homme poꝛter. Sa teſte ainſi, ceſtoit choſe admirable. Et ſans auoir bonne pꝛeuue increable.
§Sur la mort de ſainct denys. 18r §La bonne dame, a lheure, ne ſcauoit. [780]Se demourer / ou loing fouyꝛ deuoit. Quant dieu permyct / que ouyt les chantz des anges Reſonantz ſons de parfaictes louanges. Loꝛs demoura ſans nul veoir / foꝛs luy ſeul. Et la coucha vng honneſte linſeul. [785]En attendant ceſte heureuſe rencontre. Le ſainct martyꝛ arriue / tout encontre. Genoulx flechiz / luy offrit et tendit. Son digne chef / puis le coꝛps eſtendit. De ſa longueur, pour eſtre mys ſoubz lame. [790]Et anges, loꝛs / aux cieulx poꝛterent lame. §En pleurs / regꝛetz / cryz, lamentacions. Souſpirs pꝛofondz / et augmentacions. Daygꝛes doulleurs / par plaingtes rigoureuſes. Celle dame / eut / peynes foꝛt langoureuſes. [795]Voyant celuy, de vertueux effect. Cruellement eſtre par moꝛt deffaict. Las, diſoit elle, ou ainſi pouoit dire. Tirant emply de felonnye et de yꝛe. Comment as tu oze perſecuter. [800]Vng ſi ſainct homme, et faire executer.
§Catule faict prendre les corps ſaīctz.18v Qui tant ſeruoit a la choſe publique. Et de lerreur faulſe et dyabolique. Scauoit tirer pouures ſotz aueuglez. Hoꝛs du ſentier vertueux deſriglez. [805]Homme cruel, dy moy quelx beaulx miracles Font tes faulx dieux en leurs haultz tabernacles. Ce bon pꝛeudhomme a ſceu enluminer. Aueugles maintz / boiteux fait cheminer. Muetz parler / ſourdz ouyꝛ / au ſeul ſigne. [810]De ſaincte foy, vray puytz de medecine. As tu oze / ton glaiue mettre en chair. Pour chef naurer dvng tel homme et trencher ? Ô digne coꝛps / las, quelle reuerence. Te puis ie faire / ay ie en moy apperence. [815]Ay ie aucun bien que en moy puiſſe cueillir. Pour au plaiſir de dieu te recueillir. §Ainſi dollente / et en larmes plongee. Sans plus auoir lattente pꝛolongee. Secrettement feyt mettre, en ſon hoſtel. [820]Le digne coꝛps extimant treſoꝛ tel. Plus luy valloir que toute la richeſſe. Que auoir pourroit deſtre royne ou ducheſſe.
§Pour mettre en ſepulture. 19r §Quant elle eut fait honneſtement pourueoir. A tout le cas / ſoꝛtit a lhuys, pour veoir. [825]Si elle eſtoit de nulluy deſcouuerte. Adonc, ſi toſt que fut ſa poꝛte ouuerte. Vit arriuer ſix foꝛt puiſſans gallandz. En kare et poꝛt de terribles allans. Selon le fier eſtat que compoꝛtoient. [830]Qui deux gꝛands ſacz deſſus leurs colz poꝛtoient, Ou dient auoir mys les teſtes et coꝛps. De deux paillardz pour, ſelon leurs recoꝛdz. Les aller mettre / et getter dedans saine. Qui de ce lieu eſtoit aſſez pꝛochaine. [835]§Catulle, apꝛes ouyꝛ leur intendit. Certainement congneut et entendit. Les benoiſtz coꝛps des diſciples la eſtre. Ayans ſouffert martyꝛe auec leur maiſtre. Parquoy leur dit / Seigneurs|trop vous laſſez. [840]Repoſez vous / puis que auez temps aſſez. Entrez cyens / et faictes bonne chere. Sans craindꝛe en riens que viande ſoit chere. Iay foꝛt bon vin / vous aurez du meilleur. Car ie voy bien que eſtes gentz de valleur.
§La ſepulture.19v [845]A ces beaulx motz eurent tantoſt enuie. Les gꝛos truandz, de mener gourde vie. La, leurs fardeaulx, en vne arriere court. Furent laiſſez / Loꝛs enuoya tout court. Tirer du vin / tartres et flans feyt faire. [850]Et ſe monſtra vers eulx de tel affaire. Quilz diſrent bien / nauoir, de tout lan, beu. Vin de tel gouſt / La fut ſi bien repeu. Que les paillardz ſe trouuerent tous yures. A tant dit bien / que bꝛuſleroit ſes liures. [855]Se ne trompoit ces notables ſergentz. Et ſur ce poinct, alla dire a ſes gentz. Que a deſrober les coꝛps seſuertuaſſent. Puis deux poꝛcz gꝛas / ſans eſtryuer, tuaſſent. Et gentement les miſſent / a ſes fins. [860]Aux ſacz de ceulx / non pour elle / aſſez fins. Ce qui fut faict ſoudainement en lheure. Et neuſſent ſceu / occaſion meilleure. Iamais trouuer / car les yurongnes, ſaoulz. Et plains de vin / sendoꝛmyꝛent deſſoubz. [865]Table et treteaulx / puis, au reſueil, chargerent. Leurs fex to2 telz / par ainſi deſlogerent.
§Des troys corps ſainctz. 20r Sans riens ſcauoir / que on y euſt pꝛis ou mys. Tous eſlourdez et demy endoꝛmys. Au fons de leau / enfondꝛerent / pour peſche. [870]Sacz et pourceaulx / Ce fut belle deſpeſche. §Adonc catulle, eſiouye au mot tel. Feyt, en vng cloz / pꝛochain de ſon hoſtel. Aux trois coꝛps ſainctz honneſte ſepulture. Mais foꝛt doubtoit la bonne creature. [875]Que aucun le ſceuſt / car vng taz de truandz. Fiers, obſtinez et mauldictz meſcreans. Leuſſent de crime / au pꝛeuoſt accuſee. Et poſe oꝛ / que ne fuſt baptizee. Ce neantmoins / la foy ieſus tenoit. [880]Et xpienne / en cueur / ſe maintenoit. Il conuenoit / faire ainſi / car adonques. Homme nauoit, ne perſonnes quelzconques. Pour bien ozer / par ſemblantz ou maintiens. Publiquement eulx dire xpiens. [885]Mais touteſuoys, ſur les ſercueilz feyt mettre. En eſcripteaulx de bonne et gꝛoſſe lettre. Lan du martyꝛe / et les trois pꝛopꝛes noms. Du benoiſt ſainct / et de ſes compaignons.
§Chappelle conſtruicte ꝑ geneuiefue.20v Pareillement, endꝛoict la ſepulture. [890]Enſeigne y mict, eſperant leſcripture. Deuoir ſeruir pour les ſainctz coꝛps trouuer. A laduenir / et de terre eſleuer. §Long temps apꝛes / ceulx des marches voyſines. Conſiderans les miracles et ſignes. [895]Faictz en ce lieu / la foy du peuple accreut. Et toute france, au nom de ieſus creut. §Quoy plus / La fleur de ſaincte renommee. Qui loꝛs viuoit, geneuiefue nommee. Feyt la conſtruire / en bas exaulcement, [900]Vne chappelle ou bien ſongneuſement. Par chaſcun iour, alloit comme amour tire. Tout cueur deuot, contempler le martyꝛe. Des benoiſtz ſainctz|de ce lieu, par expꝛes, Sera touche / dieu deuant / cy apꝛes.
21r
§Dagobert courant.21v
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[620]§Puisque orendroit l'incident s'est offert Et à propoz peult servir, bien affiert Mettre en escript ce que avoye esleu taire, De sainct Denys, Rustique et Eleuthere Qui, pour la foy, grief martyre ont souffert.
§Chapitre.iiiie.
§Sainct Denys transmys en France [625]Aprés Neron, le crüel et fïer homme, Domician fut le viie.ͤ, à Romme, Ayant pouoir de dominacïon Aux ans nombrez de l'incarnatïon, Nostre seigneur, cent vingt et neuf. L'empire [630]Paisible obtint faisant, de mal en pire, Persecuter crestiens où que sceust. Ung, qui la foy de Jesu Christ receust, Allors tenoit le siege apostolique, Pape Clement, de la foy catholique [635]Ferme pillier, trés fervent zelateur, Et des chetifz humble consolateur, Clement de nom et de faict par clemence, Soy demonstrant, car divine semence Aux cueurs sema de peuples infiniz. [640]§Or, en ce temps, le bon pasteur Denis D' Athenes vint à Romme, ayant envie Les benoistz sainctz apostres veoir en vie, Mesmes sainct Paul qui l'avoit converty. Et quant il fut de certain adverty, [645]Leurs esperitz, aprés dures molestes, Estre vollez aux mansïons celestes,
§Par le pappe Clement §Il se tira vers le pape Clement, Qui l'honnora et prisa tellement, Que à resister à la secte ennemye [650]De nostre foy, voyant sa preud'hommye, Sa saincteté, bon sens et hault sçavoir, N'extima pas que legat sceust avoir Meilleur de luy, pour desvoyez conduyre, Et aveuglez à lumiere reduyre. [655]Si le transmyct, avec aultres plusieurs, Vers le paÿs des Gaulles et allieurs, Où sceut payans estre extimez en taille, De plus austere et crüelle bataille. Lors, requerant la benedictïon [660]Du pere sainct, ceste commissïon Receut à gré, affectant de grant erre Estre arrivé en la françoyse terre. Luy et les siens, montaignes traversans, Vindrent en Arle, où furent conversans, [665]Par certains jours. Là eut solicitude De convertir à grande multitude Les mescrëans, mys en necessité De tenebreuse et vaine cecité.
§Le martyre de sainct Denys De là partans, leur bende separerent, [670]Et soubz l'escu de foy, se preparerent En divers lieux quelque temps eulx tenir, Pour le party de Jesus soustenir. En la cité de Lutesse ancïenne, Et à present dicte parisïenne, [675]Vindrent Denys et ses associez, Ferventz en cueur, songneux et souciez, Peuples gaigner, et retirer les ames De trebucher aux infernales flames. §Ce bon pasteur prenoit vacacïon [680]À jeusne, veille et predicatïon. Peyne et labeur portoit en vie actifve, Et oraison pour la contemplatifve. Tant fut de bonne et grande utilité, Que peuple osta hors l'incredulité [685]D'infect peril portant dampnable encombre. Il baptiza, de peuple, si grand nombre, Que dedans Rome en fut faict le rapport. Par quoy soudain, l'empereur, par transport De cruaulté, esleut ung commissaire, [690]Amy de guerre et de paix adversaire,
§Et ses compaignons Ce fut celuy oultraigeux Fescennin, Prevost de Gaulle ayant au cueur venyn De orde poyson, infecte et alteree En fiel pourry de heyne inveteree. [695]Ce fut celuy presumptueux et fier, Qui à tout mal se sceut gloriffïer. Ce fut celuy deliberé de faire Maulx inhumains, pour crestiens deffaire. Ce fut celuy chien mastin enraigé, [700]Dont se trouva maint preud'homme oultraigé, Qu'il apperceut laisser secte payenne, Pour adherer à la foy crestienne. §Luy arrivé à Paris, et voyant De toutes partz monde se desvoyant, [705]Aprés Denys et ses jeunes dÿacres, Voyant aussi rompre aultiers symulachres, Temples destruire et faire injure aux dieux, Les declaira crimmelz odïeux De prescher foy, qu'il disoit deslëalle, [710]Contre le dict de loy imperïalle. Par quoy les feyt, aux plus parfondz destroitz De chartre obscure, emprisonner tous troys.
§Sainct Denys portant sa teste en ses mains §Que vueil je dire ? À quoy fays je demeure ? Le differer ny sert pas une meure. [715]Ce bon evesque et ses deux escolliers, Tenuz de court par chesnes et colliers, Le faulx meurdrier demonstrant tyrannie, D'injure, opprobre, oultraige, et villennye, Aprés qu'il eut leurs corps fort macerez, [720]Doz detrenchez, et ventres lacerez, Aprés avoir, comme à la boucherie, Leur digne chair mise à l'escorcherie, Aprés avoir, de torches et flambeaux, Fait degoutter cyre et feu par lambeaux, [725]Sur la chair nue. Aprés peyne enduree, De griefz tourmentz et fort longue duree, Vaincre challeur, d'aspre fourneau ardant, Et aultres maulx excessifz, regardant Ce crüel homme à luy n'estre possible [730]Pouoir dompter leur couraige invincible, Les feyt mener garrotez et lyez, Par ses sergentz et bourreaulx allÿez, Au pied d'ung mont, lors nommé Montmercure, Dict à present Montmartre en soing et cure,
§Receu de Catulle [735]Devant Mercure, à mort les deffïer, Ou, comme luy, faire sacriffïer. Et pour autant que eurent ferme constance Luy denÿer ce faire à toute instance, Et qu'en leur bouche et cueur tindrent escript [740]Tousjours le nom du sauveur Jesu Christ, Là, sans procés ne faire aultres enquestes, Au pied du mont leur feyt trencher les testes. Lors, furent mys ces troys corps precïeux, Par mort, à terre, et les ames aux cieulx. [745]§Ô grand merveille et nouvelle venue, Auparavant non sceue estre advenue ! Le Benoist corps sainct Denys, en l'instant, Du coup feru, debout, sur piedz estant, Entre ses mains tint sa teste posee [750]Et, cheminant sans nulle reposee, Droict s'en alla, par le voulloir de Dieu Et, soustenu des anges, rendre au lieu Lors appellé ruë Cathulÿenne. §Là demouroit une dame payenne, [755]Mais crestïenne en cueur, et de renom Bien extimé, qui Catulle avoit nom.
§Regretz de Catule De son nom propre, et grande renommee, Fut dès ce temps la rue ainsi nommée. Hors sa maison, proposa s'en aller [760]Au mont Mercure, ayant ouÿ parler Que on affligeoit de criminelz supplices Le bon pasteur Denis et ses complices, Dont en son cueur souffrit griefve langueur Que on le traictoit par si forte rigueur. [765]Elle l'amoyt, et avoit sa doctrine Ja imprimee au fons de sa poictrine, Car bien souvent ses sermons frequentoit. §Or donc ainsi que en ceste rue estoit, Et vit venir de loing ce personnaige, [770]Entre ses mains le chef, jour de son aaige Ne la surprint tel esbahyssement ! Et ne sçavoit se, par ravissement, De advis et sens estoit alÿenee, Ou si c'estoit quelque faincte menee. [775]À dire vray, ce pouoit transporter Ung esperit, voyant homme porter Sa teste ainsi, c'estoit chose admirable ! Et sans avoir bonne preuve incrëable,
§Sur la mort de sainct Denys §La bonne dame, à l'heure, ne sçavoit [780]Se demourer ou loing fouÿr devoit. Quant Dieu permyct que ouÿt les chantz des anges Resonantz sons de parfaictes louanges, Lors demoura sans nul veoir, fors luy seul. Et la coucha ung honneste linseul, [785]En attendant ceste heureuse rencontre. Le sainct martyr arrive tout encontre, Genoulx flechiz, luy offrit et tendit Son digne chef, puis le corps estendit De sa longueur, pour estre mys soubz lame. [790]Et anges, lors, aux cieulx porterent l'ame. §En pleurs, regretz, cryz, lamentacïons, Souspirs profondz et augmentacïons D'aygres doulleurs, par plaingtes rigoureuses, Celle dame eut peynes fort langoureuses, [795]Voyant celuy, de vertüeux effect, Cruellement estre par mort deffaict. Las, disoit elle, ou ainsi pouoit dire, Tirant emply de felonnye et de yre ! Comment as tu ozé persecuter [800]Ung si sainct homme, et faire executer
§Catule faict prendre les corps sainctz Qui tant servoit à la chose publique ? Et de l'erreur faulse et dÿabolique Sçavoit tirer pouvres sotz aveuglez Hors du sentier vertüeux desriglez ? [805]Homme crüel, dy moy quelx beaulx miracles Font tes faulx dieux en leurs haultz tabernacles ? Ce bon preud'homme a sceu enluminer Aveugles maintz, boiteux fait cheminer, Muetz parler, sourdz ouÿr, au seul signe [810]De saincte foy, vray puytz de medecine. As tu ozé ton glaive mettre en chair, Pour chef navrer d'ung tel homme et trencher ? Ô digne corps ! Las, quelle reverence Te puis je faire ? Ay je en moy apperence ? [815]Ay je aucun bien que en moy puisse cueillir, Pour au plaisir de Dieu te recueillir ? §Ainsi dollente, et en larmes plongee, Sans plus avoir l'attente prolongee, Secrettement feyt mettre, en son hostel, [820]Le digne corps extimant tresor tel Plus luy valloir que toute la richesse Que avoir pourroit d'estre royne ou duchesse.
§Pour mettre en sepulture §Quant elle eut fait honnestement pourveoir À tout le cas, sortit à l'huys, pour veoir [825]Si elle estoit de nulluy descouverte. Adonc, si tost que fut sa porte ouverte, Vit arriver six fort puissans gallandz, En kare et port de terribles allans, Selon le fier estat que comportoient, [830]Qui deux grands sacz dessus leurs colz portoient, Où dient avoir mys les testes et corps De deux paillardz pour, selon leurs recordz, Les aller mettre et getter dedans Saine, Qui de ce lieu estoit assez prochaine. [835]§Catulle, aprés ouÿr leur intendit, Certainement congneut et entendit Les benoistz corps des disciples là estre, Ayans souffert martyre avec leur maistre. Parquoy leur dit : Seigneurs,trop vous lassez ! [840]Reposez vous, puisque avez temps assez ! Entrez cyens et faictes bonne chere, Sans craindre en riens que vïande soit chere. J'ay fort bon vin, vous aurez du meilleur, Car je voy bien que estes gentz de valleur.
§La sepulture [845]À ces beaulx motz eurent tantost envie, Les gros truandz, de mener gourde vie. Là, leurs fardeaulx, en une arriere court, Furent laissez. Lors envoya tout court Tirer du vin, tartres et flans feyt faire, [850]Et se monstra vers eulx de tel affaire Qu'ilz disrent bien n'avoir, de tout l'an, beu Vin de tel goust. Là fut si bien repeu Que les paillardz se trouverent tous yvres. À tant dit bien que brusleroit ses livres [855]Se ne trompoit ces notables sergentz. Et sur ce poinct, alla dire à ses gentz Que à desrober les corps s'esvertuassent. Puis deux porcz gras, sans estryver, tuassent, Et gentement les missent, à ses fins, [860]Aux sacz de ceulx, non pour elle assez fins. Ce qui fut faict soudainement en l'heure. Et n'eussent sceu occasïon meilleure Jamais trouver, car les yvrongnes, saoulz Et plains de vin, s'endormyrent dessoubz [865]Table et treteaulx. Puis, au resveil, chargerent Leurs fex tous telz. Par ainsi deslogerent
§Des troys corps sainctz Sans riens sçavoir que on y eust pris ou mys. Tous eslourdez et demy endormys, Au fons de l'eau enfondrerent, pour pesche, [870]Sacz et pourceaulx. Ce fut belle despesche ! §Adonc Catulle, esjouÿe au mot tel, Feyt, en ung cloz prochain de son hostel, Aux trois corps sainctz honneste sepulture. Mais fort doubtoit la bonne creature [875]Que aucun le sceust, car ung taz de truandz, Fiers, obstinez et mauldictz mescrëans, L'eussent de crime au prevost accusee. Et posé or que ne fust baptizee, Ce neantmoins la foy Jesus tenoit, [880]Et crestïenne, en cueur, se maintenoit. Il convenoit faire ainsi, car adonques Homme n'avoit, ne personnes quelzconques, Pour bien ozer, par semblantz ou maintiens, Publiquement eulx dire crestïens. [885]Mais toutesvoys, sur les sercueilz feyt mettre, En escripteaulx de bonne et grosse lettre, L'an du martyre et les trois propres noms Du Benoist sainct et de ses compaignons.
§Chappelle construicte par Geneviefve Pareillement, endroict la sepulture, [890]Enseigne y mict, esperant l'escripture Devoir servir pour les sainctz corps trouver, À l'advenir, et de terre eslever. §Longtemps aprés, ceulx des marches voysines, Considerans les miracles et signes [895]Faictz en ce lieu, la foy du peuple accreut, Et toute France, au nom de Jesus creut. §Quoy plus ? La fleur de saincte renommee, Qui lors vivoit, Geneviefve nommee, Feyt là construire, en bas exaulcement, [900]Une chappelle où bien songneusement, Par chascun jour, alloit comme amour tire Tout cueur devot, contempler le martyre Des benoistz sainctz De ce lieu, par exprés, Sera touché Dieu devant cy aprés.
§Dagobert courant

















13v
[620]§Puis que orendroit lincident seſt offert. Et a propoz peult ſeruir, bien affiert. Mettre en eſcript ce que auoye eſleu taire. De ſainct denys, ruſtique et eleuthere Qui, pour la foy, grief martyre ont ſouffert.
§Chapitre.iiiie.
14r
§Sainct denys tranſmys en france.14v [625]APres neron, le cruel et fier homme. Domician fut le viie.ͤ, a romme. Ayant pouoir de dominacion. Aux ans nombꝛez de lincarnatiō. Noſtre ſeigneur / cent vingt et neuf / lempire. [630]Paiſible obtint faiſant, de mal en pire. Perſecuter / xpiens ou que ſceuſt. Vng, qui la foy de ieſuchꝛiſt receuſt, Alloꝛs tenoit le ſiege apoſtolique. Pape clement / de la foy catholique. [635]Ferme pillier / tresferuent zelateur. Et des chetifz humble conſolateur. Clement de nom / et de faict par clemence. Soy demonſtrant / car diuine ſemence. Aux cueurs ſema de peuples infiniz. [640]§Oꝛ, en ce temps / le bon paſteur denis. D athenes vint a romme / ayant enuie. Les benoiſtz ſainctz apoſtres veoir en vie. Meſmes ſainct paul qui lauoit conuerty. Et quant il fut de certain aduerty, [645]Leurs eſperitz / apꝛes dures moleſtes. Eſtre vollez aux manſions celeſtes.
§Par le pappe clement.15r §Il ſe tira vers le pape clement. Qui lhonnoꝛa / et pꝛiſa tellement. Que a reſiſter a la ſecte ennemye. [650]De noſtre foy / voyant ſa pꝛeudhommye. Sa ſainctete / bon ſens et hault ſcauoir, Nextima pas que legat ſceuſt auoir. Meilleur de luy, pour deſuoyez conduyꝛe. Et aueuglez / a lumiere reduyꝛe. [655]Si le tranſmyct, auec aultres pluſieurs. Vers|le pays des gaulles et allieurs. Ou ſceut payans eſtre extimez en taille. De plus auſtere et cruelle bataille. Loꝛs, requerant la benediction. [660]Du pere ſainct, ceſte commiſſion. Receut a gꝛe / affectant de gꝛant erre. Eſtre arriue en la francoyſe terre. Luy et les ſiens, montaignes trauerſans. Vindꝛent en arle / ou furent conuerſans. [665]Par certains iours / la eut ſolicitude. De conuertir a gꝛande multitude. Les meſcreans / mys en neceſſite. De tenebꝛeuſe et vaine cecite.
§Le martyre de ſainct denys.15v De la partans, leur bende ſeparerent. [670]Et ſoubz leſcu / de foy / ſe pꝛeparerent. En diuers lieux quelque temps eulx tenir. Pour le party de ieſus ſouſtenir. En la cite de luteſſe ancienne. Et a pꝛeſent dicte pariſienne. [675]Vindꝛent denys et ſes aſſociez. Feruentz en cueur, ſongneux et ſouciez. Peuples gaigner / et retirer les ames. De trebucher aux infernales flames. §Ce bon paſteur pꝛenoit vacacion. [680]A ieuſne, veille / et pꝛedication. Peyne et labeur poꝛtoit en vie actifue. Et oꝛaiſon pour la contemplatifue. Tant fut de bonne et gꝛande vtilite. Que peuple oſta hoꝛs lincredulite. [685]Dinfect peril poꝛtant dampnable encombꝛe. Il baptiza, de peuple, ſi gꝛand nombꝛe. Que dedans rome en fut faict le rappoꝛt. Par quoy ſoudain, lempereur, par tranſpoꝛt. De cruaulte, eſleut vng commiſſaire. [690]Amy de guerre et de paix aduerſaire.
§Et ſes compaignons. 16r Ce fut celuy oultraigeux feſcennin. Pꝛeuoſt de gaulle / ayant au cueur venyn. De oꝛde poyſon, infecte et alteree. En fiel pourry de heyne inueteree. [695]Ce fut celuy pꝛeſumptueux et fier. Qui a tout mal ſe ſceut gloꝛiffier. Ce fut celuy delibere de faire. Maulx inhumains, pour xpiens deffaire. Ce fut celuy chien maſtin enraige. [700]Dont ſe trouua maint pꝛeudhomme oultraige. Quil apperceut laiſſer ſecte payenne. Pour adherer a la foy xpienne. §Luy arriue a paris / et voyant. De toutes partz monde ſe deſuoyant. [705]Apꝛes denys et ſes ieunes dyacres. Voyant auſſi rompꝛe aultiers ſymulachꝛes. Temples deſtruire / et faire iniure aux dieux. Les declaira / crimmelz odieux. De pꝛeſcher foy / quil diſoit deſlealle. [710]Contre le dict de loy imperialle. Par quoy les feyt, aux plus parfondz deſtroitz. De chartre obſcure, empꝛiſonner tous troys.
§Sainct denys portant ſa teſte en ſes mains.16v §Que vueil ie dire / A quoy fays ie demeure ? Le differer ny ſert pas vne meure. [715]Ce bon eueſque et ſes deux eſcolliers. Tenuz de court par cheſnes et colliers. Le faulx meurdꝛier demonſtrant tyꝛannie. Diniure / oppꝛobꝛe / oultraige / et villennye. Apꝛes quil eut leurs coꝛps foꝛt macerez. [720]Doz detrenchez / et ventres lacerez. Apꝛes auoir, comme a la boucherie. Leur digne chair miſe a leſcoꝛcherie. Apꝛes auoir, de toꝛches et flambeaux. Fait degoutter cyꝛe et feu par lambeaux. [725]Sur la chair nue / Apꝛes peyne enduree. De gꝛiefz tourmentz et foꝛt longue duree. Vaincre challeur / daſpꝛe fourneau ardant. Et aultres maulx exceſſifz / regardant. Ce cruel homme / a luy neſtre poſſible. [730]Pouoir dompter leur couraige inuincible. Les feyt mener garrotez et lyez. Par ſes ſergentz et bourreaulx allyez. Au pied dvng mont, loꝛs nōme montmercure. Dict a pꝛeſent montmartre en / ſoing et cure.
§Receu de catulle. 17r [735]Deuant mercure / a moꝛt les deffier. Ou, comme luy, faire ſacriffier. Et pour autant que eurent ferme conſtance. Luy denyer / ce faire / a toute inſtance. Et quen leur bouche et cueur tindꝛent eſcript. [740]Touſiours le nom du ſauueur ieſuchꝛiſt. La, ſans pꝛoces / ne faire aultres enqueſtes. Au pied du mont leur feyt trencher les teſtes. Loꝛs, furent mys ces troys coꝛps pꝛecieux. Par moꝛt / a terre / et les ames aux cieulx. [745]§Ô gꝛand merueille et nouuelle venue. Au parauant non ſceue eſtre aduenue. Le benoiſt coꝛps ſainct denys, en linſtant. Du coup feru / de bout / ſur piedz eſtant. Entre ſes mains / tint ſa teſte poſee. [750]Et, cheminant ſans nulle repoſee. Dꝛoict sen alla, par le voulloir de dieu. Et, ſouſtenu des anges / rendꝛe au lieu. Loꝛs appelle / rue cathulyenne. §La demouroit vne dame payenne. [755]Mais creſtienne / en cueur / et de renom Bien extime / qui catulle auoit nom.
§Regretz de catule.17v De ſon nom pꝛopꝛe / Et gꝛande renommee, Fut des ce temps la rue ainſi nommee. Hoꝛs ſa maiſon, pꝛopoſa sen aller. [760]Au mont mercure / ayant ouy parler. Que on affligeoit de criminelz ſupplices. Le bon paſteur denis et ſes complices. Dont en ſon cueur ſouffrit gꝛiefue langueur. Que on le traictoit par ſi foꝛte rigueur. [765]Elle lamoyt / et auoit ſa doctrine. Ia impꝛimee au fons de ſa poictrine. Car bien ſouuent ſes ſermons frequentoit. §Oꝛ donc ainſi que en ceſte rue eſtoit, Et vit venir de loing ce perſonnaige. [770]Entre ſes mains le chef|Iour de ſon aaige. Ne la ſurpꝛint tel eſbahyſſement. Et ne ſcauoit ſe, par rauiſſement. De aduis et ſens eſtoit alyenee. Ou ſi ceſtoit quelque faincte menee. [775]A dire vray / ce pouoit tranſpoꝛter. Vng eſperit, voyant homme poꝛter. Sa teſte ainſi, ceſtoit choſe admirable. Et ſans auoir bonne pꝛeuue increable.
§Sur la mort de ſainct denys. 18r §La bonne dame, a lheure, ne ſcauoit. [780]Se demourer / ou loing fouyꝛ deuoit. Quant dieu permyct / que ouyt les chantz des anges Reſonantz ſons de parfaictes louanges. Loꝛs demoura ſans nul veoir / foꝛs luy ſeul. Et la coucha vng honneſte linſeul. [785]En attendant ceſte heureuſe rencontre. Le ſainct martyꝛ arriue / tout encontre. Genoulx flechiz / luy offrit et tendit. Son digne chef / puis le coꝛps eſtendit. De ſa longueur, pour eſtre mys ſoubz lame. [790]Et anges, loꝛs / aux cieulx poꝛterent lame. §En pleurs / regꝛetz / cryz, lamentacions. Souſpirs pꝛofondz / et augmentacions. Daygꝛes doulleurs / par plaingtes rigoureuſes. Celle dame / eut / peynes foꝛt langoureuſes. [795]Voyant celuy, de vertueux effect. Cruellement eſtre par moꝛt deffaict. Las, diſoit elle, ou ainſi pouoit dire. Tirant emply de felonnye et de yꝛe. Comment as tu oze perſecuter. [800]Vng ſi ſainct homme, et faire executer.
§Catule faict prendre les corps ſaīctz.18v Qui tant ſeruoit a la choſe publique. Et de lerreur faulſe et dyabolique. Scauoit tirer pouures ſotz aueuglez. Hoꝛs du ſentier vertueux deſriglez. [805]Homme cruel, dy moy quelx beaulx miracles Font tes faulx dieux en leurs haultz tabernacles. Ce bon pꝛeudhomme a ſceu enluminer. Aueugles maintz / boiteux fait cheminer. Muetz parler / ſourdz ouyꝛ / au ſeul ſigne. [810]De ſaincte foy, vray puytz de medecine. As tu oze / ton glaiue mettre en chair. Pour chef naurer dvng tel homme et trencher ? Ô digne coꝛps / las, quelle reuerence. Te puis ie faire / ay ie en moy apperence. [815]Ay ie aucun bien que en moy puiſſe cueillir. Pour au plaiſir de dieu te recueillir. §Ainſi dollente / et en larmes plongee. Sans plus auoir lattente pꝛolongee. Secrettement feyt mettre, en ſon hoſtel. [820]Le digne coꝛps extimant treſoꝛ tel. Plus luy valloir que toute la richeſſe. Que auoir pourroit deſtre royne ou ducheſſe.
§Pour mettre en ſepulture. 19r §Quant elle eut fait honneſtement pourueoir. A tout le cas / ſoꝛtit a lhuys, pour veoir. [825]Si elle eſtoit de nulluy deſcouuerte. Adonc, ſi toſt que fut ſa poꝛte ouuerte. Vit arriuer ſix foꝛt puiſſans gallandz. En kare et poꝛt de terribles allans. Selon le fier eſtat que compoꝛtoient. [830]Qui deux gꝛands ſacz deſſus leurs colz poꝛtoient, Ou dient auoir mys les teſtes et coꝛps. De deux paillardz pour, ſelon leurs recoꝛdz. Les aller mettre / et getter dedans saine. Qui de ce lieu eſtoit aſſez pꝛochaine. [835]§Catulle, apꝛes ouyꝛ leur intendit. Certainement congneut et entendit. Les benoiſtz coꝛps des diſciples la eſtre. Ayans ſouffert martyꝛe auec leur maiſtre. Parquoy leur dit / Seigneurs|trop vous laſſez. [840]Repoſez vous / puis que auez temps aſſez. Entrez cyens / et faictes bonne chere. Sans craindꝛe en riens que viande ſoit chere. Iay foꝛt bon vin / vous aurez du meilleur. Car ie voy bien que eſtes gentz de valleur.
§La ſepulture.19v [845]A ces beaulx motz eurent tantoſt enuie. Les gꝛos truandz, de mener gourde vie. La, leurs fardeaulx, en vne arriere court. Furent laiſſez / Loꝛs enuoya tout court. Tirer du vin / tartres et flans feyt faire. [850]Et ſe monſtra vers eulx de tel affaire. Quilz diſrent bien / nauoir, de tout lan, beu. Vin de tel gouſt / La fut ſi bien repeu. Que les paillardz ſe trouuerent tous yures. A tant dit bien / que bꝛuſleroit ſes liures. [855]Se ne trompoit ces notables ſergentz. Et ſur ce poinct, alla dire a ſes gentz. Que a deſrober les coꝛps seſuertuaſſent. Puis deux poꝛcz gꝛas / ſans eſtryuer, tuaſſent. Et gentement les miſſent / a ſes fins. [860]Aux ſacz de ceulx / non pour elle / aſſez fins. Ce qui fut faict ſoudainement en lheure. Et neuſſent ſceu / occaſion meilleure. Iamais trouuer / car les yurongnes, ſaoulz. Et plains de vin / sendoꝛmyꝛent deſſoubz. [865]Table et treteaulx / puis, au reſueil, chargerent. Leurs fex to2 telz / par ainſi deſlogerent.
§Des troys corps ſainctz. 20r Sans riens ſcauoir / que on y euſt pꝛis ou mys. Tous eſlourdez et demy endoꝛmys. Au fons de leau / enfondꝛerent / pour peſche. [870]Sacz et pourceaulx / Ce fut belle deſpeſche. §Adonc catulle, eſiouye au mot tel. Feyt, en vng cloz / pꝛochain de ſon hoſtel. Aux trois coꝛps ſainctz honneſte ſepulture. Mais foꝛt doubtoit la bonne creature. [875]Que aucun le ſceuſt / car vng taz de truandz. Fiers, obſtinez et mauldictz meſcreans. Leuſſent de crime / au pꝛeuoſt accuſee. Et poſe oꝛ / que ne fuſt baptizee. Ce neantmoins / la foy ieſus tenoit. [880]Et xpienne / en cueur / ſe maintenoit. Il conuenoit / faire ainſi / car adonques. Homme nauoit, ne perſonnes quelzconques. Pour bien ozer / par ſemblantz ou maintiens. Publiquement eulx dire xpiens. [885]Mais touteſuoys, ſur les ſercueilz feyt mettre. En eſcripteaulx de bonne et gꝛoſſe lettre. Lan du martyꝛe / et les trois pꝛopꝛes noms. Du benoiſt ſainct / et de ſes compaignons.
§Chappelle conſtruicte ꝑ geneuiefue.20v Pareillement, endꝛoict la ſepulture. [890]Enſeigne y mict, eſperant leſcripture. Deuoir ſeruir pour les ſainctz coꝛps trouuer. A laduenir / et de terre eſleuer. §Long temps apꝛes / ceulx des marches voyſines. Conſiderans les miracles et ſignes. [895]Faictz en ce lieu / la foy du peuple accreut. Et toute france, au nom de ieſus creut. §Quoy plus / La fleur de ſaincte renommee. Qui loꝛs viuoit, geneuiefue nommee. Feyt la conſtruire / en bas exaulcement, [900]Vne chappelle ou bien ſongneuſement. Par chaſcun iour, alloit comme amour tire. Tout cueur deuot, contempler le martyꝛe. Des benoiſtz ſainctz|de ce lieu, par expꝛes, Sera touche / dieu deuant / cy apꝛes.
21r
§Dagobert courant.21v
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[620]§Puisque orendroit l'incident s'est offert Et à propoz peult servir, bien affiert Mettre en escript ce que avoye esleu taire, De sainct Denys, Rustique et Eleuthere Qui, pour la foy, grief martyre ont souffert.
§Chapitre.iiiie.
§Sainct Denys transmys en France [625]Aprés Neron, le crüel et fïer homme, Domician fut le viie.ͤ, à Romme, Ayant pouoir de dominacïon Aux ans nombrez de l'incarnatïon, Nostre seigneur, cent vingt et neuf. L'empire [630]Paisible obtint faisant, de mal en pire, Persecuter crestiens où que sceust. Ung, qui la foy de Jesu Christ receust, Allors tenoit le siege apostolique, Pape Clement, de la foy catholique [635]Ferme pillier, trés fervent zelateur, Et des chetifz humble consolateur, Clement de nom et de faict par clemence, Soy demonstrant, car divine semence Aux cueurs sema de peuples infiniz. [640]§Or, en ce temps, le bon pasteur Denis D' Athenes vint à Romme, ayant envie Les benoistz sainctz apostres veoir en vie, Mesmes sainct Paul qui l'avoit converty. Et quant il fut de certain adverty, [645]Leurs esperitz, aprés dures molestes, Estre vollez aux mansïons celestes,
§Par le pappe Clement §Il se tira vers le pape Clement, Qui l'honnora et prisa tellement, Que à resister à la secte ennemye [650]De nostre foy, voyant sa preud'hommye, Sa saincteté, bon sens et hault sçavoir, N'extima pas que legat sceust avoir Meilleur de luy, pour desvoyez conduyre, Et aveuglez à lumiere reduyre. [655]Si le transmyct, avec aultres plusieurs, Vers le paÿs des Gaulles et allieurs, Où sceut payans estre extimez en taille, De plus austere et crüelle bataille. Lors, requerant la benedictïon [660]Du pere sainct, ceste commissïon Receut à gré, affectant de grant erre Estre arrivé en la françoyse terre. Luy et les siens, montaignes traversans, Vindrent en Arle, où furent conversans, [665]Par certains jours. Là eut solicitude De convertir à grande multitude Les mescrëans, mys en necessité De tenebreuse et vaine cecité.
§Le martyre de sainct Denys De là partans, leur bende separerent, [670]Et soubz l'escu de foy, se preparerent En divers lieux quelque temps eulx tenir, Pour le party de Jesus soustenir. En la cité de Lutesse ancïenne, Et à present dicte parisïenne, [675]Vindrent Denys et ses associez, Ferventz en cueur, songneux et souciez, Peuples gaigner, et retirer les ames De trebucher aux infernales flames. §Ce bon pasteur prenoit vacacïon [680]À jeusne, veille et predicatïon. Peyne et labeur portoit en vie actifve, Et oraison pour la contemplatifve. Tant fut de bonne et grande utilité, Que peuple osta hors l'incredulité [685]D'infect peril portant dampnable encombre. Il baptiza, de peuple, si grand nombre, Que dedans Rome en fut faict le rapport. Par quoy soudain, l'empereur, par transport De cruaulté, esleut ung commissaire, [690]Amy de guerre et de paix adversaire,
§Et ses compaignons Ce fut celuy oultraigeux Fescennin, Prevost de Gaulle ayant au cueur venyn De orde poyson, infecte et alteree En fiel pourry de heyne inveteree. [695]Ce fut celuy presumptueux et fier, Qui à tout mal se sceut gloriffïer. Ce fut celuy deliberé de faire Maulx inhumains, pour crestiens deffaire. Ce fut celuy chien mastin enraigé, [700]Dont se trouva maint preud'homme oultraigé, Qu'il apperceut laisser secte payenne, Pour adherer à la foy crestienne. §Luy arrivé à Paris, et voyant De toutes partz monde se desvoyant, [705]Aprés Denys et ses jeunes dÿacres, Voyant aussi rompre aultiers symulachres, Temples destruire et faire injure aux dieux, Les declaira crimmelz odïeux De prescher foy, qu'il disoit deslëalle, [710]Contre le dict de loy imperïalle. Par quoy les feyt, aux plus parfondz destroitz De chartre obscure, emprisonner tous troys.
§Sainct Denys portant sa teste en ses mains §Que vueil je dire ? À quoy fays je demeure ? Le differer ny sert pas une meure. [715]Ce bon evesque et ses deux escolliers, Tenuz de court par chesnes et colliers, Le faulx meurdrier demonstrant tyrannie, D'injure, opprobre, oultraige, et villennye, Aprés qu'il eut leurs corps fort macerez, [720]Doz detrenchez, et ventres lacerez, Aprés avoir, comme à la boucherie, Leur digne chair mise à l'escorcherie, Aprés avoir, de torches et flambeaux, Fait degoutter cyre et feu par lambeaux, [725]Sur la chair nue. Aprés peyne enduree, De griefz tourmentz et fort longue duree, Vaincre challeur, d'aspre fourneau ardant, Et aultres maulx excessifz, regardant Ce crüel homme à luy n'estre possible [730]Pouoir dompter leur couraige invincible, Les feyt mener garrotez et lyez, Par ses sergentz et bourreaulx allÿez, Au pied d'ung mont, lors nommé Montmercure, Dict à present Montmartre en soing et cure,
§Receu de Catulle [735]Devant Mercure, à mort les deffïer, Ou, comme luy, faire sacriffïer. Et pour autant que eurent ferme constance Luy denÿer ce faire à toute instance, Et qu'en leur bouche et cueur tindrent escript [740]Tousjours le nom du sauveur Jesu Christ, Là, sans procés ne faire aultres enquestes, Au pied du mont leur feyt trencher les testes. Lors, furent mys ces troys corps precïeux, Par mort, à terre, et les ames aux cieulx. [745]§Ô grand merveille et nouvelle venue, Auparavant non sceue estre advenue ! Le Benoist corps sainct Denys, en l'instant, Du coup feru, debout, sur piedz estant, Entre ses mains tint sa teste posee [750]Et, cheminant sans nulle reposee, Droict s'en alla, par le voulloir de Dieu Et, soustenu des anges, rendre au lieu Lors appellé ruë Cathulÿenne. §Là demouroit une dame payenne, [755]Mais crestïenne en cueur, et de renom Bien extimé, qui Catulle avoit nom.
§Regretz de Catule De son nom propre, et grande renommee, Fut dès ce temps la rue ainsi nommée. Hors sa maison, proposa s'en aller [760]Au mont Mercure, ayant ouÿ parler Que on affligeoit de criminelz supplices Le bon pasteur Denis et ses complices, Dont en son cueur souffrit griefve langueur Que on le traictoit par si forte rigueur. [765]Elle l'amoyt, et avoit sa doctrine Ja imprimee au fons de sa poictrine, Car bien souvent ses sermons frequentoit. §Or donc ainsi que en ceste rue estoit, Et vit venir de loing ce personnaige, [770]Entre ses mains le chef, jour de son aaige Ne la surprint tel esbahyssement ! Et ne sçavoit se, par ravissement, De advis et sens estoit alÿenee, Ou si c'estoit quelque faincte menee. [775]À dire vray, ce pouoit transporter Ung esperit, voyant homme porter Sa teste ainsi, c'estoit chose admirable ! Et sans avoir bonne preuve incrëable,
§Sur la mort de sainct Denys §La bonne dame, à l'heure, ne sçavoit [780]Se demourer ou loing fouÿr devoit. Quant Dieu permyct que ouÿt les chantz des anges Resonantz sons de parfaictes louanges, Lors demoura sans nul veoir, fors luy seul. Et la coucha ung honneste linseul, [785]En attendant ceste heureuse rencontre. Le sainct martyr arrive tout encontre, Genoulx flechiz, luy offrit et tendit Son digne chef, puis le corps estendit De sa longueur, pour estre mys soubz lame. [790]Et anges, lors, aux cieulx porterent l'ame. §En pleurs, regretz, cryz, lamentacïons, Souspirs profondz et augmentacïons D'aygres doulleurs, par plaingtes rigoureuses, Celle dame eut peynes fort langoureuses, [795]Voyant celuy, de vertüeux effect, Cruellement estre par mort deffaict. Las, disoit elle, ou ainsi pouoit dire, Tirant emply de felonnye et de yre ! Comment as tu ozé persecuter [800]Ung si sainct homme, et faire executer
§Catule faict prendre les corps sainctz Qui tant servoit à la chose publique ? Et de l'erreur faulse et dÿabolique Sçavoit tirer pouvres sotz aveuglez Hors du sentier vertüeux desriglez ? [805]Homme crüel, dy moy quelx beaulx miracles Font tes faulx dieux en leurs haultz tabernacles ? Ce bon preud'homme a sceu enluminer Aveugles maintz, boiteux fait cheminer, Muetz parler, sourdz ouÿr, au seul signe [810]De saincte foy, vray puytz de medecine. As tu ozé ton glaive mettre en chair, Pour chef navrer d'ung tel homme et trencher ? Ô digne corps ! Las, quelle reverence Te puis je faire ? Ay je en moy apperence ? [815]Ay je aucun bien que en moy puisse cueillir, Pour au plaisir de Dieu te recueillir ? §Ainsi dollente, et en larmes plongee, Sans plus avoir l'attente prolongee, Secrettement feyt mettre, en son hostel, [820]Le digne corps extimant tresor tel Plus luy valloir que toute la richesse Que avoir pourroit d'estre royne ou duchesse.
§Pour mettre en sepulture §Quant elle eut fait honnestement pourveoir À tout le cas, sortit à l'huys, pour veoir [825]Si elle estoit de nulluy descouverte. Adonc, si tost que fut sa porte ouverte, Vit arriver six fort puissans gallandz, En kare et port de terribles allans, Selon le fier estat que comportoient, [830]Qui deux grands sacz dessus leurs colz portoient, Où dient avoir mys les testes et corps De deux paillardz pour, selon leurs recordz, Les aller mettre et getter dedans Saine, Qui de ce lieu estoit assez prochaine. [835]§Catulle, aprés ouÿr leur intendit, Certainement congneut et entendit Les benoistz corps des disciples là estre, Ayans souffert martyre avec leur maistre. Parquoy leur dit : Seigneurs,trop vous lassez ! [840]Reposez vous, puisque avez temps assez ! Entrez cyens et faictes bonne chere, Sans craindre en riens que vïande soit chere. J'ay fort bon vin, vous aurez du meilleur, Car je voy bien que estes gentz de valleur.
§La sepulture [845]À ces beaulx motz eurent tantost envie, Les gros truandz, de mener gourde vie. Là, leurs fardeaulx, en une arriere court, Furent laissez. Lors envoya tout court Tirer du vin, tartres et flans feyt faire, [850]Et se monstra vers eulx de tel affaire Qu'ilz disrent bien n'avoir, de tout l'an, beu Vin de tel goust. Là fut si bien repeu Que les paillardz se trouverent tous yvres. À tant dit bien que brusleroit ses livres [855]Se ne trompoit ces notables sergentz. Et sur ce poinct, alla dire à ses gentz Que à desrober les corps s'esvertuassent. Puis deux porcz gras, sans estryver, tuassent, Et gentement les missent, à ses fins, [860]Aux sacz de ceulx, non pour elle assez fins. Ce qui fut faict soudainement en l'heure. Et n'eussent sceu occasïon meilleure Jamais trouver, car les yvrongnes, saoulz Et plains de vin, s'endormyrent dessoubz [865]Table et treteaulx. Puis, au resveil, chargerent Leurs fex tous telz. Par ainsi deslogerent
§Des troys corps sainctz Sans riens sçavoir que on y eust pris ou mys. Tous eslourdez et demy endormys, Au fons de l'eau enfondrerent, pour pesche, [870]Sacz et pourceaulx. Ce fut belle despesche ! §Adonc Catulle, esjouÿe au mot tel, Feyt, en ung cloz prochain de son hostel, Aux trois corps sainctz honneste sepulture. Mais fort doubtoit la bonne creature [875]Que aucun le sceust, car ung taz de truandz, Fiers, obstinez et mauldictz mescrëans, L'eussent de crime au prevost accusee. Et posé or que ne fust baptizee, Ce neantmoins la foy Jesus tenoit, [880]Et crestïenne, en cueur, se maintenoit. Il convenoit faire ainsi, car adonques Homme n'avoit, ne personnes quelzconques, Pour bien ozer, par semblantz ou maintiens, Publiquement eulx dire crestïens. [885]Mais toutesvoys, sur les sercueilz feyt mettre, En escripteaulx de bonne et grosse lettre, L'an du martyre et les trois propres noms Du Benoist sainct et de ses compaignons.
§Chappelle construicte par Geneviefve Pareillement, endroict la sepulture, [890]Enseigne y mict, esperant l'escripture Devoir servir pour les sainctz corps trouver, À l'advenir, et de terre eslever. §Longtemps aprés, ceulx des marches voysines, Considerans les miracles et signes [895]Faictz en ce lieu, la foy du peuple accreut, Et toute France, au nom de Jesus creut. §Quoy plus ? La fleur de saincte renommee, Qui lors vivoit, Geneviefve nommee, Feyt là construire, en bas exaulcement, [900]Une chappelle où bien songneusement, Par chascun jour, alloit comme amour tire Tout cueur devot, contempler le martyre Des benoistz sainctz De ce lieu, par exprés, Sera touché Dieu devant cy aprés.
§Dagobert courant