Prologue en prose
















Ar
Pꝛologue ſvr le recueil ſommaire deſ cronicqueſ
francoyſeſ / commance en verſ meſvrez paʀ le /
commandement du treſ creſtien / treſ heureux / et
treſ victoꝛieux roy de
france
Francoyſ
pꝛemier
de ce nom.
Lan mil cinq cenſ et
quinze /
Et le
pꝛemier de ſon Regne჻
Av
Br
LE
philozophe nouſ enſeigne
que dieu et nature ne font
œuure fruſtratoire et ne pꝛo
duyſent choſe qui ne ſoit bonne
quant a
ſon eſtre. Le quel en
ſeignement neſt beſoing
de monſtrer par diſcourſ
particullier
/. pource que touſ bonſ entendemenſ
le peuent congnoiſtre par appꝛehenſion et conſi
deration deſ choſeſ terreſteſ.
Entre leſ quelleſ eſt
euident que lhomme obtient excellence ſvr touteſ
Car en donſ naturelz dont elleſ ſont doueeſ /
lhomme y
participe / comme de vie auecq leſ
planteſ et herbeſ /. de ſentement auecq leſ beſteſ
bꝛvtteſ /. Et oultre eſt garny
de deux ſingularitez
non communicqueeſ a autreſ creatureſ / Ceſt
aſſauoir . quant au coꝛpſ. le quel
(
comme dit
Ouide) en ſeſ methamoꝛphoſeſ
)
eſt foꝛme dꝛoit et
hault eſleue au ciel /. ce qui neſt eſ bꝛvtteſ /. Et
quant a lame / auecqueſ ce quelle a ſentement /
Le createur la aoꝛnee|de Raiſon en perfection telle
quelle fait
lhomme qui eſt pure creature appꝛo
cher et auoir ſimilitude a
ſon createur.
Ainſi que
eſcript Lactence firmian au ſecond chappitre de
ſon liure de la foꝛmation de lhomme. diſant.
Certeſ celluy noſtre ouurier et pere dieu a donne
Bv
a lhomme ſenſ et Raison.
Affin quil appareuſt
que nouſ ſommeſ de luy engendꝛez et creez /.
Car
il eſt lintelligence /
Il eſt ſenſ / et Raiſon.
§Par
quoy fault conclure
(dautant que raiſon habonde
pluſ en lhomme / et
quil ſeſlongne deſ conſideratiōſ
et plaiſirſ bꝛvtaulx). pluſ doibt eſtre extime
en
nature.
§A ceſte cauſe. bonne partie ont pꝛinſe
et pꝛenent ceulx qui
delaiſſanſ
ce qui eſt commun
auecq leſ beſteſ
par
ſvyure ſeullement leur deſir et
appetit ſenſitif / eſleuent leur eſperit et applicquent
leur coꝛpſ
a vertueux et memoꝛableſ faictz. Car
combien que beaulte / foꝛce de coꝛpſ / richeſſeſ / et
ſeigneurieſ / quon appelle donſ de nature et de foꝛtune
ſoyent en recommandationſ aſſez pour eſtre
deſireeſ
.
touteſfoiz ſont telleſ choſeſ freſleſ et de petite duree
§Maiſ vertu / apꝛeſ
quelle a fait lhomme du
rant ſa vie reluyꝛe en ce monde par loz et honneꝛ
elle perpetue ſa memoyꝛe /
ſi quil dure a touſiourſ
ou triumphe deternite.
§Celluy doncqueſ tant
ſeullement peult on dire eſtre reppute viure en
homme, qui en ceſte vie moꝛtelle ſe trauaille et
employe ſon tempſ a geſteſ vertueux / œuureſ
louableſ / et faictz digneſ de memoyꝛe. Et dauan
taige. dautant que entre leſ hommeſ aucunſ ſont
eſleuez en pꝛincipaultez et puiſſſanceſ / et que leurſ
Cr meurſ / conditionſ et maniereſ de viure sont veuz
regardez / et considerez tant de dieu que du mōde /
pluſ leur conuient auoir le cueur hault et
magnanime pour gloꝛieusement conduyꝛe leꝛ.
affaire. Pour ce dit Salomon au sixiesme liure
de ſapience . Le roy saige est pillier et ferme
soustenement de son peuple. Ce que de vouſ Sire
peult estre clerement congneu a touſ ceulx
qui de voz meurſ et faconſ ont congnoiſsance
Car oultre ce que nature par generation vouſ
a pꝛoduyt de treſ haultz / et treſ illustreſ pꝛince
et pꝛinceſse saigeſ vertueux et digneſ de renom
perpetuel/. et a foꝛme et oꝛganiſe ur̄e coꝛpſ de si
excellente pꝛopoꝛtion / que de telle perfection peu
en y a par le monde. Le createur par dispositiō
diuine a dedanſ ce coꝛpſ voulu mectre et colloc
quer esperit garny et treſ suffisammēt estoffe
de touteſ vertuz si quen vouſ voyant, lœil coꝛpoꝛel
deſ regardanſ en est delecte par appꝛehension
exterioꝛe voyant creature si bien foꝛmee. Et
encoꝛeſ pluſ se treuue lentendement recree, con
siderant leſ gꝛaceſ dont le dedanſ est aoꝛne /. et
certeſ ce qui a veue dœil se magnifeste donne
seur iugement de ce qui au cueur et volunte
gisent.
Maiſ pource que Tulleſ en son liure
Cv deſ officeſ dit que vray loz dhonneur consiste en
vertu et en faictz. Qve dironſ nouſ de voz haulteſ
empꝛiseſ / faictz couraigeux / et gesteſ memoꝛableſ
sinon quilz donnent vray tesmongnaige / et certain
iugement de voz excellenteſ vertuz /. Bien auez ſire
par œvureſ magnifesteſ fait apparoir deuant
touſ la haulteur de vostre noble couraige quāt
en fleur de ieuneſse auez si vaillammēt excerce
acteſ de discipline militaire. Et apꝛeſ que par
le vouloir de Celluy q◌ͥ de touteſ choseſ dispose voꝰ
est escheue par vraye succeſsion celle treſaulte
treſ riche / et treſ digne couronne de france /. et q̄
auez este receu roy pacificque sur la monarchie
deſ francoyſ / iacoit ce que pour garder le royaulme
et lentretenir euſsiez peu sanſ repꝛoche pꝛendꝛe
repoſ / et tout traueil tant de coꝛpſ que desperit euiter
neantmoinſ na sceu ou voulu la gꝛandeur de
vostre pꝛoueſse permectre se desister quelle ne se soit
monstree pꝛompte et deliberee de faire empꝛiseſ
aspꝛeſ / haulteſ / et difficilleſ /. Auſsi comme il est
escript au cinquiesme liure dethicqueſ /. Principaulte
monstre quel est lhomme / Pource que quant il est
hault esleue en honneur / puiſsance / et seigneurie
et quil a auctoꝛite de faire dire et disposer de
touteſ choseſ a sa volunte on congnoist loꝛſ quel
Dr il est et de quelle inclination.
§Au semblable,
la dignite royalle
et si ample seigneurie, par vouſ
receue en vostre floꝛiſsant aaige / ont
appertement
esclarcye
vostre vertueuse inclination et volunte /
en ce que apꝛeſ auoir myſ et donne
oꝛdꝛe
pour la
seurete du royaulme vostre noble cueur ne
ſest
endoꝛmy en delicieux plaisirſ ausquelz ieuneſse
est
naturellement encline /. maiſ par magnanimite
de couraige et pluſ que
virille auez chaſſe repoſ /
fouy toute oysiuete / delaiſſe plaisanceſ et embꝛaſſe
extreme traueil / Ainsi que fist Scipion
lAffricain
du quel parle
tvlleſ au commancement du tierſ
liure deſ officeſ. Et comme il est vray semblable /
entre voz penseeſ ſest offert lhonneur de
france
aucunement foule et remyſ en
la chaſse deſ /
francoyſ du
duche de
milan
/ que ennemyſ sanſ
tiltre vallable occupoient par vsurpation /.
La quelle auenture ne vouſ pouoit este impu
tee ou
tourner a honte / et nestiez tenu la reparer
actendu que par vouſ
nen auoit este loccasion
et si nestoit aduenue de vostre tempſ / Ce nean
tmoinſ vostre hault vouloir et
nobleſse de cueur
ne se sont peu contenir quilz nen ayent eu
dueil
et regꝛet, auecqueſ parfaicte et entiere deliberatiō
de recouurer tant lhonneur abatu que le payſ
Dv vsurpe. La quelle empꝛise na este vaine et sanſ
effect. Car deſ la pꝛemiere demye annee de vostre
regne quelque empeschement ou resistance que aiēt
peu faire aduersaireſ et ennemyſ / auecqueſ ur̄e
ost et armee auez paſſe montaigneſ / gꝛauy alpeſ
et trauerſe destroictz repputez cōme inacceſsibleſ
Et ce fait / entre en champ contre gentz belliqueux
crainſ et redoubtez par tout le monde. Et lesquelz
(au moyen de quelque pꝛospere foꝛtune pꝛecedente
estoient si enflez de gloire et pleinſ doꝛgueil / quilz
se vantoient donner victoire et la faire tourner
ou bon leur sembloit. Maiſ quelque extimation
quilz et autreſ euſsent / de leur foꝛce / vaillance et
conduyte. si a este par vostre pꝛoueſse et cheualereuse
pꝛvdence leur oꝛgueil abatu / et leur gloire abolie
quant en champ de bataille sur eulx auez obtenu
treſ triumphante et heureuse victoire / et icelle si
vaillamment suyuie. que entre voz mainſ ont
este reduytz leſ payſ de Gaule transalpine a vouſ
appartenanſ / qui au parauant estoient detenuz
par vsurpateurſ.
§Ceste gloꝛieuse victoire
ſire doibt estre gꝛandement extimee. et mesmemēt
par leſ francoyſ ioyeusement pꝛeconisee. non tant
seullement pour leſ ennemyſ vaincuz
et le payſ
gaigne
. maiſ en contemplation que cest le
Erpꝛemier acte marcial par vouſ execute. ou quel
auez merite et acquiſ loz de nom immoꝛtel / pour
estre dit a tousiourſ vray reparateur de lhōneur
francoyſ / en telle soꝛte que leffect de si excellent
triumphe tourne au gꝛand honneur de vostre
floꝛiſsant renom / a lvtilite de la chose publicque /
accroiſsement damour enuerſ voz subiectz / ren
foꝛcement daliance auecq voz amyſ et cōfederez /
impꝛeſsion de craincte aux ennemyſ et aduersaireſ
et bon exemple a touſ tant pꝛiuez que estrangeſ
§Icy peult on dire (ſire) que auez ensuyuy
Alexandꝛe
le gꝛand. le quel apꝛeſ le deceſ
de
Philippeſ
roy de
macedoyne, son pere commenca a regner
en
laaige de vingt anſ
.
et en ceste aaige
qui est
enuiron semblable au vostre. celluy Alexandꝛe
congnoiſsant que leſ esclauonſ nauoient peu
estre vaincuz par sondit pere / leſ aſsaillit si vertu
eusement quil en vint a
chef et leſ vainquit. En
telle maniere ſire par le vostre pꝛemier chief
dœvure en domptant
ceulx qui se disoyent inuīci
bleſ vouſ esteſ monstre vray imitateur deſ vaillāſ
pꝛeux qui iadiſ acquirent nom gloꝛieux et loz
de haulte
pꝛoueſse.
entre leſ quelz sainct charlemaigne
vostre anteceſseur roy
deſ francoyſ par
semblableſ
faictz reluyt en la memoire deſ hommeſ
/ et son
Ev esperit collocque la suſ au ciel en perpetuelle lumiere
§Valere dit que
honneur est le meilleur et le
pluſ
gꝛaſ
nourriſsement de vertu
. Et tvleſ en seſ
officeſ auſsi tient que peu de genſ se
trouueroient
voulanſ traueiller pour icelle vertu ſilz
nauoient
espoir den estre remunerez
de quelque loyer. Pour
ce
est bien chose conuenable que leſ nomſ deſ
haultz
entrepꝛeneurſ qui ont myſ et mectent a
execution
faictz si louableſ soyent remunerez
par honneur
et louenge de riche loz et durable renommee.
La
quelle chose ne se peult bonnement faire sinon
que par escriptureſ et
histoireſ se redigent leurſ
acteſ digneſ de recommandation
si que leſ viuāſ
apꝛeſ eulx
voyent
par ample description ce que
iceulx cheualereux gloꝛieusement ont
fait en
lexcercice deſ armeſ. Et combien que pluſ
gꝛand
merite ayent deſseruy ceulx qui telz faictz
tant
memoꝛableſ ont executez / neantmoinſ nest ce
chose a repꝛouuer (aincoyſ digne de louenge) faire
telleſ descriptionſ qui vallent et seruent de
repertoireſ
aux pꝛesenſ et a venir.
§A ceſ causeſ ont
anciennement
este foꝛt pꝛisez et auctoꝛisez
histoꝛio
gꝛapheſ, comme reputez non seulement
auoir
vescu pour eulx / maiſ auſsi pour leurſ succeſseurſ /
ausquelx ont laiſſe par escript ce que auoit este
Frfait, si que par leur labeur et industrie touſ tempſ /
touſ
tant feuſsent estrangeſ et loingtaineſ sont demou
reeſ comme pꝛesenteſ a lentendement de ceulx qui
de leurſ escriptz ont congnoiſsance par songneuse
lecture. Pour ce est histoire appellee lumiere de
vertu. Car comme lœil coꝛpoꝛel en lieu obscur et
tenebꝛeux na sa vertu sensitifue et ne iouyt de sa
puiſsance naturelle / qui est veoir et regarder / au
moyen de ce quil na clarte pour appꝛehender lobiect
a luy pꝛouchain. Avſsi sanſ leſ liureſ ou sont deſ
cripteſ par histoireſ leſ faictz et gesteſ deſ ancienſ
ceulx qui apꝛeſ viuent nen pourroient auoir
congnoiſsance et / consequemment lhonneur et
gloire meritez / deſseruiz et deuz a gentz de gꝛand
et vertueux cueur par lapſ de tempſ demoureroiēt
aboliz en loublieuse pꝛison de tenebꝛeſ.
§De ce
ſire) peult on auoir clere experience cōme
selon la diuersite deſ tempſ / deſ payſ / et nationſ
ſest trouue deffault ou
habondance de
histoꝛienſ
qui faictz ancienſ ayent enregistez. Entre autreſ,
leſ Grecz neurent gꝛand soing dauoir gentz
qui a
la verite feiſsent ample description
de leurſ faictz.
Bien eurent ilz aucteurſ de subtilz et inuentifz
espe
ritz qui pour leſ congꝛatuler par
escripture adulatifue
Fv
coucherent pluſ fictionſ que veritez.
§Leſ
rōmainſ
.
soubz lesquelz aduindꝛent plusieurſ faictz
moult
digneſ de memoire desiranſ leur regne
bꝛvyt / et
loz estre diuulguez et auoir longue duree
par le
monde uniuersel / eurent en speciale recommādatiō
experſ histoꝛienſ qui en langue latine au pluſ
pꝛeſ de la verite
redigerent en liureſ et volumeſ leurſ
gesteſ et faictz / dont aduint que leur seigneurie
sur toute nation fut
honnoꝛee / et gꝛandement en
accreut leur
empire.
§Non sanſ cause doncqueſ
ſire pꝛenez vouſ a cueur que histoireſ et
semblableſ
autreſ
œvureſ digneſ destre veueſ se refreschiſsent
et renouuellent. Car cest le moyen de faire fleurir
le renom dun pꝛince
/ et durer par longue memoire
Et combien que par
cy deuant leſ francoyſ ayent
eu aſsez peu de regard a rediger
par escript leurſ
gesteſ et recommandableſ faictz / tellement que a
la verite on peult dire que trop pluſ ont
faict que
dict ou escript / si treuue len aucuneſ cronicqueſ
tant en pꝛose latine que
francoyse
contenanteſ
plusieurſ haulteſ empꝛiseſ / excellenteſ pꝛoueſseſ
et victoireſ pleineſ de
triumpheſ faicteſ et obtenueſ
par leſ royſ et pꝛinceſ qui en
france ont regne et
domine.
Toutesuoyeſ,
nul est qui,
iusqueſ a
pꝛesent, se soit employe de iceulx faictz et gesteſ
Grfaire et composer œvure par langaige mesure /
Cest aſsauoir en verſ latinſ ou francoyſ / a tout le
moinſ qui soit venu a congnoiſsance / (combien
que aſsez y eust matiere d ensuyuir la sentence de
ſaluste / pour la description ( par vehemence de lan
gaige ) faire equipoler et reſsembler aux gꝛandz et
excellentz faictz recitez en icelleſ cronicqueſ Maiſ il
fault dire que ceste obmiſsion soit pꝛouenue non
par deffault de gentz desperit et eloquence suffisante
pour telle chose parfaire / Aincoyſ est a croyꝛe que
eulx congnoiſsanſ leſ personneſ destat / a la louenge
et delectation desquelz leur peine et labeur debuoit
tourner / auoir a despꝛiſ et contempnement leurſ
escriptz composez en stille eleguant et langaige
oꝛdonne que on appelle Ryme, Comme encoꝛeſ de
pꝛesent en y a gꝛand nombꝛe Repputanſ lart poeticq̄
et de rymer estre de petite et legiere extimation /. et
de telz personnaigeſ peult on dire quilz sont ennemyſ
de la science / et quen eulx est veriffie le pꝛouerbe
commun / que la science na ennemyſ foꝛſ leſ ignoꝛāſ
Maiſ ſilz auoient gouste la vraye moelle du ſcauoir
de poesie / et quilz en euſsent sauoure le goust si appe
tiſsant et doulx que Platon ou troysiesme liure de
seſ loix la reppute science diuine / ilz congnoistroiēt
leur ignoꝛance. Oꝛace en son liure quil a fait de
Gv lart poeticque soubz le quel ny a difficulte que
lart de rymer et composer en langaige mesure
en quelque langue que ce soit ny soit compꝛise
et contenue / autrement francoyſ petrarque qui
la pluſ part de seſ œvureſ a faiz en ryme ytalienne
neust obtenu nom de poethe. le quel entre leſ ytaliēſ
est foꝛt recommande et souuent allegue comme
poethe de gꝛant extime et auctoꝛite. §Aristote
auſsi au huytiesme liure de seſ politicqueſ en la fin
fait ung chapitre intitule deſ armonieſ / rymeſ /
et melodieſ / et entre autreſ sentenceſ tient que
telleſ rymeſ ont efficace et vertu pour entendꝛe
et retenir toute doctrine.
§Soubz ceſ considera
tionſ(ſire) non ayant la science odieuse maiſ
comme vray
amateur dicelle vouſ a pleu com
mander a
moy vostre treſ humble
et
treſ obeiſſāt
et le moindꝛe de voz seruiteurſ faire ung
recueil
sommaire deſ pꝛincipaulx et pluſ notableſ faictz
contenuz eſ
ancienneſ cronicqueſ de
france et
de ce en verſ heroicqueſ et mesurez
composer
liureſ contenanſ en bꝛief leſ gesteſ de touſ leſ
royſ
paſsez a commancer depuyſ Pharamon pꝛemier
roy deſ francoyſ iusqueſ au trespaſ du roy
Loyſ
douziesme dernier
decede. Et iasoit que bonneſ
raisonſ vouſ ayent meu a ce
desir mesmement
Hr pour tant de haultz et louableſ faictz et choseſ
digneſ de recommandation estre couchez et descriptz
en stille et langaige attrayant le vueil et ouyꝛ
deſ lisanſ et auditeurſ Neantmoinſ ceste charge
eust bien requiſ auoir este mise en la main de
trop pluſ suffisant personnaige que moy qui
desperit et ſcauoir me senſ foible et debile pour
non seullement entrepꝛendꝛe lœvure / maiſ sanſ
pluſ pour deuoir penser oser la plume pꝛendꝛe a y
commancer. A ceste cause / doubte de repꝛehension
et craincte dencourir notte doultraigeuse temerite
mont foꝛt esmeu de chercher moyenſ dexemption
affin que par descharge honneste men sceuſse
desister et excuser. Maiſ la clemence / bonte /
doulceur / et humanite de vostre dignite royalle
a la quelle homme de bon et entier vouloir ne
peult ou doibt sanſ repꝛise estre desobeyſsant. Et
la gentille veine et viuacite de vostre noble esperit
en plusieurſ et semblableſ caſ pourueuz dample
experience mont pꝛesente espoir et confidence
par lesquelz me suyſ trouue vaincu / si que la
charge ay acceptee non en temeraire pꝛesumptiō
ainſ par treſhumble obeiſsance qui / selon leſ
saincteſ escriptureſ doibt estre pꝛeferee a sacrifice
En la quelle charge ay deslibere nespergner
Hv peine traueil / ou labeur de coꝛpſ ou dentendement /
et lœvure tel que mon petit ſcauoir pourra cōstruyꝛe
et bastir lay desdie et desdie a vostre digne et sacree
maieste / comme a celle qui pluſ modereement
et gꝛacieusement ſcaura excuser / couurir et suppoꝛter
meſ faulteſ et imperfectionſ /. Le quel œvure (dieu
aydant) se diuisera en douze liureſ / dont le pꝛemier
a vouſ pꝛesentement offert / commencant audit
Pharamon pꝛend fin a Clotaire filz du roy Clouyſ
pꝛemier roy crestien. A chascun deſ autreſ liureſ
subsequenſ y aura quelque petit pꝛologue desi
nant ce que le liure contiendꝛa. par quoy oꝛeſ
nen faiſ autre diuision.
§Vouſ plaise doncq
ſire lœvure benignement recepuoir, ayant
pluſ
esgard a la volunte de lescripuant
que en la
puiſ
sance
du ſcauoir, et
du
vostre treſhumble Cretin
auoir memoire
et souuenance.
⁖ Mieulx que pis ჻
Prologue sur le recueil sommaire des cronicques françoyses commancé en vers mesurez par le commandement du trés crestien, trés heureux et trés victorieux roy de France FrançoysFrançois Ier (12/09/1494 — 31/03/1547) Roi de France (1515-1547)
premier de ce nom, l'an mil cinq cens et quinze, et le premier de son regne.+om. [BnFfr4967, BnFfr5299] Le Philozophe1 nous enseigne que DieuDieu Concept de Dieu dans le christianisme et nature ne font œuvre frustratoire2 et ne produysent chose qui ne soit bonne quant à son estre. Lequel enseignement n'est besoing de monstrer par discours particullier+om. [BnFfr4967], pource que tous bons entendemens le peuent congnoistre par apprehension et consideration des choses terrestes3. Entre lesquelles est evident que l'homme obtient excellence sur toutes, car en dons naturelz dont elles sont douees, l'homme y +
Roi des Lombards (14/07/774-01/02/814)
Empereur d'Occident (29/12/800-01/02/814)
Duc de Bavière (?-?)
, vostre antecesseur roy des Françoys, par semblables faictz, reluyt en la memoire des hommes et son esperit collocqué la sus au ciel en perpetuelle +om. [BnFfr23145]lumiere13. § ValereValère, Maxime (Ier siècle avant J.C. — Ier siècle) Historien romain dit que « honneur est le meilleur et le plus gras+grant [BnFfr4967] nourrissement de vertu14 » . Et TulesCicéron (03/01/106 av J.C. — 07/12/43 av J.C.) Orateur, homme politique et philosophe romain en ses Offices aussi tient que peu de gens se trouveroient voulans traveiller pour icelle vertu s'ilz n'avoient espoir d'en estre remunerez de quelque loyer15. Pour ce, est bien chose convenable que les noms des haultz entrepreneurs qui ont mys et mectent à execution faictz si louables soyent remunerez+om. [BnFfr23145] par honneur et louenge de riche loz et durable renommee. Laquelle chose ne se peult bonnement faire sinon que par escriptures et histoires se redigent leurs actes dignes de recommandation, si que les vivans aprés eulx voyent+om. [BnFfr23145, BnFfr4967, BnFfr5299] par ample description ce que iceulx chevalereux glorieusement ont fait en l'excercice des armes. Et combien que plus grand merite ayent desservy ceulx qui telz faictz tant+om. [BnFfr4967, BnFfr5299] memorables ont executez, neantmoins n'est ce chose à reprouver, ainçoys digne de louenge, faire telles descriptions qui vallent et servent de repertoires aux presens et à venir. §À ces causes ont anciennement esté fort prisez et auctorisez +
, premier roy des Françoys, jusques au trespas du roy LoysLouis XII (27/06/1462 — 01/01/1515) Roi de France (1498-1515)
douziesme dernier decedé. Et jasoit que bonnes raisons vous ayent meu à ce desir, mesmement pour tant de haultz et louables faictz et choses dignes de recommandation, estre couchez et descriptz en stille et langaige attrayant le vueil et ouyr des lisans et auditeurs, neantmoins ceste charge eust bien requis avoir esté mise en la main de trop plus suffisant personnaige que moy, qui d'esperit et sçavoir me sens foible et debile pour non seullement entreprendre l'œuvre, mais sans plus pour+om. [BnFfr4967] devoir penser oser la plume prendre à y commancer. À ceste cause, doubte de reprehension et craincte d'encourir notte d'oultraigeuse temerité m'ont fort esmeu de chercher moyens d'exemption, affin que par descharge honneste m'en sceusse desister et excuser. Mais la clemence, bonté, doulceur et humanité de vostre dignité royalle, à laquelle homme de bon et entier vouloir ne peult ou doibt sans reprise estre desobeyssant, et la gentille veine et vivacité de vostre noble esperit en plusieurs et semblables cas pourveuz d'ample experience m'ont presenté espoir et confidence par lesquelz me suys trouvé vaincu, si que la charge ay acceptee non en temeraire presumption, ains par trés humble obeissance, qui selon les sainctes escriptures doibt estre preferee à+en [BnFfr4967] sacrifice21. En laquelle charge ay desliberé n'espergner peine, traveil +
prend fin à ClotaireClotaire Ier (circa 498 — entre 29/11/561 et 31/12/561) Roi des Francs (558-561)
Roi des Francs de Soissons (511-558)
Roi des Francs d'Orléans (524-558)
Roi des Francs d'Austrasie (555-558)
, filz du roy ClovysClovis Ier (466 — 29/11/511) Roi des Francs (481-511)
, premier roy crestien. À chascun des autres livres subsequens y aura quelque petit prologue desinant+designant [BnFfr23145] ce que le livre contiendra. Par quoy ores n'en fais autre division. §Vous plaise doncq, Sire, l'œuvre benignement recepvoir, ayant plus esgard à la volunté de l'escripvant que en la puissance+foiblesse [BnFfr23145, BnFfr5299]+ayant la foiblesse [BnFfr4967] du sçavoir, et du+de [BnFfr23145] vostre trés humble CretinCretin, Guillaume (circa 1460 — 30/11/1525) Poète et historiographe français avoir memoire et souvenance.
Mieulx que pis +om. [BnFfr4967, BnFfr5299]
Note n°1
Note n°2
Note n°3
Note n°4
Note n°5
Note n°6
Note n°7
Note n°8
Note n°9
Note n°10
Note n°11
Note n°12
Note n°13
Note n°14
Note n°15
Note n°16
Note n°17
Note n°18
Note n°19
Note n°20
Note n°21
















Ar
Pꝛologue ſvr le recueil ſommaire deſ cronicqueſ
francoyſeſ / commance en verſ meſvrez paʀ le /
commandement du treſ creſtien / treſ heureux / et
treſ victoꝛieux roy de
france
Francoyſ
pꝛemier
de ce nom.
Lan mil cinq cenſ et
quinze /
Et le
pꝛemier de ſon Regne჻
Av
Br
LE
philozophe nouſ enſeigne
que dieu et nature ne font
œuure fruſtratoire et ne pꝛo
duyſent choſe qui ne ſoit bonne
quant a
ſon eſtre. Le quel en
ſeignement neſt beſoing
de monſtrer par diſcourſ
particullier
/. pource que touſ bonſ entendemenſ
le peuent congnoiſtre par appꝛehenſion et conſi
deration deſ choſeſ terreſteſ.
Entre leſ quelleſ eſt
euident que lhomme obtient excellence ſvr touteſ
Car en donſ naturelz dont elleſ ſont doueeſ /
lhomme y
participe / comme de vie auecq leſ
planteſ et herbeſ /. de ſentement auecq leſ beſteſ
bꝛvtteſ /. Et oultre eſt garny
de deux ſingularitez
non communicqueeſ a autreſ creatureſ / Ceſt
aſſauoir . quant au coꝛpſ. le quel
(
comme dit
Ouide) en ſeſ methamoꝛphoſeſ
)
eſt foꝛme dꝛoit et
hault eſleue au ciel /. ce qui neſt eſ bꝛvtteſ /. Et
quant a lame / auecqueſ ce quelle a ſentement /
Le createur la aoꝛnee|de Raiſon en perfection telle
quelle fait
lhomme qui eſt pure creature appꝛo
cher et auoir ſimilitude a
ſon createur.
Ainſi que
eſcript Lactence firmian au ſecond chappitre de
ſon liure de la foꝛmation de lhomme. diſant.
Certeſ celluy noſtre ouurier et pere dieu a donne
Bv
a lhomme ſenſ et Raison.
Affin quil appareuſt
que nouſ ſommeſ de luy engendꝛez et creez /.
Car
il eſt lintelligence /
Il eſt ſenſ / et Raiſon.
§Par
quoy fault conclure
(dautant que raiſon habonde
pluſ en lhomme / et
quil ſeſlongne deſ conſideratiōſ
et plaiſirſ bꝛvtaulx). pluſ doibt eſtre extime
en
nature.
§A ceſte cauſe. bonne partie ont pꝛinſe
et pꝛenent ceulx qui
delaiſſanſ
ce qui eſt commun
auecq leſ beſteſ
par
ſvyure ſeullement leur deſir et
appetit ſenſitif / eſleuent leur eſperit et applicquent
leur coꝛpſ
a vertueux et memoꝛableſ faictz. Car
combien que beaulte / foꝛce de coꝛpſ / richeſſeſ / et
ſeigneurieſ / quon appelle donſ de nature et de foꝛtune
ſoyent en recommandationſ aſſez pour eſtre
deſireeſ
.
touteſfoiz ſont telleſ choſeſ freſleſ et de petite duree
§Maiſ vertu / apꝛeſ
quelle a fait lhomme du
rant ſa vie reluyꝛe en ce monde par loz et honneꝛ
elle perpetue ſa memoyꝛe /
ſi quil dure a touſiourſ
ou triumphe deternite.
§Celluy doncqueſ tant
ſeullement peult on dire eſtre reppute viure en
homme, qui en ceſte vie moꝛtelle ſe trauaille et
employe ſon tempſ a geſteſ vertueux / œuureſ
louableſ / et faictz digneſ de memoyꝛe. Et dauan
taige. dautant que entre leſ hommeſ aucunſ ſont
eſleuez en pꝛincipaultez et puiſſſanceſ / et que leurſ
Cr meurſ / conditionſ et maniereſ de viure sont veuz
regardez / et considerez tant de dieu que du mōde /
pluſ leur conuient auoir le cueur hault et
magnanime pour gloꝛieusement conduyꝛe leꝛ.
affaire. Pour ce dit Salomon au sixiesme liure
de ſapience . Le roy saige est pillier et ferme
soustenement de son peuple. Ce que de vouſ Sire
peult estre clerement congneu a touſ ceulx
qui de voz meurſ et faconſ ont congnoiſsance
Car oultre ce que nature par generation vouſ
a pꝛoduyt de treſ haultz / et treſ illustreſ pꝛince
et pꝛinceſse saigeſ vertueux et digneſ de renom
perpetuel/. et a foꝛme et oꝛganiſe ur̄e coꝛpſ de si
excellente pꝛopoꝛtion / que de telle perfection peu
en y a par le monde. Le createur par dispositiō
diuine a dedanſ ce coꝛpſ voulu mectre et colloc
quer esperit garny et treſ suffisammēt estoffe
de touteſ vertuz si quen vouſ voyant, lœil coꝛpoꝛel
deſ regardanſ en est delecte par appꝛehension
exterioꝛe voyant creature si bien foꝛmee. Et
encoꝛeſ pluſ se treuue lentendement recree, con
siderant leſ gꝛaceſ dont le dedanſ est aoꝛne /. et
certeſ ce qui a veue dœil se magnifeste donne
seur iugement de ce qui au cueur et volunte
gisent.
Maiſ pource que Tulleſ en son liure
Cv deſ officeſ dit que vray loz dhonneur consiste en
vertu et en faictz. Qve dironſ nouſ de voz haulteſ
empꝛiseſ / faictz couraigeux / et gesteſ memoꝛableſ
sinon quilz donnent vray tesmongnaige / et certain
iugement de voz excellenteſ vertuz /. Bien auez ſire
par œvureſ magnifesteſ fait apparoir deuant
touſ la haulteur de vostre noble couraige quāt
en fleur de ieuneſse auez si vaillammēt excerce
acteſ de discipline militaire. Et apꝛeſ que par
le vouloir de Celluy q◌ͥ de touteſ choseſ dispose voꝰ
est escheue par vraye succeſsion celle treſaulte
treſ riche / et treſ digne couronne de france /. et q̄
auez este receu roy pacificque sur la monarchie
deſ francoyſ / iacoit ce que pour garder le royaulme
et lentretenir euſsiez peu sanſ repꝛoche pꝛendꝛe
repoſ / et tout traueil tant de coꝛpſ que desperit euiter
neantmoinſ na sceu ou voulu la gꝛandeur de
vostre pꝛoueſse permectre se desister quelle ne se soit
monstree pꝛompte et deliberee de faire empꝛiseſ
aspꝛeſ / haulteſ / et difficilleſ /. Auſsi comme il est
escript au cinquiesme liure dethicqueſ /. Principaulte
monstre quel est lhomme / Pource que quant il est
hault esleue en honneur / puiſsance / et seigneurie
et quil a auctoꝛite de faire dire et disposer de
touteſ choseſ a sa volunte on congnoist loꝛſ quel
Dr il est et de quelle inclination.
§Au semblable,
la dignite royalle
et si ample seigneurie, par vouſ
receue en vostre floꝛiſsant aaige / ont
appertement
esclarcye
vostre vertueuse inclination et volunte /
en ce que apꝛeſ auoir myſ et donne
oꝛdꝛe
pour la
seurete du royaulme vostre noble cueur ne
ſest
endoꝛmy en delicieux plaisirſ ausquelz ieuneſse
est
naturellement encline /. maiſ par magnanimite
de couraige et pluſ que
virille auez chaſſe repoſ /
fouy toute oysiuete / delaiſſe plaisanceſ et embꝛaſſe
extreme traueil / Ainsi que fist Scipion
lAffricain
du quel parle
tvlleſ au commancement du tierſ
liure deſ officeſ. Et comme il est vray semblable /
entre voz penseeſ ſest offert lhonneur de
france
aucunement foule et remyſ en
la chaſse deſ /
francoyſ du
duche de
milan
/ que ennemyſ sanſ
tiltre vallable occupoient par vsurpation /.
La quelle auenture ne vouſ pouoit este impu
tee ou
tourner a honte / et nestiez tenu la reparer
actendu que par vouſ
nen auoit este loccasion
et si nestoit aduenue de vostre tempſ / Ce nean
tmoinſ vostre hault vouloir et
nobleſse de cueur
ne se sont peu contenir quilz nen ayent eu
dueil
et regꝛet, auecqueſ parfaicte et entiere deliberatiō
de recouurer tant lhonneur abatu que le payſ
Dv vsurpe. La quelle empꝛise na este vaine et sanſ
effect. Car deſ la pꝛemiere demye annee de vostre
regne quelque empeschement ou resistance que aiēt
peu faire aduersaireſ et ennemyſ / auecqueſ ur̄e
ost et armee auez paſſe montaigneſ / gꝛauy alpeſ
et trauerſe destroictz repputez cōme inacceſsibleſ
Et ce fait / entre en champ contre gentz belliqueux
crainſ et redoubtez par tout le monde. Et lesquelz
(au moyen de quelque pꝛospere foꝛtune pꝛecedente
estoient si enflez de gloire et pleinſ doꝛgueil / quilz
se vantoient donner victoire et la faire tourner
ou bon leur sembloit. Maiſ quelque extimation
quilz et autreſ euſsent / de leur foꝛce / vaillance et
conduyte. si a este par vostre pꝛoueſse et cheualereuse
pꝛvdence leur oꝛgueil abatu / et leur gloire abolie
quant en champ de bataille sur eulx auez obtenu
treſ triumphante et heureuse victoire / et icelle si
vaillamment suyuie. que entre voz mainſ ont
este reduytz leſ payſ de Gaule transalpine a vouſ
appartenanſ / qui au parauant estoient detenuz
par vsurpateurſ.
§Ceste gloꝛieuse victoire
ſire doibt estre gꝛandement extimee. et mesmemēt
par leſ francoyſ ioyeusement pꝛeconisee. non tant
seullement pour leſ ennemyſ vaincuz
et le payſ
gaigne
. maiſ en contemplation que cest le
Erpꝛemier acte marcial par vouſ execute. ou quel
auez merite et acquiſ loz de nom immoꝛtel / pour
estre dit a tousiourſ vray reparateur de lhōneur
francoyſ / en telle soꝛte que leffect de si excellent
triumphe tourne au gꝛand honneur de vostre
floꝛiſsant renom / a lvtilite de la chose publicque /
accroiſsement damour enuerſ voz subiectz / ren
foꝛcement daliance auecq voz amyſ et cōfederez /
impꝛeſsion de craincte aux ennemyſ et aduersaireſ
et bon exemple a touſ tant pꝛiuez que estrangeſ
§Icy peult on dire (ſire) que auez ensuyuy
Alexandꝛe
le gꝛand. le quel apꝛeſ le deceſ
de
Philippeſ
roy de
macedoyne, son pere commenca a regner
en
laaige de vingt anſ
.
et en ceste aaige
qui est
enuiron semblable au vostre. celluy Alexandꝛe
congnoiſsant que leſ esclauonſ nauoient peu
estre vaincuz par sondit pere / leſ aſsaillit si vertu
eusement quil en vint a
chef et leſ vainquit. En
telle maniere ſire par le vostre pꝛemier chief
dœvure en domptant
ceulx qui se disoyent inuīci
bleſ vouſ esteſ monstre vray imitateur deſ vaillāſ
pꝛeux qui iadiſ acquirent nom gloꝛieux et loz
de haulte
pꝛoueſse.
entre leſ quelz sainct charlemaigne
vostre anteceſseur roy
deſ francoyſ par
semblableſ
faictz reluyt en la memoire deſ hommeſ
/ et son
Ev esperit collocque la suſ au ciel en perpetuelle lumiere
§Valere dit que
honneur est le meilleur et le
pluſ
gꝛaſ
nourriſsement de vertu
. Et tvleſ en seſ
officeſ auſsi tient que peu de genſ se
trouueroient
voulanſ traueiller pour icelle vertu ſilz
nauoient
espoir den estre remunerez
de quelque loyer. Pour
ce
est bien chose conuenable que leſ nomſ deſ
haultz
entrepꝛeneurſ qui ont myſ et mectent a
execution
faictz si louableſ soyent remunerez
par honneur
et louenge de riche loz et durable renommee.
La
quelle chose ne se peult bonnement faire sinon
que par escriptureſ et
histoireſ se redigent leurſ
acteſ digneſ de recommandation
si que leſ viuāſ
apꝛeſ eulx
voyent
par ample description ce que
iceulx cheualereux gloꝛieusement ont
fait en
lexcercice deſ armeſ. Et combien que pluſ
gꝛand
merite ayent deſseruy ceulx qui telz faictz
tant
memoꝛableſ ont executez / neantmoinſ nest ce
chose a repꝛouuer (aincoyſ digne de louenge) faire
telleſ descriptionſ qui vallent et seruent de
repertoireſ
aux pꝛesenſ et a venir.
§A ceſ causeſ ont
anciennement
este foꝛt pꝛisez et auctoꝛisez
histoꝛio
gꝛapheſ, comme reputez non seulement
auoir
vescu pour eulx / maiſ auſsi pour leurſ succeſseurſ /
ausquelx ont laiſſe par escript ce que auoit este
Frfait, si que par leur labeur et industrie touſ tempſ /
touſ
tant feuſsent estrangeſ et loingtaineſ sont demou
reeſ comme pꝛesenteſ a lentendement de ceulx qui
de leurſ escriptz ont congnoiſsance par songneuse
lecture. Pour ce est histoire appellee lumiere de
vertu. Car comme lœil coꝛpoꝛel en lieu obscur et
tenebꝛeux na sa vertu sensitifue et ne iouyt de sa
puiſsance naturelle / qui est veoir et regarder / au
moyen de ce quil na clarte pour appꝛehender lobiect
a luy pꝛouchain. Avſsi sanſ leſ liureſ ou sont deſ
cripteſ par histoireſ leſ faictz et gesteſ deſ ancienſ
ceulx qui apꝛeſ viuent nen pourroient auoir
congnoiſsance et / consequemment lhonneur et
gloire meritez / deſseruiz et deuz a gentz de gꝛand
et vertueux cueur par lapſ de tempſ demoureroiēt
aboliz en loublieuse pꝛison de tenebꝛeſ.
§De ce
ſire) peult on auoir clere experience cōme
selon la diuersite deſ tempſ / deſ payſ / et nationſ
ſest trouue deffault ou
habondance de
histoꝛienſ
qui faictz ancienſ ayent enregistez. Entre autreſ,
leſ Grecz neurent gꝛand soing dauoir gentz
qui a
la verite feiſsent ample description
de leurſ faictz.
Bien eurent ilz aucteurſ de subtilz et inuentifz
espe
ritz qui pour leſ congꝛatuler par
escripture adulatifue
Fv
coucherent pluſ fictionſ que veritez.
§Leſ
rōmainſ
.
soubz lesquelz aduindꝛent plusieurſ faictz
moult
digneſ de memoire desiranſ leur regne
bꝛvyt / et
loz estre diuulguez et auoir longue duree
par le
monde uniuersel / eurent en speciale recommādatiō
experſ histoꝛienſ qui en langue latine au pluſ
pꝛeſ de la verite
redigerent en liureſ et volumeſ leurſ
gesteſ et faictz / dont aduint que leur seigneurie
sur toute nation fut
honnoꝛee / et gꝛandement en
accreut leur
empire.
§Non sanſ cause doncqueſ
ſire pꝛenez vouſ a cueur que histoireſ et
semblableſ
autreſ
œvureſ digneſ destre veueſ se refreschiſsent
et renouuellent. Car cest le moyen de faire fleurir
le renom dun pꝛince
/ et durer par longue memoire
Et combien que par
cy deuant leſ francoyſ ayent
eu aſsez peu de regard a rediger
par escript leurſ
gesteſ et recommandableſ faictz / tellement que a
la verite on peult dire que trop pluſ ont
faict que
dict ou escript / si treuue len aucuneſ cronicqueſ
tant en pꝛose latine que
francoyse
contenanteſ
plusieurſ haulteſ empꝛiseſ / excellenteſ pꝛoueſseſ
et victoireſ pleineſ de
triumpheſ faicteſ et obtenueſ
par leſ royſ et pꝛinceſ qui en
france ont regne et
domine.
Toutesuoyeſ,
nul est qui,
iusqueſ a
pꝛesent, se soit employe de iceulx faictz et gesteſ
Grfaire et composer œvure par langaige mesure /
Cest aſsauoir en verſ latinſ ou francoyſ / a tout le
moinſ qui soit venu a congnoiſsance / (combien
que aſsez y eust matiere d ensuyuir la sentence de
ſaluste / pour la description ( par vehemence de lan
gaige ) faire equipoler et reſsembler aux gꝛandz et
excellentz faictz recitez en icelleſ cronicqueſ Maiſ il
fault dire que ceste obmiſsion soit pꝛouenue non
par deffault de gentz desperit et eloquence suffisante
pour telle chose parfaire / Aincoyſ est a croyꝛe que
eulx congnoiſsanſ leſ personneſ destat / a la louenge
et delectation desquelz leur peine et labeur debuoit
tourner / auoir a despꝛiſ et contempnement leurſ
escriptz composez en stille eleguant et langaige
oꝛdonne que on appelle Ryme, Comme encoꝛeſ de
pꝛesent en y a gꝛand nombꝛe Repputanſ lart poeticq̄
et de rymer estre de petite et legiere extimation /. et
de telz personnaigeſ peult on dire quilz sont ennemyſ
de la science / et quen eulx est veriffie le pꝛouerbe
commun / que la science na ennemyſ foꝛſ leſ ignoꝛāſ
Maiſ ſilz auoient gouste la vraye moelle du ſcauoir
de poesie / et quilz en euſsent sauoure le goust si appe
tiſsant et doulx que Platon ou troysiesme liure de
seſ loix la reppute science diuine / ilz congnoistroiēt
leur ignoꝛance. Oꝛace en son liure quil a fait de
Gv lart poeticque soubz le quel ny a difficulte que
lart de rymer et composer en langaige mesure
en quelque langue que ce soit ny soit compꝛise
et contenue / autrement francoyſ petrarque qui
la pluſ part de seſ œvureſ a faiz en ryme ytalienne
neust obtenu nom de poethe. le quel entre leſ ytaliēſ
est foꝛt recommande et souuent allegue comme
poethe de gꝛant extime et auctoꝛite. §Aristote
auſsi au huytiesme liure de seſ politicqueſ en la fin
fait ung chapitre intitule deſ armonieſ / rymeſ /
et melodieſ / et entre autreſ sentenceſ tient que
telleſ rymeſ ont efficace et vertu pour entendꝛe
et retenir toute doctrine.
§Soubz ceſ considera
tionſ(ſire) non ayant la science odieuse maiſ
comme vray
amateur dicelle vouſ a pleu com
mander a
moy vostre treſ humble
et
treſ obeiſſāt
et le moindꝛe de voz seruiteurſ faire ung
recueil
sommaire deſ pꝛincipaulx et pluſ notableſ faictz
contenuz eſ
ancienneſ cronicqueſ de
france et
de ce en verſ heroicqueſ et mesurez
composer
liureſ contenanſ en bꝛief leſ gesteſ de touſ leſ
royſ
paſsez a commancer depuyſ Pharamon pꝛemier
roy deſ francoyſ iusqueſ au trespaſ du roy
Loyſ
douziesme dernier
decede. Et iasoit que bonneſ
raisonſ vouſ ayent meu a ce
desir mesmement
Hr pour tant de haultz et louableſ faictz et choseſ
digneſ de recommandation estre couchez et descriptz
en stille et langaige attrayant le vueil et ouyꝛ
deſ lisanſ et auditeurſ Neantmoinſ ceste charge
eust bien requiſ auoir este mise en la main de
trop pluſ suffisant personnaige que moy qui
desperit et ſcauoir me senſ foible et debile pour
non seullement entrepꝛendꝛe lœvure / maiſ sanſ
pluſ pour deuoir penser oser la plume pꝛendꝛe a y
commancer. A ceste cause / doubte de repꝛehension
et craincte dencourir notte doultraigeuse temerite
mont foꝛt esmeu de chercher moyenſ dexemption
affin que par descharge honneste men sceuſse
desister et excuser. Maiſ la clemence / bonte /
doulceur / et humanite de vostre dignite royalle
a la quelle homme de bon et entier vouloir ne
peult ou doibt sanſ repꝛise estre desobeyſsant. Et
la gentille veine et viuacite de vostre noble esperit
en plusieurſ et semblableſ caſ pourueuz dample
experience mont pꝛesente espoir et confidence
par lesquelz me suyſ trouue vaincu / si que la
charge ay acceptee non en temeraire pꝛesumptiō
ainſ par treſhumble obeiſsance qui / selon leſ
saincteſ escriptureſ doibt estre pꝛeferee a sacrifice
En la quelle charge ay deslibere nespergner
Hv peine traueil / ou labeur de coꝛpſ ou dentendement /
et lœvure tel que mon petit ſcauoir pourra cōstruyꝛe
et bastir lay desdie et desdie a vostre digne et sacree
maieste / comme a celle qui pluſ modereement
et gꝛacieusement ſcaura excuser / couurir et suppoꝛter
meſ faulteſ et imperfectionſ /. Le quel œvure (dieu
aydant) se diuisera en douze liureſ / dont le pꝛemier
a vouſ pꝛesentement offert / commencant audit
Pharamon pꝛend fin a Clotaire filz du roy Clouyſ
pꝛemier roy crestien. A chascun deſ autreſ liureſ
subsequenſ y aura quelque petit pꝛologue desi
nant ce que le liure contiendꝛa. par quoy oꝛeſ
nen faiſ autre diuision.
§Vouſ plaise doncq
ſire lœvure benignement recepuoir, ayant
pluſ
esgard a la volunte de lescripuant
que en la
puiſ
sance
du ſcauoir, et
du
vostre treſhumble Cretin
auoir memoire
et souuenance.
⁖ Mieulx que pis ჻
Prologue sur le recueil sommaire des cronicques françoyses commancé en vers mesurez par le commandement du trés crestien, trés heureux et trés victorieux roy de France FrançoysFrançois Ier (12/09/1494 — 31/03/1547) Roi de France (1515-1547)
premier de ce nom, l'an mil cinq cens et quinze, et le premier de son regne.+om. [BnFfr4967, BnFfr5299] Le Philozophe1 nous enseigne que DieuDieu Concept de Dieu dans le christianisme et nature ne font œuvre frustratoire2 et ne produysent chose qui ne soit bonne quant à son estre. Lequel enseignement n'est besoing de monstrer par discours particullier+om. [BnFfr4967], pource que tous bons entendemens le peuent congnoistre par apprehension et consideration des choses terrestes3. Entre lesquelles est evident que l'homme obtient excellence sur toutes, car en dons naturelz dont elles sont douees, l'homme y +
Roi des Lombards (14/07/774-01/02/814)
Empereur d'Occident (29/12/800-01/02/814)
Duc de Bavière (?-?)
, vostre antecesseur roy des Françoys, par semblables faictz, reluyt en la memoire des hommes et son esperit collocqué la sus au ciel en perpetuelle +om. [BnFfr23145]lumiere13. § ValereValère, Maxime (Ier siècle avant J.C. — Ier siècle) Historien romain dit que « honneur est le meilleur et le plus gras+grant [BnFfr4967] nourrissement de vertu14 » . Et TulesCicéron (03/01/106 av J.C. — 07/12/43 av J.C.) Orateur, homme politique et philosophe romain en ses Offices aussi tient que peu de gens se trouveroient voulans traveiller pour icelle vertu s'ilz n'avoient espoir d'en estre remunerez de quelque loyer15. Pour ce, est bien chose convenable que les noms des haultz entrepreneurs qui ont mys et mectent à execution faictz si louables soyent remunerez+om. [BnFfr23145] par honneur et louenge de riche loz et durable renommee. Laquelle chose ne se peult bonnement faire sinon que par escriptures et histoires se redigent leurs actes dignes de recommandation, si que les vivans aprés eulx voyent+om. [BnFfr23145, BnFfr4967, BnFfr5299] par ample description ce que iceulx chevalereux glorieusement ont fait en l'excercice des armes. Et combien que plus grand merite ayent desservy ceulx qui telz faictz tant+om. [BnFfr4967, BnFfr5299] memorables ont executez, neantmoins n'est ce chose à reprouver, ainçoys digne de louenge, faire telles descriptions qui vallent et servent de repertoires aux presens et à venir. §À ces causes ont anciennement esté fort prisez et auctorisez +
, premier roy des Françoys, jusques au trespas du roy LoysLouis XII (27/06/1462 — 01/01/1515) Roi de France (1498-1515)
douziesme dernier decedé. Et jasoit que bonnes raisons vous ayent meu à ce desir, mesmement pour tant de haultz et louables faictz et choses dignes de recommandation, estre couchez et descriptz en stille et langaige attrayant le vueil et ouyr des lisans et auditeurs, neantmoins ceste charge eust bien requis avoir esté mise en la main de trop plus suffisant personnaige que moy, qui d'esperit et sçavoir me sens foible et debile pour non seullement entreprendre l'œuvre, mais sans plus pour+om. [BnFfr4967] devoir penser oser la plume prendre à y commancer. À ceste cause, doubte de reprehension et craincte d'encourir notte d'oultraigeuse temerité m'ont fort esmeu de chercher moyens d'exemption, affin que par descharge honneste m'en sceusse desister et excuser. Mais la clemence, bonté, doulceur et humanité de vostre dignité royalle, à laquelle homme de bon et entier vouloir ne peult ou doibt sans reprise estre desobeyssant, et la gentille veine et vivacité de vostre noble esperit en plusieurs et semblables cas pourveuz d'ample experience m'ont presenté espoir et confidence par lesquelz me suys trouvé vaincu, si que la charge ay acceptee non en temeraire presumption, ains par trés humble obeissance, qui selon les sainctes escriptures doibt estre preferee à+en [BnFfr4967] sacrifice21. En laquelle charge ay desliberé n'espergner peine, traveil +
prend fin à ClotaireClotaire Ier (circa 498 — entre 29/11/561 et 31/12/561) Roi des Francs (558-561)
Roi des Francs de Soissons (511-558)
Roi des Francs d'Orléans (524-558)
Roi des Francs d'Austrasie (555-558)
, filz du roy ClovysClovis Ier (466 — 29/11/511) Roi des Francs (481-511)
, premier roy crestien. À chascun des autres livres subsequens y aura quelque petit prologue desinant+designant [BnFfr23145] ce que le livre contiendra. Par quoy ores n'en fais autre division. §Vous plaise doncq, Sire, l'œuvre benignement recepvoir, ayant plus esgard à la volunté de l'escripvant que en la puissance+foiblesse [BnFfr23145, BnFfr5299]+ayant la foiblesse [BnFfr4967] du sçavoir, et du+de [BnFfr23145] vostre trés humble CretinCretin, Guillaume (circa 1460 — 30/11/1525) Poète et historiographe français avoir memoire et souvenance.
Mieulx que pis +om. [BnFfr4967, BnFfr5299]