Livre III - Chapitre 7
Prologue en vers | Chapitre 1 | Chapitre 2 | Chapitre 3 | Chapitre 4 | Chapitre 5 | Chapitre 6 | Chapitre 7 | Chapitre 8 | Chapitre 9 | Chapitre 10 | Chapitre 11 | Chapitre 12 | Chapitre 13 | Chapitre 14 | Chapitre 15 | Chapitre 16 | Chapitre 17 | Chapitre 18 | Chapitre 19 | Chapitre 20 | Chapitre 21 | Chapitre 22 | Chapitre 23 | Chapitre 24 | Chapitre 25 | Chapitre 26 | Chapitre 27 | Chapitre 28 | Chapitre 29 | Chapitre 30 | Chapitre 31 | Chapitre 32 | Chapitre 33











28v
§En attendant ceſte gendarmerye. [1185]Icy verrons comme ſon armoyrie. Eſt blazonnee en la diuiſion. Et congnoiſtrons, par vne viſion. Que dagobert en eſpoir ne varye.
§Chapitre.viie.
29r
§Clotaire enuoye genſdarmes.29v LE ieune filz dagobert, tant et tāt. [1190]Triſte et penſif, en ce ſainct lieu
eſtant. Comme il aduient que la peſante
ſomme. Dennuyeux dueil, par gꝛand trauail, aſſomme. Vne perſonne / et lexcite a doꝛmir. Auſſi apꝛes regꝛetter et gemir. [1195]Cauſe trouua, par raiſon diſpoſee. A vng ſommeil de longue repoſee. §En ce doꝛmir / deuant luy vis a viz. Trois hommes vit / en gꝛacieux deuiz. Dont lvng, ſemblant / exceder / dapparence. [1200]Les aultres deux / auoit pour difference. Les cheueulx blancz / comme arbꝛes floꝛiſſantz. Eulx trois veſtuz dhabitz reſplendiſſantz. Dꝛoitz deuant luy / lantique / a voix planiere. Larraiſonna / en la foꝛme et maniere. [1205]Que enſuyt / diſant / Ô enffent qui cy gys. En ce lieu pꝛis pour bon et ſeur logis. Croy de certain / que nous trois / ceulx la ſommes. Qui, par tyꝛans et faulx meſcreans hommes.
Pour prendre ſon filz. 30r Auons ſouffert martyꝛe pour le nom. [1210]De ieſuchꝛiſt / La memoire et renom De noſtre moꝛt / ſont extainctes au monde. Par la deffaulte et vilite immunde. De ceulx qui nont ce lieu mieulx honnoꝛe. §Cinq centz trente ans / auons cy demoure. [1215]Comme verras, ſe fays bonnes lectures. Des motz gꝛauez / deſſus noz ſepultures. Ô filz de roy / croy pour vray, ſe tu veulx. Nous tenir foy / et que oꝛes faces veux. Dediffier pour nous quelque beau temple. [1220]Et que vng ſepulchꝛe y mettes gꝛand et ample. Ou richement puiſſent geſir noz coꝛps. Saiches, de vray, que paiſibles accoꝛdz. Contracterons enuers le roy ton pere. Si que rigueur de malueillance aſpere. [1225]Que a contre toy / Tournera en doulceur. Gꝛace et amour / soyes auſſi tout ſeur. Sen noſtre affaire aduiſes et regardes. Vrays pꝛotecteurs / ſerons / et ſaulueſgardes. De toy / tes biens / loz / pꝛouffitz / et honneurs. [1230]Soubz le gꝛand roy / ſeigneur de tous ſeigneurs.
§Viſion faicte a Dagobert30v Filz, ne te ſoit aduis / eſtre menſonge. Ce que te dy / fable / fantoſme / ou ſonge. Car ſe tu veulx en la terre fouyꝛ. De lœil verras / ce que te fays ouyꝛ, [1235]Et trouueras comme eſcripteaux deuiſent. Les pꝛopꝛes noms de noz coꝛps qui la giſent. Denys, ruſtique / eleuthere. Oꝛ retien. Ceſte eſcripture / et pour ſeure la tien. §Quant dagobert congneut eſuanouye [1240]La voix / dont neut parolle vayne ouye. Ce fut motif de ſoudain leſueiller. Loꝛs, moult ioyeux / ſe pꝛint eſmerueiller. Remerciant la bonte infinie. Du createur / qui, telle compaignie. [1245]Auoit tranſmyſe / en ce lieu / pour ladueu. De ſon relief / et alloꝛs feyt le veu. Que au poinct venu de meilleure foꝛtune. Acompliroit, en ſaiſon opoꝛtune. Et parferoit, a heure et en temps deu. [1250]Tout ce que auoit au doꝛmir entendu. Ainſi quil feyt depuis, comme a leſpꝛeuue. Lœil peult iuger / ia ny fault aultre pꝛeuue.
§Dormant en loratoire. 31r §Comme deuant a eſte recite. Le roy clotaire, a fureur excite. [1255]Auoit chargez aucuns ſes cappitaines. Eulx mettre aux champs / et ſur peynes certaines En gꝛoſſe bende aller pꝛendꝛe ſon filz. Et oꝛes fuſt ioingnant du crucifix. A ſon plaiſir et mandement expꝛes. [1260]Obeyſſantz leurs genſdarmes tous pꝛeſtz. Quoy que a regꝛet / chargeaſſent telle empꝛiſe. Eſleurent iour de pourſſuyure la pꝛiſe. Auecques gentz / aſſez pour de plein ſault. Aller ſurpꝛendꝛe vne ville de aſſault. [1265]Hoꝛs de paris ſoꝛtiz / en foꝛt bon oꝛdꝛe. Marcherent tous / non extimantz eulx toꝛdꝛe. Du lieu trouuer / ne chemin dyuertir. Ou il eſtoit / or, pour vous aduertir. Le lieu ainſi faict / et conſtruict dentree. [1270]Oꝛes eſt dict Sainct denys de lettree. Ceſt incident / mais pour le vray ſcauoir. Iay bien voulu ce mot ramenteuoir. Sus de par dieu / ceſte armee deuantdicte. A demy lyeue appꝛochante / petite.
§Genſdarmes retournez vers clotaire.31v [1275]Pꝛes dagobert / poſſible ne fut pas. Scauoir marcher plus auant vng ſeul pas. Mais de terreur en craincte eſpouentable. Et de frayeur en friſſon redoubtable. Se vyꝛent tant ſurpꝛiz, que au contourner. [1280]Furent foꝛcez / le viſaige tourner. Deuers paris / les vngs au roy allerent. Et lauenture au long / luy reuelerent. Dont ſe trouua en deſpit furieux. Plus que deuant / diſant / telz gloꝛieux. [1285]Auoir trouuee vne menſonge telle. Voulans / par fraulde et mauuaiſe cautelle. Laiſſer le pere / et au filz adherer. Et loꝛs, ſans riens ſon courroux moderer. Delibera aultres gentz y tranſmettre. [1290]Quil feyt iurer / et par leur foy pꝛomettre. Que ſans faueur / le ſien filz ſeroit pꝛis. Et amene vers luy, a quelque pꝛis. Que on ſceuſt venir / ſans ce que nul deſplace. Mais arriuez en ceſte pꝛopꝛe place. [1295]Ou les pꝛemiers furent tant eſperduz. Penſerent eſtre affollez et perduz.
§En renuoye daultres. 32r Se les pꝛemiers receurent gꝛoſſe craincte. Ceulx cy derniers eurent trop pire eſtraincte. Et leur ſembla / au dꝛoict poinct / eſtre / et pas. [1300]Du perilleux / et angoiſſeux treſpas. Terreur / tremeur / tourmentine terrible. Frayeur foꝛcee : et oꝛreur treſhoꝛrible. Rendirent tant genſdarmes eſtonnez. Que les plus foꝛtz et mieulx embaſtonnez. [1305]Getterent la / leurs armes, pour eſcourre. Leurs courtz iarretz / et le gaigner a courre. §Quant le roy ſceut / leur retour / il perdit. Pꝛes pacience / et a telle heure dit. Quil congnoiſtra, par vraye experience. [1310]Se ſon credit doit eſtre pery en ce. Et comme vng filz peult ainſi reſiſter. Au pere ſien / loꝛs pour y aſſiſter. Et ſe monſtrer gꝛand magiſtre deſcolle. Soudain partit en ceſte chaulde colle. [1315]Delibere / luy dire et faire tour. Dont ne luy penſe / oꝛdonner bon retour. Foꝛt galoppant comme a bꝛide aualee. Sans eſparguer montaigne ny vallee.
§Clotaire allant par fureur.32v Seul cheuauchoit en maſchant ce refrein. [1320]Semblant cheual qui va rongeant ſon frein. Autour de luy, a lheure, neut perſonne. Qui mot ſonnaſt / Quant la gꝛand cloche ſōne. Toute aultre ceſſe / ung maiſtre en tel deſpit. Doibt ſeruiteur impetrer long reſpit. [1325]A ſon parler / Car comme boys qui fume. Long temps au feu et par ſouffier ſe alume. Vng homme ainſi fumant en ſes eſpꝛitz. Par repliquer au feu de yꝛe eſt eſpꝛiz. Si gꝛos deſpit / a lheure le meyne a ce. [1330]Quentre ſes dentz ſon pꝛopꝛe enffant menace. A ſi dur ply / le ſubmettre et renger. Que ia ne puiſſe / homme plus oultraiger. Plus marche auant et plus tient rigoꝛeuſe. Sa fantaſie en fierte langoureuſe. [1335]Tant a deſir la vengeance acomplir. Du maltalent dont ſent ſon cueur emplir. Tenant maintien dimpetueux couraige. Tant a doubter que coup de foꝛt oꝛaige. Vint appꝛocher loꝛatoire ou il ſceut. [1340]Etre ſon filz / Quant le lieu apperceut.
§Sappayſe voyant ſon filz33r Myct pid a terre / et en colere oultree. Se pꝛeſenta ſur le ſeuil de lentree. §O le gꝛand caz / la ſes gentz attendans. Et doubtans veoir oultrager la dedans. [1345]Le ieune enfant / ayant genoulx en terre. Et teſte nue / a luy courut gꝛand erre. Bꝛaz eſtenduz / non pour le meſayſer. Mais lembꝛaſſer accoller et bayſer. §Quelle merueille et pꝛes comme increable. [1350]Celuy auoir plaiſant et agꝛeable. Que auparauant tenoit heynneux moꝛtel. Qui feyt cela ? dont luy vint remoꝛs tel ? Luy qui venoit comme vng loup plein de raige. Delibere luy faire gꝛos oultraige. [1355]En vng moment ſe trouuer appaiſe. Et comme doulx aignel lauoir baiſe. Pour guerre eut paix / recueil damour por heyne. Pour doulleur ayſe / repos en lieu de peyne. Pour dueil plaiſir / de rancune pitie. [1360]Et pour rigueur gꝛacieuſe amytie. §Oꝛ demandez ſi ſourſe de montioye. Fut loꝛs ouuerte / et ſe larmes de ioye.
§Loffence remyſe de clotaire a ſon filz.33v Soꝛtirent hoꝛs dhabondance du cueur. Voyant vaincu tel et ſi gꝛand vainqueur. [1365]Bien congneut il, au merite et pꝛiere. Des benoiſtz ſainctz, eſtre gette arriere. Le maltalent / loꝛs de regard humain. Se demonſtrant / pꝛint ſon filz par la main. Et luy remyct loffence / ainſi ſoꝛtirent. [1370]De ce ſainct lieu / et ioyeux ſe partirent. Ceſt aſſez dit / le tout bien regarde. Ce que dieu garde eſt touſiours bien garde.
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§En attendant ceste gendarmerye, [1185]Icy verrons comme son armoyrie Est blazonnee en la divisïon. Et congnoistrons, par une visïon, Que Dagobert en espoir ne varye.
§Chapitre.viie.
§Clotaire envoye gensdarmes Le jeune filz Dagobert, tant et tant [1190]Triste et pensif, en ce sainct lieu estant, Comme il advient que la pesante somme, D'ennuyeux dueil, par grand travail, assomme Une personne et l'excite à dormir, Aussi aprés regretter et gemir, [1195]Cause trouva, par raison disposee, À ung sommeil de longue reposee. §En ce dormir, devant luy vis à viz, Trois hommes vit en gracïeux deviz, Dont l'ung, semblant exceder d'apparence [1200]Les aultres deux, avoit pour difference Les cheveulx blancz comme arbres florissantz. Eulx trois vestuz d'habitz resplendissantz, Droitz devant luy, l'antique, à voix planiere, L'arraisonna en la forme et maniere [1205]Que ensuyt, disant : Ô enffent qui cy gys, En ce lieu pris pour bon et seur logis, Croy de certain que nous trois ceulx la sommes Qui, par tyrans et faulx mescrëans hommes,
Pour prendre son filz Avons souffert martyre pour le nom [1210]De Jesu Christ. La memoire et renom De nostre mort sont extainctes au monde, Par la deffaulte et vilité immunde De ceulx qui n'ont ce lieu mieulx honnoré. §Cinq centz trente ans avons cy demouré, [1215]Comme verras, se fays bonnes lectures Des motz gravez dessus noz sepultures. Ô filz de roy, croy pour vray, se tu veulx Nous tenir foy, et que ores faces veux D'ediffïer pour nous quelque beau temple, [1220]Et que ung sepulchre y mettes grand et ample, Ou richement puissent gesir noz corps. Saiches, de vray, que paisibles accordz Contracterons envers le roy ton pere, Si que rigueur de malveillance aspere [1225]Que à contre toy tournera en doulceur, Grace et amour. Soyes aussi tout seur. S'en nostre affaire advises et regardes, Vrays protecteurs serons et saulvesgardes De toy, tes biens, loz, prouffitz et honneurs [1230]Soubz le grand roy, seigneur de tous seigneurs.
§Vision faicte a Dagobert Filz, ne te soit advis estre mensonge Ce que te dy, fable, fantosme ou songe. Car se tu veulx en la terre fouÿr, De l'œil verras ce que te fays ouÿr, [1235]Et trouveras comme escripteaux devisent Les propres noms de noz corps qui la gisent : Denys, Rustique, Eleuthere. Or retien Ceste escripture et pour seure la tien. §Quant Dagobert congneut esvanouÿe [1240]La voix, dont n'eut parolle vayne ouÿe, Ce fut motif de soudain l'esveiller. Lors, moult joyeux, se print esmerveiller, Remerciant la bonté infinie Du Crëateur qui, telle compaignie [1245]Avoit transmyse, en ce lieu, pour l'adveu De son relief. Et allors feyt le veu Que au poinct venu de meilleure fortune, Acompliroit, en saison oportune, Et parferoit, à heure et en temps deu, [1250]Tout ce que avoit au dormir entendu. Ainsi qu'il feyt depuis, comme à l'espreuve L'œil peult juger, ja n'y fault aultre preuve.
§Dormant en l'oratoire §Comme devant a esté recité, Le roy Clotaire, à fureur excité, [1255]Avoit chargez aucuns ses cappitaines Eulx mettre aux champs, et sur peynes certaines En grosse bende aller prendre son filz. Et ores fust joingnant du crucifix, À son plaisir et mandement exprés, [1260]Obëyssantz leurs gensdarmes tous prestz. Quoy que à regret chargeassent telle emprise, Esleurent jour de pourssuyvre la prise, Avecques gentz assez pour de plein sault Aller surprendre une ville de assault. [1265]Hors de Paris sortiz en fort bon ordre, Marcherent tous, non extimantz eulx tordre Du lieu trouver ne chemin dyvertir Où il estoit. Or, pour vous advertir, Le lieu ainsi faict et construict d'entree, [1270]Ores est dict sainct Denys de lettree. C'est incident, mais pour le vray sçavoir, J'ay bien voulu ce mot ramentevoir. Sus de par Dieu, ceste armee devantdicte, À demy lyeue approchante, petite,
§Gensdarmes retournez vers Clotaire [1275]Près Dagobert possible ne fut pas Sçavoir marcher plus avant ung seul pas. Mais de terreur en craincte espoventable, Et de frayeur en frisson redoubtable, Se vyrent tant surpriz, que au contourner [1280]Furent forcez le visaige tourner, Devers Paris. Les ungs au roy allerent, Et l'aventure au long luy revelerent. Dont se trouva en despit furïeux Plus que devant, disant telz glorïeux [1285]Avoir trouvee une mensonge telle, Voulans, par fraulde et mauvaise cautelle, Laisser le pere et au filz adherer. Et lors, sans riens son courroux moderer, Delibera aultres gentz y transmettre, [1290]Qu'il feyt jurer, et par leur foy promettre, Que sans faveur le sien filz seroit pris Et amené vers luy, à quelque pris Que on sceust venir, sans ce que nul desplace. Mais arrivez en ceste propre place, [1295]Où les premiers furent tant esperduz, Penserent estre affollez et perduz.
§En renvoye d'aultres Se les premiers receurent grosse craincte, Ceulx cy derniers eurent trop pire estraincte Et leur sembla, au droict poinct, estre et pas [1300]Du perilleux et angoisseux trespas. Terreur, tremeur, tourmentine terrible, Frayeur forcee et orreur treshorrible Rendirent tant gensdarmes estonnez, Que les plus fortz et mieulx embastonnez [1305]Getterent là leurs armes, pour escourre Leurs courtz jarretz et le gaigner à courre. §Quant le roy sceut leur retour, il perdit Près pacïence, et à telle heure dit Qu'il congnoistra, par vraye experïence, [1310]Se son credit doit estre pery en ce, Et comme ung filz peult ainsi resister Au pere sien. Lors pour y assister, Et se monstrer grand magistre d'escolle, Soudain partit en ceste chaulde colle, [1315]Deliberé luy dire et faire tour Dont ne luy pense ordonner bon retour. Fort galoppant comme a bride avalee, Sans esparguer montaigne ny vallee,
§Clotaire allant par fureur Seul chevauchoit en maschant ce refrein, [1320]Semblant cheval qui va rongeant son frein. Autour de luy, à l'heure, n'eut personne Qui mot sonnast. Quant la grand cloche sonne, Toute aultre cesse. Ung maistre en tel despit Doibt serviteur impetrer long respit [1325]À son parler, car comme boys qui fume, Longtemps au feu et par souffier se alume, Ung homme ainsi fumant en ses espritz, Par repliquer au feu de yre est espriz, Si gros despit à l'heure le meyne à ce [1330]Qu'entre ses dentz son propre enffant menace À si dur ply le submettre et renger, Que ja ne puisse homme plus oultraiger. Plus marche avant et plus tient rigoreuse Sa fantasie en fierté langoureuse. [1335]Tant a desir la vengeance acomplir, Du maltalent dont sent son cueur emplir, Tenant maintien d'impetueux couraige Tant à doubter que coup de fort oraige. Vint approcher l'oratoire où il sceut [1340]Etre son filz. Quant le lieu apperceut,
§S'appayse voyant son filz Myct pid à terre, et en colere oultree Se presenta sur le seuil de l'entree. §O le grand caz ! Là ses gentz attendans, Et doubtans veoir oultrager là dedans, [1345]Le jeune enfant, ayant genoulx en terre Et teste nue, a luy courut grand erre, Braz estenduz, non pour le mesayser, Mais l'embrasser accoller et bayser. §Quelle merveille et près comme incrëable, [1350]Celuy avoir plaisant et agrëable Que auparavant tenoit heynneux mortel ! Qui feyt cela ? Dont luy vint remors tel ? Luy qui venoit comme ung loup plein de raige, Deliberé luy faire gros oultraige, [1355]En ung moment se trouver appaisé, Et comme doulx aignel l'avoir baisé ! Pour guerre eut paix, recueil d'amour pour heyne, Pour doulleur ayse, repos en lieu de peyne, Pour dueil plaisir, de rancune pitié, [1360]Et pour rigueur gracïeuse amytié. §Or demandez si sourse de montjoye Fut lors ouverte, et se larmes de joye
§L'offence remyse de Clotaire à son filz Sortirent hors d'habondance du cueur, Voyant vaincu tel et si grand vainqueur. [1365]Bien congneut il, au merite et prïere Des benoistz sainctz, estre gette arrïere Le maltalent. Lors de regard humain Se demonstrant, print son filz par la main, Et luy remyct l'offence. Ainsi sortirent [1370]De ce sainct lieu, et joyeux se partirent. C'est assez dit. Le tout bien regardé, Ce que Dieu garde est tousjours bien gardé.











28v
§En attendant ceſte gendarmerye. [1185]Icy verrons comme ſon armoyrie. Eſt blazonnee en la diuiſion. Et congnoiſtrons, par vne viſion. Que dagobert en eſpoir ne varye.
§Chapitre.viie.
29r
§Clotaire enuoye genſdarmes.29v LE ieune filz dagobert, tant et tāt. [1190]Triſte et penſif, en ce ſainct lieu
eſtant. Comme il aduient que la peſante
ſomme. Dennuyeux dueil, par gꝛand trauail, aſſomme. Vne perſonne / et lexcite a doꝛmir. Auſſi apꝛes regꝛetter et gemir. [1195]Cauſe trouua, par raiſon diſpoſee. A vng ſommeil de longue repoſee. §En ce doꝛmir / deuant luy vis a viz. Trois hommes vit / en gꝛacieux deuiz. Dont lvng, ſemblant / exceder / dapparence. [1200]Les aultres deux / auoit pour difference. Les cheueulx blancz / comme arbꝛes floꝛiſſantz. Eulx trois veſtuz dhabitz reſplendiſſantz. Dꝛoitz deuant luy / lantique / a voix planiere. Larraiſonna / en la foꝛme et maniere. [1205]Que enſuyt / diſant / Ô enffent qui cy gys. En ce lieu pꝛis pour bon et ſeur logis. Croy de certain / que nous trois / ceulx la ſommes. Qui, par tyꝛans et faulx meſcreans hommes.
Pour prendre ſon filz. 30r Auons ſouffert martyꝛe pour le nom. [1210]De ieſuchꝛiſt / La memoire et renom De noſtre moꝛt / ſont extainctes au monde. Par la deffaulte et vilite immunde. De ceulx qui nont ce lieu mieulx honnoꝛe. §Cinq centz trente ans / auons cy demoure. [1215]Comme verras, ſe fays bonnes lectures. Des motz gꝛauez / deſſus noz ſepultures. Ô filz de roy / croy pour vray, ſe tu veulx. Nous tenir foy / et que oꝛes faces veux. Dediffier pour nous quelque beau temple. [1220]Et que vng ſepulchꝛe y mettes gꝛand et ample. Ou richement puiſſent geſir noz coꝛps. Saiches, de vray, que paiſibles accoꝛdz. Contracterons enuers le roy ton pere. Si que rigueur de malueillance aſpere. [1225]Que a contre toy / Tournera en doulceur. Gꝛace et amour / soyes auſſi tout ſeur. Sen noſtre affaire aduiſes et regardes. Vrays pꝛotecteurs / ſerons / et ſaulueſgardes. De toy / tes biens / loz / pꝛouffitz / et honneurs. [1230]Soubz le gꝛand roy / ſeigneur de tous ſeigneurs.
§Viſion faicte a Dagobert30v Filz, ne te ſoit aduis / eſtre menſonge. Ce que te dy / fable / fantoſme / ou ſonge. Car ſe tu veulx en la terre fouyꝛ. De lœil verras / ce que te fays ouyꝛ, [1235]Et trouueras comme eſcripteaux deuiſent. Les pꝛopꝛes noms de noz coꝛps qui la giſent. Denys, ruſtique / eleuthere. Oꝛ retien. Ceſte eſcripture / et pour ſeure la tien. §Quant dagobert congneut eſuanouye [1240]La voix / dont neut parolle vayne ouye. Ce fut motif de ſoudain leſueiller. Loꝛs, moult ioyeux / ſe pꝛint eſmerueiller. Remerciant la bonte infinie. Du createur / qui, telle compaignie. [1245]Auoit tranſmyſe / en ce lieu / pour ladueu. De ſon relief / et alloꝛs feyt le veu. Que au poinct venu de meilleure foꝛtune. Acompliroit, en ſaiſon opoꝛtune. Et parferoit, a heure et en temps deu. [1250]Tout ce que auoit au doꝛmir entendu. Ainſi quil feyt depuis, comme a leſpꝛeuue. Lœil peult iuger / ia ny fault aultre pꝛeuue.
§Dormant en loratoire. 31r §Comme deuant a eſte recite. Le roy clotaire, a fureur excite. [1255]Auoit chargez aucuns ſes cappitaines. Eulx mettre aux champs / et ſur peynes certaines En gꝛoſſe bende aller pꝛendꝛe ſon filz. Et oꝛes fuſt ioingnant du crucifix. A ſon plaiſir et mandement expꝛes. [1260]Obeyſſantz leurs genſdarmes tous pꝛeſtz. Quoy que a regꝛet / chargeaſſent telle empꝛiſe. Eſleurent iour de pourſſuyure la pꝛiſe. Auecques gentz / aſſez pour de plein ſault. Aller ſurpꝛendꝛe vne ville de aſſault. [1265]Hoꝛs de paris ſoꝛtiz / en foꝛt bon oꝛdꝛe. Marcherent tous / non extimantz eulx toꝛdꝛe. Du lieu trouuer / ne chemin dyuertir. Ou il eſtoit / or, pour vous aduertir. Le lieu ainſi faict / et conſtruict dentree. [1270]Oꝛes eſt dict Sainct denys de lettree. Ceſt incident / mais pour le vray ſcauoir. Iay bien voulu ce mot ramenteuoir. Sus de par dieu / ceſte armee deuantdicte. A demy lyeue appꝛochante / petite.
§Genſdarmes retournez vers clotaire.31v [1275]Pꝛes dagobert / poſſible ne fut pas. Scauoir marcher plus auant vng ſeul pas. Mais de terreur en craincte eſpouentable. Et de frayeur en friſſon redoubtable. Se vyꝛent tant ſurpꝛiz, que au contourner. [1280]Furent foꝛcez / le viſaige tourner. Deuers paris / les vngs au roy allerent. Et lauenture au long / luy reuelerent. Dont ſe trouua en deſpit furieux. Plus que deuant / diſant / telz gloꝛieux. [1285]Auoir trouuee vne menſonge telle. Voulans / par fraulde et mauuaiſe cautelle. Laiſſer le pere / et au filz adherer. Et loꝛs, ſans riens ſon courroux moderer. Delibera aultres gentz y tranſmettre. [1290]Quil feyt iurer / et par leur foy pꝛomettre. Que ſans faueur / le ſien filz ſeroit pꝛis. Et amene vers luy, a quelque pꝛis. Que on ſceuſt venir / ſans ce que nul deſplace. Mais arriuez en ceſte pꝛopꝛe place. [1295]Ou les pꝛemiers furent tant eſperduz. Penſerent eſtre affollez et perduz.
§En renuoye daultres. 32r Se les pꝛemiers receurent gꝛoſſe craincte. Ceulx cy derniers eurent trop pire eſtraincte. Et leur ſembla / au dꝛoict poinct / eſtre / et pas. [1300]Du perilleux / et angoiſſeux treſpas. Terreur / tremeur / tourmentine terrible. Frayeur foꝛcee : et oꝛreur treſhoꝛrible. Rendirent tant genſdarmes eſtonnez. Que les plus foꝛtz et mieulx embaſtonnez. [1305]Getterent la / leurs armes, pour eſcourre. Leurs courtz iarretz / et le gaigner a courre. §Quant le roy ſceut / leur retour / il perdit. Pꝛes pacience / et a telle heure dit. Quil congnoiſtra, par vraye experience. [1310]Se ſon credit doit eſtre pery en ce. Et comme vng filz peult ainſi reſiſter. Au pere ſien / loꝛs pour y aſſiſter. Et ſe monſtrer gꝛand magiſtre deſcolle. Soudain partit en ceſte chaulde colle. [1315]Delibere / luy dire et faire tour. Dont ne luy penſe / oꝛdonner bon retour. Foꝛt galoppant comme a bꝛide aualee. Sans eſparguer montaigne ny vallee.
§Clotaire allant par fureur.32v Seul cheuauchoit en maſchant ce refrein. [1320]Semblant cheual qui va rongeant ſon frein. Autour de luy, a lheure, neut perſonne. Qui mot ſonnaſt / Quant la gꝛand cloche ſōne. Toute aultre ceſſe / ung maiſtre en tel deſpit. Doibt ſeruiteur impetrer long reſpit. [1325]A ſon parler / Car comme boys qui fume. Long temps au feu et par ſouffier ſe alume. Vng homme ainſi fumant en ſes eſpꝛitz. Par repliquer au feu de yꝛe eſt eſpꝛiz. Si gꝛos deſpit / a lheure le meyne a ce. [1330]Quentre ſes dentz ſon pꝛopꝛe enffant menace. A ſi dur ply / le ſubmettre et renger. Que ia ne puiſſe / homme plus oultraiger. Plus marche auant et plus tient rigoꝛeuſe. Sa fantaſie en fierte langoureuſe. [1335]Tant a deſir la vengeance acomplir. Du maltalent dont ſent ſon cueur emplir. Tenant maintien dimpetueux couraige. Tant a doubter que coup de foꝛt oꝛaige. Vint appꝛocher loꝛatoire ou il ſceut. [1340]Etre ſon filz / Quant le lieu apperceut.
§Sappayſe voyant ſon filz33r Myct pid a terre / et en colere oultree. Se pꝛeſenta ſur le ſeuil de lentree. §O le gꝛand caz / la ſes gentz attendans. Et doubtans veoir oultrager la dedans. [1345]Le ieune enfant / ayant genoulx en terre. Et teſte nue / a luy courut gꝛand erre. Bꝛaz eſtenduz / non pour le meſayſer. Mais lembꝛaſſer accoller et bayſer. §Quelle merueille et pꝛes comme increable. [1350]Celuy auoir plaiſant et agꝛeable. Que auparauant tenoit heynneux moꝛtel. Qui feyt cela ? dont luy vint remoꝛs tel ? Luy qui venoit comme vng loup plein de raige. Delibere luy faire gꝛos oultraige. [1355]En vng moment ſe trouuer appaiſe. Et comme doulx aignel lauoir baiſe. Pour guerre eut paix / recueil damour por heyne. Pour doulleur ayſe / repos en lieu de peyne. Pour dueil plaiſir / de rancune pitie. [1360]Et pour rigueur gꝛacieuſe amytie. §Oꝛ demandez ſi ſourſe de montioye. Fut loꝛs ouuerte / et ſe larmes de ioye.
§Loffence remyſe de clotaire a ſon filz.33v Soꝛtirent hoꝛs dhabondance du cueur. Voyant vaincu tel et ſi gꝛand vainqueur. [1365]Bien congneut il, au merite et pꝛiere. Des benoiſtz ſainctz, eſtre gette arriere. Le maltalent / loꝛs de regard humain. Se demonſtrant / pꝛint ſon filz par la main. Et luy remyct loffence / ainſi ſoꝛtirent. [1370]De ce ſainct lieu / et ioyeux ſe partirent. Ceſt aſſez dit / le tout bien regarde. Ce que dieu garde eſt touſiours bien garde.
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§En attendant ceste gendarmerye, [1185]Icy verrons comme son armoyrie Est blazonnee en la divisïon. Et congnoistrons, par une visïon, Que Dagobert en espoir ne varye.
§Chapitre.viie.
§Clotaire envoye gensdarmes Le jeune filz Dagobert, tant et tant [1190]Triste et pensif, en ce sainct lieu estant, Comme il advient que la pesante somme, D'ennuyeux dueil, par grand travail, assomme Une personne et l'excite à dormir, Aussi aprés regretter et gemir, [1195]Cause trouva, par raison disposee, À ung sommeil de longue reposee. §En ce dormir, devant luy vis à viz, Trois hommes vit en gracïeux deviz, Dont l'ung, semblant exceder d'apparence [1200]Les aultres deux, avoit pour difference Les cheveulx blancz comme arbres florissantz. Eulx trois vestuz d'habitz resplendissantz, Droitz devant luy, l'antique, à voix planiere, L'arraisonna en la forme et maniere [1205]Que ensuyt, disant : Ô enffent qui cy gys, En ce lieu pris pour bon et seur logis, Croy de certain que nous trois ceulx la sommes Qui, par tyrans et faulx mescrëans hommes,
Pour prendre son filz Avons souffert martyre pour le nom [1210]De Jesu Christ. La memoire et renom De nostre mort sont extainctes au monde, Par la deffaulte et vilité immunde De ceulx qui n'ont ce lieu mieulx honnoré. §Cinq centz trente ans avons cy demouré, [1215]Comme verras, se fays bonnes lectures Des motz gravez dessus noz sepultures. Ô filz de roy, croy pour vray, se tu veulx Nous tenir foy, et que ores faces veux D'ediffïer pour nous quelque beau temple, [1220]Et que ung sepulchre y mettes grand et ample, Ou richement puissent gesir noz corps. Saiches, de vray, que paisibles accordz Contracterons envers le roy ton pere, Si que rigueur de malveillance aspere [1225]Que à contre toy tournera en doulceur, Grace et amour. Soyes aussi tout seur. S'en nostre affaire advises et regardes, Vrays protecteurs serons et saulvesgardes De toy, tes biens, loz, prouffitz et honneurs [1230]Soubz le grand roy, seigneur de tous seigneurs.
§Vision faicte a Dagobert Filz, ne te soit advis estre mensonge Ce que te dy, fable, fantosme ou songe. Car se tu veulx en la terre fouÿr, De l'œil verras ce que te fays ouÿr, [1235]Et trouveras comme escripteaux devisent Les propres noms de noz corps qui la gisent : Denys, Rustique, Eleuthere. Or retien Ceste escripture et pour seure la tien. §Quant Dagobert congneut esvanouÿe [1240]La voix, dont n'eut parolle vayne ouÿe, Ce fut motif de soudain l'esveiller. Lors, moult joyeux, se print esmerveiller, Remerciant la bonté infinie Du Crëateur qui, telle compaignie [1245]Avoit transmyse, en ce lieu, pour l'adveu De son relief. Et allors feyt le veu Que au poinct venu de meilleure fortune, Acompliroit, en saison oportune, Et parferoit, à heure et en temps deu, [1250]Tout ce que avoit au dormir entendu. Ainsi qu'il feyt depuis, comme à l'espreuve L'œil peult juger, ja n'y fault aultre preuve.
§Dormant en l'oratoire §Comme devant a esté recité, Le roy Clotaire, à fureur excité, [1255]Avoit chargez aucuns ses cappitaines Eulx mettre aux champs, et sur peynes certaines En grosse bende aller prendre son filz. Et ores fust joingnant du crucifix, À son plaisir et mandement exprés, [1260]Obëyssantz leurs gensdarmes tous prestz. Quoy que à regret chargeassent telle emprise, Esleurent jour de pourssuyvre la prise, Avecques gentz assez pour de plein sault Aller surprendre une ville de assault. [1265]Hors de Paris sortiz en fort bon ordre, Marcherent tous, non extimantz eulx tordre Du lieu trouver ne chemin dyvertir Où il estoit. Or, pour vous advertir, Le lieu ainsi faict et construict d'entree, [1270]Ores est dict sainct Denys de lettree. C'est incident, mais pour le vray sçavoir, J'ay bien voulu ce mot ramentevoir. Sus de par Dieu, ceste armee devantdicte, À demy lyeue approchante, petite,
§Gensdarmes retournez vers Clotaire [1275]Près Dagobert possible ne fut pas Sçavoir marcher plus avant ung seul pas. Mais de terreur en craincte espoventable, Et de frayeur en frisson redoubtable, Se vyrent tant surpriz, que au contourner [1280]Furent forcez le visaige tourner, Devers Paris. Les ungs au roy allerent, Et l'aventure au long luy revelerent. Dont se trouva en despit furïeux Plus que devant, disant telz glorïeux [1285]Avoir trouvee une mensonge telle, Voulans, par fraulde et mauvaise cautelle, Laisser le pere et au filz adherer. Et lors, sans riens son courroux moderer, Delibera aultres gentz y transmettre, [1290]Qu'il feyt jurer, et par leur foy promettre, Que sans faveur le sien filz seroit pris Et amené vers luy, à quelque pris Que on sceust venir, sans ce que nul desplace. Mais arrivez en ceste propre place, [1295]Où les premiers furent tant esperduz, Penserent estre affollez et perduz.
§En renvoye d'aultres Se les premiers receurent grosse craincte, Ceulx cy derniers eurent trop pire estraincte Et leur sembla, au droict poinct, estre et pas [1300]Du perilleux et angoisseux trespas. Terreur, tremeur, tourmentine terrible, Frayeur forcee et orreur treshorrible Rendirent tant gensdarmes estonnez, Que les plus fortz et mieulx embastonnez [1305]Getterent là leurs armes, pour escourre Leurs courtz jarretz et le gaigner à courre. §Quant le roy sceut leur retour, il perdit Près pacïence, et à telle heure dit Qu'il congnoistra, par vraye experïence, [1310]Se son credit doit estre pery en ce, Et comme ung filz peult ainsi resister Au pere sien. Lors pour y assister, Et se monstrer grand magistre d'escolle, Soudain partit en ceste chaulde colle, [1315]Deliberé luy dire et faire tour Dont ne luy pense ordonner bon retour. Fort galoppant comme a bride avalee, Sans esparguer montaigne ny vallee,
§Clotaire allant par fureur Seul chevauchoit en maschant ce refrein, [1320]Semblant cheval qui va rongeant son frein. Autour de luy, à l'heure, n'eut personne Qui mot sonnast. Quant la grand cloche sonne, Toute aultre cesse. Ung maistre en tel despit Doibt serviteur impetrer long respit [1325]À son parler, car comme boys qui fume, Longtemps au feu et par souffier se alume, Ung homme ainsi fumant en ses espritz, Par repliquer au feu de yre est espriz, Si gros despit à l'heure le meyne à ce [1330]Qu'entre ses dentz son propre enffant menace À si dur ply le submettre et renger, Que ja ne puisse homme plus oultraiger. Plus marche avant et plus tient rigoreuse Sa fantasie en fierté langoureuse. [1335]Tant a desir la vengeance acomplir, Du maltalent dont sent son cueur emplir, Tenant maintien d'impetueux couraige Tant à doubter que coup de fort oraige. Vint approcher l'oratoire où il sceut [1340]Etre son filz. Quant le lieu apperceut,
§S'appayse voyant son filz Myct pid à terre, et en colere oultree Se presenta sur le seuil de l'entree. §O le grand caz ! Là ses gentz attendans, Et doubtans veoir oultrager là dedans, [1345]Le jeune enfant, ayant genoulx en terre Et teste nue, a luy courut grand erre, Braz estenduz, non pour le mesayser, Mais l'embrasser accoller et bayser. §Quelle merveille et près comme incrëable, [1350]Celuy avoir plaisant et agrëable Que auparavant tenoit heynneux mortel ! Qui feyt cela ? Dont luy vint remors tel ? Luy qui venoit comme ung loup plein de raige, Deliberé luy faire gros oultraige, [1355]En ung moment se trouver appaisé, Et comme doulx aignel l'avoir baisé ! Pour guerre eut paix, recueil d'amour pour heyne, Pour doulleur ayse, repos en lieu de peyne, Pour dueil plaisir, de rancune pitié, [1360]Et pour rigueur gracïeuse amytié. §Or demandez si sourse de montjoye Fut lors ouverte, et se larmes de joye
§L'offence remyse de Clotaire à son filz Sortirent hors d'habondance du cueur, Voyant vaincu tel et si grand vainqueur. [1365]Bien congneut il, au merite et prïere Des benoistz sainctz, estre gette arrïere Le maltalent. Lors de regard humain Se demonstrant, print son filz par la main, Et luy remyct l'offence. Ainsi sortirent [1370]De ce sainct lieu, et joyeux se partirent. C'est assez dit. Le tout bien regardé, Ce que Dieu garde est tousjours bien gardé.