Livre III - Chapitre 2
Prologue en vers | Chapitre 1 | Chapitre 2 | Chapitre 3 | Chapitre 4 | Chapitre 5 | Chapitre 6 | Chapitre 7 | Chapitre 8 | Chapitre 9 | Chapitre 10 | Chapitre 11 | Chapitre 12 | Chapitre 13 | Chapitre 14 | Chapitre 15 | Chapitre 16 | Chapitre 17 | Chapitre 18 | Chapitre 19 | Chapitre 20 | Chapitre 21 | Chapitre 22 | Chapitre 23 | Chapitre 24 | Chapitre 25 | Chapitre 26 | Chapitre 27 | Chapitre 28 | Chapitre 29 | Chapitre 30 | Chapitre 31 | Chapitre 32 | Chapitre 33











§Ce ſont les motz portantz royaulx eſditz A brunechilde, en lieu publique dictz. Dont a bon droict deura eſtre doubteuſe. [305]Aller de vie a mort dure et honteuſe. Et ſes iours veoir de plaiſir interdictz.
§Chapitre ii.
5v
6r POur demonſtrer gꝛant caz de
crime en elle. Feyt la dollente / et pouure
criminelle.
§Remonſtrance de clotaire.6v Venir vers luy / et, ſans aultre repoz. [310]Tint termes telz et ſemblables pꝛopoz. §Femme mauldicte / entre les aultres femmes. Pleines doꝛreurs et criminelz diffames. Comment ſceut onq entrer dedans ton cueur. Deſloyaulte / de ſi foꝛte rigueur. [315]Ta cruaulte doultrageuſe et gꝛoſſe yꝛe. A tant de roys / et pꝛinces faict occire. Que on seſbahyt comment la terre tient. Ton chetif coꝛps / et ſi longtemps retient. Que ia ne la tranſglouty aux abiſmes. [320]Des infernaulx paluz : veu que les diſmes. De ſi gꝛans maulx / ou feiz exerciter. Ton cueur enfle, ne peult on reciter. §Ô cueur peruers de femme malheuree. Femme enraigee / et trop deſmeſuree. [325]Nas tu oꝛreur dauoir empꝛiſonnez. Tant de gꝛans gentz / meurdꝛiz, empoiſonnez. Les vngs occiz par facons inhumaines. Aultres pꝛiuez de leurs pꝛopꝛes demaines. Aſſez nous eſt apparu et appert. [330]Que ton eſpoux, mon oncle sygibert.
§A brunechilde. 7r Feiz eſleuer par guerre enuers mon pere. Dont receut moꝛt / on ſcet le vitupere. Que a merouee / auſſi, mon frere / feyz. Quant leſpouſas / On ſcet que deſconfitz. [335]Rendiz les oſtz de pluſieurs, par batailles. Deſtocz moꝛtelz / et criminelles tailles. Les cueurs felons rendiz ſi endurciz. De tes nepueuz / que lvng en fut occiz. Car theodoꝛich, voullant loꝛeille tendꝛe. [340]A ton parler / luy donnas a entendꝛe. Que theodebert deuoit frere nyer. Et quil eſtoit baſtard dvng iardinier. Et par cela ſoudain perdit la vie. §Toy, non encoꝛ de ſa fin aſſouuye. [345]Tous ſes trois filz menas a dure moꝛt. §Aygꝛe fierte de deſpit, mon cueur moꝛd. Si aſpꝛement que a peine le puis dire. Ne deuſſes tu ta vie oꝛde mauldire. Veuz tant de maulx / commys et perpetrez. [350]Ne furent loꝛs / tes ſens de raige oultrez. Quant theodoꝛich / apꝛes te auoir traictee. Comme ſa dame / et tante redoubtee.
§Brunechilde.7v Empoyſonnas, pource quil te repꝛiſt. Que ainſi, par toy / le ſien frere peryt. [355]Et maintenant / encoꝛes non contente. Pour aſſouuir ta couuoiteuſe entente. Icy as faict en bataille eſleuer. Ses filz baſtardz / affin de me gꝛeuer. §Nas tu hoꝛreur meſle auecques honte. [360]Quant de ta vie on maintient et raconte. Si lourdz excez et terribles deſroys. Qui en tes iours / as faict mourir dix roys. Et aultres tant, que tel meffaict laiſſe ample. Occaſion / que ton coꝛps / a lexemple. [365]De tous viuans / doibt dure moꝛt ſouffrir. Si, par cent foiz / a ce pouoit ſe offrir ! Tu doibs mourir / meſchante creature. Dꝛoict eſcript veult / ſi faict loy de nature. Que qui de glaiue / aultruy fiert au mourir. [370]Par glaiue auſſi / doyue moꝛt encourir. §Oꝛ penſe donq, femme oultrageuſe et fiere. Si ceſt raiſon que a moꝛt on naure et fiere. Ton laſche cueur / par lequel as naurez. Tant dhommes gꝛauds, et a la moꝛt liurez.
§Iugee a mort. 8r [375]Voire a moꝛt quelle : hoꝛrible et impourueue. §Apꝛes ces motz / le roy tournant ſa veue. Vers les barons, pꝛincipaulx gouuerneurs. Gentz du conſeil et aultres gꝛandz ſeigneurs. Leur demanda quil eſtoit bon de faire. [380]Pour ceſte femme a fin mettre et deffaire. §Loꝛs, tindꝛent tous / acte de tel exces. Ne requerir figure de pꝛoces. Et que ſa vie / a pluſieurs ennuyeuſe. Deuoit finir par ignomynieuſe. [385]Ville, honteuſe / et pire moꝛt des moꝛs. A celle fin que le gouſt du remoꝛs. Si angoiſſeux / donnaſt exemple a toutes. A laduenir / deuoir ſur telles doubtes. De ſes foꝛffaictz / auoir craincte et terreur. [390]Pour ne tumber en ſi meſchante erreur. §Ceſte parolle en lheure pꝛoferee. Ne fut en rien lattente differee. Mais pꝛomptement conclurent que en vng val. Et foꝛt tailliz / a courſe de cheual. [395]Seroit trainee en lombꝛe des courtines. De foꝛs haſliers et pongnantes eſpines.
§Lexecution.8v Diſans deuoir deſmembꝛer tout ainſi. Celle qui neut de perſonne mercy. §Adonc le roy / pour rendꝛe humiliee [400]Sa gꝛant fierte, voulut que fuſt lyee. Et garrottee / a la queue au deſtryer. Le plus mauuais et rude a meſtryer. Que on ſceuſt trouuer / Loꝛs nue en ſa chemiſe, Bꝛaz et cheueulx lyez / tout ainſi miſe. [405]Fut le bourreau par contraincte monte. Sur ce cheual farouche et mal dompte. Mais au picquer / quant ſentit a ſes trouſſes. Pendꝛe le fex / tant donna de ſecouſſes. Et tant rendit ce chetif coꝛps eſcoux. [410]De courſes / ſaultz gꝛandz / ruades et coupz. Que adiouſtant playe / a naureure nouuelle. Du chef rompu feyt voller la ceruelle. Et, trauerſant par buyſſons et ſentiers. Foꝛt eſpineux / nulz des membꝛes entiers. [415]Reſterent ſains / mais trainnee et tyꝛee. La malheureuſe / en tel poinct martyꝛee. Nerfz veynes / oz tous enſemble nombꝛez, Piteuſement luy furent deſmembꝛez.
§De brunechilde. 9r Sans y laiſſer ſur ſon coꝛps pel entiere. [420]§Eſt cueur viuant ſi dur / qui neuſt matiere. Ce piteux coꝛps deuoir foꝛt regꝛetter, En le voyant ſi durement traicter. Certes ie croy / selle fut ſi heureuſe. De pꝛendꝛe en gꝛe / ceſte moꝛt douloureuſe. [425]Pꝛiant mercy a dieu de tous meffaictz. Quen ſon viuant ſceut auoir iamais faictz. Cela deubt bien ſatiffaire en partie. Quant a la peine a ſa coulpe impartie. Et meſmement veu que on fonde actions [430]Sur ce / que feyt tant de fondacions. §Elle doua / de richeſſes moult amples. Pluſieurs beaulx lieux / monaſteres et temples. Et poſe oꝛ / que ayt de gꝛandz maulx commis. Par tant auoir de gentz a peyne mis. [435]Et que de moꝛt honteuſe ſoit oultree. Si ne doibt pas eſtre du tout fruſtree. De ſa louenge / A vray dire / ſes faictz. Dont les aulcuns poꝛterent bons effectz. Rendent pluſieurs perſonnes eſbahyes. [440]Comment fonda ſi belles abbayes.
§Excuſation de lacter. ſur les faictz de brunechilde.9v Entre aultres / deux / Dont lvne eſt pꝛes auſtun, Laultre a lyon / ce luy eſtoit tout vng. Et ne faiſoit difficulte aucune. Dy expoſer habondante pecune. [445]§Elle voulut a ſon ayde clamer. Le gloꝛieux ſainct martin et le amer. Pour luy, fonda egliſe en mainte terre. Tant en bourgongne, en france / que angleterre. Quoy que ſon cueur ſi fier, gꝛos et peruers. [450]Cauſaſt verſer pluſieurs faictz de trauers. Sans y trouuer pꝛopos ny apparence. Si eut touſiours les lieux en reuerence. Iadis fondez par les roys anciens. §On seſbahyt, comme aux iours et ans ſiens. [455]Sceut a legliſe eſlargir benefices De ſi gꝛos pꝛis / et baſtir ediffices Telz et ſi gꝛandz, tant des nouueaulx conſtruictz. Que aultres ſi bien reparer pꝛes deſtruictz. §Aucuns autheurs, perſonnes venerables. [460]En leurs eſcriptz luy furent fauoꝛables. Meſmes bocace / et gregoire de Tours. Oꝛ plaiſe a dieu / apꝛes mondains deſtours.
§Des vertuz du roy clotaire 10r De moꝛt receue et peyne tempoꝛelle. Luy donner vie en la gloire eternelle.
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§Ce sont les motz portantz royaulx esditz À Brunechilde, en lieu publique dictz, Dont à bon droict devra estre doubteuse [305]Aller de vie à mort dure et honteuse, Et ses jours veoir de plaisir interdictz.
§Chapitre ii.
Pour demonstrer grant caz de crime en elle, Feyt la dollente et pouvre criminelle.
§Remonstrance de Clotaire Venir vers luy et, sans aultre repoz, [310]Tint termes telz et semblables propoz : §Femme mauldicte entre les aultres femmes, Pleines d'orreurs et criminelz diffames, Comment sceut onq entrer dedans ton cueur Desloyaulté de si forte rigueur ? [315]Ta cruaulté d'oultrageuse et grosse yre A tant de roys et princes faict occire, Que on s'esbahyt comment la terre tient Ton chetif corps, et si longtemps retient, Que ja ne l'a transglouty aux abismes [320]Des infernaulx paluz, veu que les dismes De si grans maulx, ou feiz exerciter Ton cueur enflé, ne peult on reciter. §Ô cueur pervers de femme malheuree ! Femme enraigee et trop desmesuree, [325]N'as tu orreur d'avoir emprisonnez Tant de grans gentz, meurdriz, empoisonnez, Les ungs occiz par façons inhumaines, Aultres privez de leurs propres demaines ? Assez nous est apparu et appert [330]Que ton espoux, mon oncle Sygibert,
§À Brunechilde Feiz eslever par guerre envers mon pere, Dont receut mort. On scet le vitupere Que à Merovee aussi, mon frere, feyz, Quant l'espousas. On scet que desconfitz [335]Rendiz les ostz de plusieurs, par batailles D'estocz mortelz et criminelles tailles. Les cueurs felons rendiz si endurciz, De tes nepveuz, que l'ung en fut occiz. Car Theodorich, voullant l'oreille tendre, [340]À ton parler, luy donnas à entendre Que Theodebert devoit frere nÿer, Et qu'il estoit bastard d'ung jardinier. Et par cela soudain perdit la vie. §Toy, non encor de sa fin assouvye, [345]Tous ses trois filz menas à dure mort ! §Aygre fierté de despit, mon cueur mord Si asprement que à peine le puis dire. Ne deusses tu ta vie orde mauldire, Veuz tant de maulx commys et perpetrez ? [350]Ne furent lors tes sens de raige oultrez, Quant Theodorich, aprés te avoir traictee Comme sa dame et tante redoubtee,
§Brunechilde Empoysonnas, pource qu'il te reprist Que ainsi, par toy, le sien frere peryt ? [355]Et maintenant, encores non contente, Pour assouvir ta couvoiteuse entente, Icy as faict en bataille eslever Ses filz bastardz, affin de me grever ! §N'as tu horreur meslé avecques honte, [360]Quant de ta vie on maintient et raconte Si lourdz excez et terribles desroys, Qui en tes jours, as faict mourir dix roys, Et aultres tant, que tel meffaict laisse ample, Occasïon ? Que ton corps, à l'exemple [365]De tous vivans, doibt dure mort souffrir Si, par cent foiz, à ce pouoit se offrir ! Tu doibs mourir, meschante creature ! Droict escript veult, si faict loy de nature. Que qui de glaive aultruy fiert au mourir, [370]Par glaive aussi, doyve mort encourir. §Or pense donq, femme oultrageuse et fiere, Si c'est raison que à mort on navre et fiere Ton lasche cueur, par lequel as navrez Tant d'hommes grauds, et à la mort livrez,
§Jugee à mort [375]Voire à mort qu'elle : horrible et impourveue ! §Aprés ces motz, le roy tournant sa veue Vers les barons, principaulx gouverneurs, Gentz du conseil et aultres grandz seigneurs, Leur demanda qu'il estoit bon de faire, [380]Pour ceste femme à fin mettre et deffaire. §Lors, tindrent tous acte de tel excés Ne requerir figure de procés, Et que sa vie, à plusieurs ennuyeuse, Devoit finir par ignomynieuse, [385]Ville, honteuse, et pire mort des mors, À celle fin que le goust du remors Si angoisseux, donnast exemple à toutes, À l'advenir, devoir sur telles doubtes De ses forffaictz, avoir craincte et terreur, [390]Pour ne tumber en si meschante erreur. §Ceste parolle en l'heure proferee, Ne fut en rien l'attente differee. Mais promptement conclurent que en ung val Et fort tailliz, à course de cheval, [395]Seroit trainee en l'ombre des courtines, De fors hasliers et pongnantes espines,
§L'execution Disans devoir desmembrer tout ainsi, Celle qui n'eut de personne mercy. §Adonc le roy, pour rendre humiliee [400]Sa grant fierté, voulut que fust lyee Et garrottee à la queue au destryer Le plus mauvais et rude à mestryer Que on sceust trouver. Lors nue en sa chemise, Braz et cheveulx lyez, tout ainsi mise, [405]Fut le bourreau par contraincte monté Sur ce cheval farouche et mal dompté. Mais au picquer, quant sentit à ses trousses Pendre le fex, tant donna de secousses, Et tant rendit ce chetif corps escoux, [410]De courses, saultz grandz, ruades et coupz, Que adjoustant playe à navreure nouvelle, Du chef rompu feyt voller la cervelle. Et, traversant par buyssons et sentiers, Fort espineux, nulz des membres entiers [415]Resterent sains. Mais trainnee et tyree, La malheureuse, en tel poinct martyree, Nerfz veynes, oz tous ensemble nombrez, Piteusement luy furent desmembrez,
§De Brunechilde Sans y laisser sur son corps pel entiere. [420]§Est cueur vivant si dur, qui n'eust matiere Ce piteux corps devoir fort regretter, En le voyant si durement traicter ? Certes je croy, s'elle fut si heureuse De prendre en gré ceste mort douloureuse, [425]Prïant mercy à Dieu de tous meffaictz Qu'en son vivant sceut avoir jamais faictz, Cela deubt bien satiffaire en partie, Quant à la peine à sa coulpe impartie, Et mesmement veu que on fonde actïons [430]Sur ce que feyt tant de fondacïons. §Elle doua de richesses moult amples. Plusieurs beaulx lieux, monasteres et temples. Et posé or que ayt de grandz maulx commis, Par tant avoir de gentz à peyne mis, [435]Et que de mort honteuse soit oultree, Si ne doibt pas estre du tout frustree De sa louenge. À vray dire, ses faictz, Dont les aulcuns porterent bons effectz, Rendent plusieurs personnes esbahyes [440]Comment fonda si belles abbaÿes.
§Excusation de l'acteur sur les faictz de Brunechilde Entre aultres deux, dont l'une est près Austun, L'aultre à Lÿon, ce luy estoit tout ung. Et ne faisoit difficulté aucune, D'y exposer habondante pecune. [445]§Elle voulut à son ayde clamer Le glorïeux sainct Martin et le amer. Pour luy, fonda eglise en mainte terre, Tant en Bourgongne, en France, que Angleterre. Quoy que son cueur si fier, gros et pervers, [450]Causast verser plusieurs faictz de travers, Sans y trouver propos ny apparence, Si eut tousjours les lieux en reverence Jadis fondez par les roys ancïens. §On s'esbahyt, comme aux jours et ans siens, [455]Sceut à l'Eglise eslargir benefices De si gros pris, et bastir ediffices Telz et si grandz, tant des nouveaulx construictz Que aultres si bien reparer près destruictz. §Aucuns autheurs, personnes venerables, [460]En leurs escriptz luy furent favorables, Mesmes Bocace et Gregoire de Tours. Or plaise à Dieu, aprés mondains destours,
§Des vertuz du roy Clotaire De mort receue et peyne temporelle, Luy donner vie en la gloire eternelle.











§Ce ſont les motz portantz royaulx eſditz A brunechilde, en lieu publique dictz. Dont a bon droict deura eſtre doubteuſe. [305]Aller de vie a mort dure et honteuſe. Et ſes iours veoir de plaiſir interdictz.
§Chapitre ii.
5v
6r POur demonſtrer gꝛant caz de
crime en elle. Feyt la dollente / et pouure
criminelle.
§Remonſtrance de clotaire.6v Venir vers luy / et, ſans aultre repoz. [310]Tint termes telz et ſemblables pꝛopoz. §Femme mauldicte / entre les aultres femmes. Pleines doꝛreurs et criminelz diffames. Comment ſceut onq entrer dedans ton cueur. Deſloyaulte / de ſi foꝛte rigueur. [315]Ta cruaulte doultrageuſe et gꝛoſſe yꝛe. A tant de roys / et pꝛinces faict occire. Que on seſbahyt comment la terre tient. Ton chetif coꝛps / et ſi longtemps retient. Que ia ne la tranſglouty aux abiſmes. [320]Des infernaulx paluz : veu que les diſmes. De ſi gꝛans maulx / ou feiz exerciter. Ton cueur enfle, ne peult on reciter. §Ô cueur peruers de femme malheuree. Femme enraigee / et trop deſmeſuree. [325]Nas tu oꝛreur dauoir empꝛiſonnez. Tant de gꝛans gentz / meurdꝛiz, empoiſonnez. Les vngs occiz par facons inhumaines. Aultres pꝛiuez de leurs pꝛopꝛes demaines. Aſſez nous eſt apparu et appert. [330]Que ton eſpoux, mon oncle sygibert.
§A brunechilde. 7r Feiz eſleuer par guerre enuers mon pere. Dont receut moꝛt / on ſcet le vitupere. Que a merouee / auſſi, mon frere / feyz. Quant leſpouſas / On ſcet que deſconfitz. [335]Rendiz les oſtz de pluſieurs, par batailles. Deſtocz moꝛtelz / et criminelles tailles. Les cueurs felons rendiz ſi endurciz. De tes nepueuz / que lvng en fut occiz. Car theodoꝛich, voullant loꝛeille tendꝛe. [340]A ton parler / luy donnas a entendꝛe. Que theodebert deuoit frere nyer. Et quil eſtoit baſtard dvng iardinier. Et par cela ſoudain perdit la vie. §Toy, non encoꝛ de ſa fin aſſouuye. [345]Tous ſes trois filz menas a dure moꝛt. §Aygꝛe fierte de deſpit, mon cueur moꝛd. Si aſpꝛement que a peine le puis dire. Ne deuſſes tu ta vie oꝛde mauldire. Veuz tant de maulx / commys et perpetrez. [350]Ne furent loꝛs / tes ſens de raige oultrez. Quant theodoꝛich / apꝛes te auoir traictee. Comme ſa dame / et tante redoubtee.
§Brunechilde.7v Empoyſonnas, pource quil te repꝛiſt. Que ainſi, par toy / le ſien frere peryt. [355]Et maintenant / encoꝛes non contente. Pour aſſouuir ta couuoiteuſe entente. Icy as faict en bataille eſleuer. Ses filz baſtardz / affin de me gꝛeuer. §Nas tu hoꝛreur meſle auecques honte. [360]Quant de ta vie on maintient et raconte. Si lourdz excez et terribles deſroys. Qui en tes iours / as faict mourir dix roys. Et aultres tant, que tel meffaict laiſſe ample. Occaſion / que ton coꝛps / a lexemple. [365]De tous viuans / doibt dure moꝛt ſouffrir. Si, par cent foiz / a ce pouoit ſe offrir ! Tu doibs mourir / meſchante creature. Dꝛoict eſcript veult / ſi faict loy de nature. Que qui de glaiue / aultruy fiert au mourir. [370]Par glaiue auſſi / doyue moꝛt encourir. §Oꝛ penſe donq, femme oultrageuſe et fiere. Si ceſt raiſon que a moꝛt on naure et fiere. Ton laſche cueur / par lequel as naurez. Tant dhommes gꝛauds, et a la moꝛt liurez.
§Iugee a mort. 8r [375]Voire a moꝛt quelle : hoꝛrible et impourueue. §Apꝛes ces motz / le roy tournant ſa veue. Vers les barons, pꝛincipaulx gouuerneurs. Gentz du conſeil et aultres gꝛandz ſeigneurs. Leur demanda quil eſtoit bon de faire. [380]Pour ceſte femme a fin mettre et deffaire. §Loꝛs, tindꝛent tous / acte de tel exces. Ne requerir figure de pꝛoces. Et que ſa vie / a pluſieurs ennuyeuſe. Deuoit finir par ignomynieuſe. [385]Ville, honteuſe / et pire moꝛt des moꝛs. A celle fin que le gouſt du remoꝛs. Si angoiſſeux / donnaſt exemple a toutes. A laduenir / deuoir ſur telles doubtes. De ſes foꝛffaictz / auoir craincte et terreur. [390]Pour ne tumber en ſi meſchante erreur. §Ceſte parolle en lheure pꝛoferee. Ne fut en rien lattente differee. Mais pꝛomptement conclurent que en vng val. Et foꝛt tailliz / a courſe de cheual. [395]Seroit trainee en lombꝛe des courtines. De foꝛs haſliers et pongnantes eſpines.
§Lexecution.8v Diſans deuoir deſmembꝛer tout ainſi. Celle qui neut de perſonne mercy. §Adonc le roy / pour rendꝛe humiliee [400]Sa gꝛant fierte, voulut que fuſt lyee. Et garrottee / a la queue au deſtryer. Le plus mauuais et rude a meſtryer. Que on ſceuſt trouuer / Loꝛs nue en ſa chemiſe, Bꝛaz et cheueulx lyez / tout ainſi miſe. [405]Fut le bourreau par contraincte monte. Sur ce cheual farouche et mal dompte. Mais au picquer / quant ſentit a ſes trouſſes. Pendꝛe le fex / tant donna de ſecouſſes. Et tant rendit ce chetif coꝛps eſcoux. [410]De courſes / ſaultz gꝛandz / ruades et coupz. Que adiouſtant playe / a naureure nouuelle. Du chef rompu feyt voller la ceruelle. Et, trauerſant par buyſſons et ſentiers. Foꝛt eſpineux / nulz des membꝛes entiers. [415]Reſterent ſains / mais trainnee et tyꝛee. La malheureuſe / en tel poinct martyꝛee. Nerfz veynes / oz tous enſemble nombꝛez, Piteuſement luy furent deſmembꝛez.
§De brunechilde. 9r Sans y laiſſer ſur ſon coꝛps pel entiere. [420]§Eſt cueur viuant ſi dur / qui neuſt matiere. Ce piteux coꝛps deuoir foꝛt regꝛetter, En le voyant ſi durement traicter. Certes ie croy / selle fut ſi heureuſe. De pꝛendꝛe en gꝛe / ceſte moꝛt douloureuſe. [425]Pꝛiant mercy a dieu de tous meffaictz. Quen ſon viuant ſceut auoir iamais faictz. Cela deubt bien ſatiffaire en partie. Quant a la peine a ſa coulpe impartie. Et meſmement veu que on fonde actions [430]Sur ce / que feyt tant de fondacions. §Elle doua / de richeſſes moult amples. Pluſieurs beaulx lieux / monaſteres et temples. Et poſe oꝛ / que ayt de gꝛandz maulx commis. Par tant auoir de gentz a peyne mis. [435]Et que de moꝛt honteuſe ſoit oultree. Si ne doibt pas eſtre du tout fruſtree. De ſa louenge / A vray dire / ſes faictz. Dont les aulcuns poꝛterent bons effectz. Rendent pluſieurs perſonnes eſbahyes. [440]Comment fonda ſi belles abbayes.
§Excuſation de lacter. ſur les faictz de brunechilde.9v Entre aultres / deux / Dont lvne eſt pꝛes auſtun, Laultre a lyon / ce luy eſtoit tout vng. Et ne faiſoit difficulte aucune. Dy expoſer habondante pecune. [445]§Elle voulut a ſon ayde clamer. Le gloꝛieux ſainct martin et le amer. Pour luy, fonda egliſe en mainte terre. Tant en bourgongne, en france / que angleterre. Quoy que ſon cueur ſi fier, gꝛos et peruers. [450]Cauſaſt verſer pluſieurs faictz de trauers. Sans y trouuer pꝛopos ny apparence. Si eut touſiours les lieux en reuerence. Iadis fondez par les roys anciens. §On seſbahyt, comme aux iours et ans ſiens. [455]Sceut a legliſe eſlargir benefices De ſi gꝛos pꝛis / et baſtir ediffices Telz et ſi gꝛandz, tant des nouueaulx conſtruictz. Que aultres ſi bien reparer pꝛes deſtruictz. §Aucuns autheurs, perſonnes venerables. [460]En leurs eſcriptz luy furent fauoꝛables. Meſmes bocace / et gregoire de Tours. Oꝛ plaiſe a dieu / apꝛes mondains deſtours.
§Des vertuz du roy clotaire 10r De moꝛt receue et peyne tempoꝛelle. Luy donner vie en la gloire eternelle.
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§Ce sont les motz portantz royaulx esditz À Brunechilde, en lieu publique dictz, Dont à bon droict devra estre doubteuse [305]Aller de vie à mort dure et honteuse, Et ses jours veoir de plaisir interdictz.
§Chapitre ii.
Pour demonstrer grant caz de crime en elle, Feyt la dollente et pouvre criminelle.
§Remonstrance de Clotaire Venir vers luy et, sans aultre repoz, [310]Tint termes telz et semblables propoz : §Femme mauldicte entre les aultres femmes, Pleines d'orreurs et criminelz diffames, Comment sceut onq entrer dedans ton cueur Desloyaulté de si forte rigueur ? [315]Ta cruaulté d'oultrageuse et grosse yre A tant de roys et princes faict occire, Que on s'esbahyt comment la terre tient Ton chetif corps, et si longtemps retient, Que ja ne l'a transglouty aux abismes [320]Des infernaulx paluz, veu que les dismes De si grans maulx, ou feiz exerciter Ton cueur enflé, ne peult on reciter. §Ô cueur pervers de femme malheuree ! Femme enraigee et trop desmesuree, [325]N'as tu orreur d'avoir emprisonnez Tant de grans gentz, meurdriz, empoisonnez, Les ungs occiz par façons inhumaines, Aultres privez de leurs propres demaines ? Assez nous est apparu et appert [330]Que ton espoux, mon oncle Sygibert,
§À Brunechilde Feiz eslever par guerre envers mon pere, Dont receut mort. On scet le vitupere Que à Merovee aussi, mon frere, feyz, Quant l'espousas. On scet que desconfitz [335]Rendiz les ostz de plusieurs, par batailles D'estocz mortelz et criminelles tailles. Les cueurs felons rendiz si endurciz, De tes nepveuz, que l'ung en fut occiz. Car Theodorich, voullant l'oreille tendre, [340]À ton parler, luy donnas à entendre Que Theodebert devoit frere nÿer, Et qu'il estoit bastard d'ung jardinier. Et par cela soudain perdit la vie. §Toy, non encor de sa fin assouvye, [345]Tous ses trois filz menas à dure mort ! §Aygre fierté de despit, mon cueur mord Si asprement que à peine le puis dire. Ne deusses tu ta vie orde mauldire, Veuz tant de maulx commys et perpetrez ? [350]Ne furent lors tes sens de raige oultrez, Quant Theodorich, aprés te avoir traictee Comme sa dame et tante redoubtee,
§Brunechilde Empoysonnas, pource qu'il te reprist Que ainsi, par toy, le sien frere peryt ? [355]Et maintenant, encores non contente, Pour assouvir ta couvoiteuse entente, Icy as faict en bataille eslever Ses filz bastardz, affin de me grever ! §N'as tu horreur meslé avecques honte, [360]Quant de ta vie on maintient et raconte Si lourdz excez et terribles desroys, Qui en tes jours, as faict mourir dix roys, Et aultres tant, que tel meffaict laisse ample, Occasïon ? Que ton corps, à l'exemple [365]De tous vivans, doibt dure mort souffrir Si, par cent foiz, à ce pouoit se offrir ! Tu doibs mourir, meschante creature ! Droict escript veult, si faict loy de nature. Que qui de glaive aultruy fiert au mourir, [370]Par glaive aussi, doyve mort encourir. §Or pense donq, femme oultrageuse et fiere, Si c'est raison que à mort on navre et fiere Ton lasche cueur, par lequel as navrez Tant d'hommes grauds, et à la mort livrez,
§Jugee à mort [375]Voire à mort qu'elle : horrible et impourveue ! §Aprés ces motz, le roy tournant sa veue Vers les barons, principaulx gouverneurs, Gentz du conseil et aultres grandz seigneurs, Leur demanda qu'il estoit bon de faire, [380]Pour ceste femme à fin mettre et deffaire. §Lors, tindrent tous acte de tel excés Ne requerir figure de procés, Et que sa vie, à plusieurs ennuyeuse, Devoit finir par ignomynieuse, [385]Ville, honteuse, et pire mort des mors, À celle fin que le goust du remors Si angoisseux, donnast exemple à toutes, À l'advenir, devoir sur telles doubtes De ses forffaictz, avoir craincte et terreur, [390]Pour ne tumber en si meschante erreur. §Ceste parolle en l'heure proferee, Ne fut en rien l'attente differee. Mais promptement conclurent que en ung val Et fort tailliz, à course de cheval, [395]Seroit trainee en l'ombre des courtines, De fors hasliers et pongnantes espines,
§L'execution Disans devoir desmembrer tout ainsi, Celle qui n'eut de personne mercy. §Adonc le roy, pour rendre humiliee [400]Sa grant fierté, voulut que fust lyee Et garrottee à la queue au destryer Le plus mauvais et rude à mestryer Que on sceust trouver. Lors nue en sa chemise, Braz et cheveulx lyez, tout ainsi mise, [405]Fut le bourreau par contraincte monté Sur ce cheval farouche et mal dompté. Mais au picquer, quant sentit à ses trousses Pendre le fex, tant donna de secousses, Et tant rendit ce chetif corps escoux, [410]De courses, saultz grandz, ruades et coupz, Que adjoustant playe à navreure nouvelle, Du chef rompu feyt voller la cervelle. Et, traversant par buyssons et sentiers, Fort espineux, nulz des membres entiers [415]Resterent sains. Mais trainnee et tyree, La malheureuse, en tel poinct martyree, Nerfz veynes, oz tous ensemble nombrez, Piteusement luy furent desmembrez,
§De Brunechilde Sans y laisser sur son corps pel entiere. [420]§Est cueur vivant si dur, qui n'eust matiere Ce piteux corps devoir fort regretter, En le voyant si durement traicter ? Certes je croy, s'elle fut si heureuse De prendre en gré ceste mort douloureuse, [425]Prïant mercy à Dieu de tous meffaictz Qu'en son vivant sceut avoir jamais faictz, Cela deubt bien satiffaire en partie, Quant à la peine à sa coulpe impartie, Et mesmement veu que on fonde actïons [430]Sur ce que feyt tant de fondacïons. §Elle doua de richesses moult amples. Plusieurs beaulx lieux, monasteres et temples. Et posé or que ayt de grandz maulx commis, Par tant avoir de gentz à peyne mis, [435]Et que de mort honteuse soit oultree, Si ne doibt pas estre du tout frustree De sa louenge. À vray dire, ses faictz, Dont les aulcuns porterent bons effectz, Rendent plusieurs personnes esbahyes [440]Comment fonda si belles abbaÿes.
§Excusation de l'acteur sur les faictz de Brunechilde Entre aultres deux, dont l'une est près Austun, L'aultre à Lÿon, ce luy estoit tout ung. Et ne faisoit difficulté aucune, D'y exposer habondante pecune. [445]§Elle voulut à son ayde clamer Le glorïeux sainct Martin et le amer. Pour luy, fonda eglise en mainte terre, Tant en Bourgongne, en France, que Angleterre. Quoy que son cueur si fier, gros et pervers, [450]Causast verser plusieurs faictz de travers, Sans y trouver propos ny apparence, Si eut tousjours les lieux en reverence Jadis fondez par les roys ancïens. §On s'esbahyt, comme aux jours et ans siens, [455]Sceut à l'Eglise eslargir benefices De si gros pris, et bastir ediffices Telz et si grandz, tant des nouveaulx construictz Que aultres si bien reparer près destruictz. §Aucuns autheurs, personnes venerables, [460]En leurs escriptz luy furent favorables, Mesmes Bocace et Gregoire de Tours. Or plaise à Dieu, aprés mondains destours,
§Des vertuz du roy Clotaire De mort receue et peyne temporelle, Luy donner vie en la gloire eternelle.