Prologue en prose
















Ar
Pꝛologue ſvr le recueil ſommaire des cronicques
francoyſes / commance en vers meſvrez paʀ le /
commandement du tres creſtien / tres heureux / et
tres victoꝛieux roy de france
Francoys
pꝛemier
de ce nom.
Lan mil cinq cens et
quinze /
Et le
pꝛemier de ſon Regne჻
Av
Br
LE
philozophe nous enſeigne
que dieu et nature ne font
œuure fruſtratoire et ne pꝛo
duyſent choſe qui ne ſoit bonne
quant a
ſon eſtre. Le quel en
ſeignement neſt beſoing
de monſtrer par diſcours
particullier
/. pource que tous bons entendemens
le peuent congnoiſtre par appꝛehenſion et conſi
deration des choſes terreſtes.
Entre les quelles eſt
euident que lhomme obtient excellence ſvr toutes
Car en dons naturelz dont elles ſont douees /
lhomme y
participe / comme de vie auecq les
plantes et herbes /. de ſentement auecq les beſtes
bꝛvttes /. Et oultre eſt garny
de deux ſingularitez
non communicquees a autres creatures / Ceſt
aſſauoir . quant au coꝛps. le quel
(
comme dit
Ouide) en ſes methamoꝛphoſes
)
eſt foꝛme dꝛoit et
hault eſleue au ciel /. ce qui neſt es bꝛvttes /. Et
quant a lame / auecques ce quelle a ſentement /
Le createur la aoꝛnee|de Raiſon en perfection telle
quelle fait
lhomme qui eſt pure creature appꝛo
cher et auoir ſimilitude a
ſon createur.
Ainſi que
eſcript Lactence firmian au ſecond chappitre de
ſon liure de la foꝛmation de lhomme. diſant.
Certes celluy noſtre ouurier et pere dieu a donne
Bv
a lhomme ſens et Raiſon.
Affin quil appareuſt
que nous ſommes de luy engendꝛez et creez /.
Car
il eſt lintelligence /
Il eſt ſens / et Raiſon.
§Par
quoy fault conclure
(dautant que raiſon habonde
plus en lhomme / et
quil ſeſlongne des conſideratiōs
et plaiſirs bꝛvtaulx). plus doibt eſtre extime
en
nature.
§A ceſte cauſe. bonne partie ont pꝛinſe
et pꝛenent ceulx qui
delaiſſans
ce qui eſt commun
auecq les beſtes
par
ſvyure ſeullement leur deſir et
appetit ſenſitif / eſleuent leur eſperit et applicquent
leur coꝛps
a vertueux et memoꝛables faictz. Car
combien que beaulte / foꝛce de coꝛps / richeſſes / et
ſeigneuries / quon appelle dons de nature et de foꝛtune
ſoyent en recommandations aſſez pour eſtre
deſirees
.
touteſfoiz ſont telles choſes freſles et de petite duree
§Mais vertu / apꝛes
quelle a fait lhomme du
rant ſa vie reluyꝛe en ce monde par loz et honneꝛ
elle perpetue ſa memoyꝛe /
ſi quil dure a touſiours
ou triumphe deternite.
§Celluy doncques tant
ſeullement peult on dire eſtre reppute viure en
homme, qui en ceſte vie moꝛtelle ſe trauaille et
employe ſon temps a geſtes vertueux / œuures
louables / et faictz dignes de memoyꝛe. Et dauan
taige. dautant que entre les hommes aucuns ſont
eſleuez en pꝛincipaultez et puiſsſances / et que leurs
Cr meurs / conditions et manieres de viure ſont veuz
regardez / et conſiderez tant de dieu que du mōde /
plus leur conuient auoir le cueur hault et
magnanime pour gloꝛieuſement conduyꝛe leꝛ.
affaire. Pour ce dit Salomon au ſixieſme liure
de ſapience . Le roy ſaige eſt pillier et ferme
ſouſtenement de ſon peuple. Ce que de vous Sire
peult eſtre clerement congneu a tous ceulx
qui de voz meurs et facons ont congnoiſſance
Car oultre ce que nature par generation vous
a pꝛoduyt de tres haultz / et tres illuſtres pꝛince
et pꝛinceſſe ſaiges vertueux et dignes de renom
perpetuel/. et a foꝛme et oꝛganiſe ur̄e coꝛps de ſi
excellente pꝛopoꝛtion / que de telle perfection peu
en y a par le monde. Le createur par diſpoſitiō
diuine a dedans ce coꝛps voulu mectre et colloc
quer eſperit garny et tres ſuffiſammēt eſtoffe
de toutes vertuz ſi quen vous voyant, lœil coꝛpoꝛel
des regardans en eſt delecte par appꝛehenſion
exterioꝛe voyant creature ſi bien foꝛmee. Et
encoꝛes plus ſe treuue lentendement recree, con
ſiderant les gꝛaces dont le dedans eſt aoꝛne /. et
certes ce qui a veue dœil ſe magnifeſte donne
ſeur iugement de ce qui au cueur et volunte
giſent.
Mais pource que Tulles en ſon liure
Cv des offices dit que vray loz dhonneur conſiſte en
vertu et en faictz. Qve dirons nous de voz haultes
empꝛiſes / faictz couraigeux / et geſtes memoꝛables
ſinon quilz donnent vray teſmongnaige / et certain
iugement de voz excellentes vertuz /. Bien auez ſire
par œuures magnifeſtes fait apparoir deuant
tous la haulteur de voſtre noble couraige quāt
en fleur de ieuneſſe auez ſi vaillammēt excerce
actes de diſcipline militaire. Et apꝛes que par
le vouloir de Celluy q◌ͥ de toutes choſes diſpoſe voꝰ
eſt eſcheue par vraye ſucceſſion celle treſaulte
tres riche / et tres digne couronne de france /. et q̄
auez eſte receu roy pacificque ſur la monarchie
des francoys / iacoit ce que pour garder le royaulme
et lentretenir euſſiez peu ſans repꝛoche pꝛendꝛe
repos / et tout traueil tant de coꝛps que deſperit euiter
neantmoins na ſceu ou voulu la gꝛandeur de
voſtre pꝛoueſſe permectre ſe deſiſter quelle ne ſe ſoit
monſtree pꝛompte et deliberee de faire empꝛiſes
aſpꝛes / haultes / et difficilles /. Auſſi comme il eſt
eſcript au cinquieſme liure dethicques /. Principaulte
monſtre quel eſt lhomme / Pource que quant il eſt
hault eſleue en honneur / puiſſance / et ſeigneurie
et quil a auctoꝛite de faire dire et diſpoſer de
toutes choſes a ſa volunte on congnoiſt loꝛs quel
Dr il eſt et de quelle inclination.
§Au ſemblable,
la dignite royalle
et ſi ample ſeigneurie, par vous
receue en voſtre floꝛiſſant aaige / ont appertement
eſclarcye voſtre vertueuſe inclination et volunte /
en ce que apꝛes auoir mys et donne
oꝛdꝛe
pour la
ſeurete du royaulme voſtre noble cueur ne
ſeſt
endoꝛmy en delicieux plaiſirs auſquelz ieuneſſe
eſt
naturellement encline /. mais par magnanimite
de couraige et plus que
virille auez chaſſe repos /
fouy toute oyſiuete / delaiſſe plaiſances et embꝛaſſe
extreme traueil / Ainſi que fiſt Scipion
lAffricain
du quel parle
tvlles au commancement du tiers
liure des offices. Et comme il eſt vray ſemblable /
entre voz penſees ſeſt offert lhonneur de france
aucunement foule et remys en
la chaſſe des /
francoys du duche de milan / que ennemys ſans
tiltre vallable occupoient par vſurpation /.
La quelle auenture ne vous pouoit eſte impu
tee ou
tourner a honte / et neſtiez tenu la reparer
actendu que par vous
nen auoit eſte loccaſion
et ſi neſtoit aduenue de voſtre temps / Ce nean
tmoins voſtre hault vouloir et
nobleſſe de cueur
ne ſe ſont peu contenir quilz nen ayent eu
dueil
et regꝛet, auecques parfaicte et entiere deliberatiō
de recouurer tant lhonneur abatu que le pays
Dv vſurpe. La quelle empꝛiſe na eſte vaine et ſans
effect. Car des la pꝛemiere demye annee de voſtre
regne quelque empeſchement ou reſiſtance que aiēt
peu faire aduerſaires et ennemys / auecques ur̄e
oſt et armee auez paſſe montaignes / gꝛauy alpes
et trauerſe deſtroictz repputez cōme inacceſſibles
Et ce fait / entre en champ contre gentz belliqueux
crains et redoubtez par tout le monde. Et leſquelz
(au moyen de quelque pꝛoſpere foꝛtune pꝛecedente
eſtoient ſi enflez de gloire et pleins doꝛgueil / quilz
ſe vantoient donner victoire et la faire tourner
ou bon leur ſembloit. Mais quelque extimation
quilz et autres euſſent / de leur foꝛce / vaillance et
conduyte. ſi a eſte par voſtre pꝛoueſſe et cheualereuſe
pꝛudence leur oꝛgueil abatu / et leur gloire abolie
quant en champ de bataille ſur eulx auez obtenu
tres triumphante et heureuſe victoire / et icelle ſi
vaillamment ſuyuie. que entre voz mains ont
eſte reduytz les pays de Gaule tranſalpine a vous
appartenans / qui au parauant eſtoient detenuz
par vſurpateurs.
§Ceſte gloꝛieuſe victoire
ſire doibt eſtre gꝛandement extimee. et meſmemēt
par les francoys ioyeuſement pꝛeconiſee. non tant
ſeullement pour les ennemys vaincuz
et le pays
gaigne
. mais en contemplation que ceſt le
Erpꝛemier acte marcial par vous execute. ou quel
auez merite et acquis loz de nom immoꝛtel / pour
eſtre dit a touſiours vray reparateur de lhōneur
francoys / en telle ſoꝛte que leffect de ſi excellent
triumphe tourne au gꝛand honneur de voſtre
floꝛiſſant renom / a lvtilite de la choſe publicque /
accroiſſement damour enuers voz ſubiectz / ren
foꝛcement daliance auecq voz amys et cōfederez /
impꝛeſſion de craincte aux ennemys et aduerſaires
et bon exemple a tous tant pꝛiuez que eſtranges
§Icy peult on dire (ſire) que auez enſuyuy
Alexandꝛe
le gꝛand. le quel apꝛes le deces
de
Philippes
roy de macedoyne, ſon pere commenca a regner
en
laaige de vingt ans
.
et en ceſte aaige
qui eſt
enuiron ſemblable au voſtre. celluy Alexandꝛe
congnoiſſant que les eſclauons nauoient peu
eſtre vaincuz par ſondit pere / les aſſaillit ſi vertu
euſement quil en vint a
chef et les vainquit. En
telle maniere ſire par le voſtre pꝛemier chief
dœuure en domptant
ceulx qui ſe diſoyent inuīci
bles vous eſtes monſtre vray imitateur des vaillās
pꝛeux qui iadis acquirent nom gloꝛieux et loz
de haulte
pꝛoueſſe.
entre les quelz ſainct charlemaigne
voſtre anteceſſeur roy
des francoys par
ſemblables
faictz reluyt en la memoire des hommes
/ et ſon
Ev eſperit collocque la ſus au ciel en perpetuelle lumiere
§Valere dit que
honneur eſt le meilleur et le
plus
gꝛas
nourriſſement de vertu
. Et tvles en ſes
offices auſſi tient que peu de gens ſe
trouueroient
voulans traueiller pour icelle vertu ſilz
nauoient
eſpoir den eſtre remunerez
de quelque loyer. Pour
ce
eſt bien choſe conuenable que les noms des
haultz
entrepꝛeneurs qui ont mys et mectent a
execution
faictz ſi louables ſoyent remunerez
par honneur
et louenge de riche loz et durable renommee.
La
quelle choſe ne ſe peult bonnement faire ſinon
que par eſcriptures et
hiſtoires ſe redigent leurs
actes dignes de recommandation
ſi que les viuās
apꝛes eulx
voyent
par ample deſcription ce que
iceulx cheualereux gloꝛieuſement ont
fait en
lexcercice des armes. Et combien que plus
gꝛand
merite ayent deſſeruy ceulx qui telz faictz
tant
memoꝛables ont executez / neantmoins neſt ce
choſe a repꝛouuer (aincoys digne de louenge) faire
telles deſcriptions qui vallent et ſeruent de
repertoires
aux pꝛeſens et a venir.
§A ces cauſes ont
anciennement
eſte foꝛt pꝛiſez et auctoꝛiſez
hiſtoꝛio
gꝛaphes, comme reputez non ſeulement
auoir
veſcu pour eulx / mais auſſi pour leurs ſucceſſeurs /
auſquelx ont laiſſe par eſcript ce que auoit eſte
Frfait, ſi que par leur labeur et induſtrie tous temps /
tous
tant feuſſent eſtranges et loingtaines ſont demou
rees comme pꝛeſentes a lentendement de ceulx qui
de leurs eſcriptz ont congnoiſſance par ſongneuſe
lecture. Pour ce eſt hiſtoire appellee lumiere de
vertu. Car comme lœil coꝛpoꝛel en lieu obſcur et
tenebꝛeux na ſa vertu ſenſitifue et ne iouyt de ſa
puiſſance naturelle / qui eſt veoir et regarder / au
moyen de ce quil na clarte pour appꝛehender lobiect
a luy pꝛouchain. Avſſi ſans les liures ou ſont deſ
criptes par hiſtoires les faictz et geſtes des anciens
ceulx qui apꝛes viuent nen pourroient auoir
congnoiſſance et / conſequemment lhonneur et
gloire meritez / deſſeruiz et deuz a gentz de gꝛand
et vertueux cueur par laps de temps demoureroiēt
aboliz en loublieuſe pꝛiſon de tenebꝛes.
§De ce
ſire) peult on auoir clere experience cōme
ſelon la diuerſite des temps / des pays / et nations
ſeſt trouue deffault ou
habondance de
hiſtoꝛiens
qui faictz anciens ayent enregiſtez. Entre autres,
les Grecz neurent gꝛand ſoing dauoir gentz
qui a
la verite feiſſent ample deſcription
de leurs faictz.
Bien eurent ilz aucteurs de ſubtilz et inuentifz
eſpe
ritz qui pour les congꝛatuler par
eſcripture adulatifue
Fv
coucherent plus fictions que veritez.
§Les
rōmains
.
ſoubz leſquelz aduindꝛent pluſieurs faictz
moult
dignes de memoire deſirans leur regne
bꝛuyt / et
loz eſtre diuulguez et auoir longue duree
par le
monde uniuerſel / eurent en ſpeciale recommādatiō
expers hiſtoꝛiens qui en langue latine au plus
pꝛes de la verite
redigerent en liures et volumes leurs
geſtes et faictz / dont aduint que leur ſeigneurie
ſur toute nation fut
honnoꝛee / et gꝛandement en
accreut leur
empire.
§Non ſans cauſe doncques
ſire pꝛenez vous a cueur que hiſtoires et
ſemblables
autres
œuures dignes deſtre veues ſe refreſchiſſent
et renouuellent. Car ceſt le moyen de faire fleurir
le renom dun pꝛince
/ et durer par longue memoire
Et combien que par
cy deuant les francoys ayent
eu aſſez peu de regard a rediger
par eſcript leurs
geſtes et recommandables faictz / tellement que a
la verite on peult dire que trop plus ont
faict que
dict ou eſcript / ſi treuue len aucunes cronicques
tant en pꝛoſe latine que
francoyſe
contenantes
pluſieurs haultes empꝛiſes / excellentes pꝛoueſſes
et victoires pleines de
triumphes faictes et obtenues
par les roys et pꝛinces qui en france ont regne et
domine.
Touteſuoyes,
nul eſt qui,
iuſques a
pꝛeſent, ſe ſoit employe de iceulx faictz et geſtes
Grfaire et compoſer œuure par langaige meſure /
Ceſt aſſauoir en vers latins ou francoys / a tout le
moins qui ſoit venu a congnoiſſance / (combien
que aſſez y euſt matiere d enſuyuir la ſentence de
ſaluſte / pour la deſcription ( par vehemence de lan
gaige ) faire equipoler et reſſembler aux gꝛandz et
excellentz faictz recitez en icelles cronicques Mais il
fault dire que ceſte obmiſſion ſoit pꝛouenue non
par deffault de gentz deſperit et eloquence ſuffiſante
pour telle choſe parfaire / Aincoys eſt a croyꝛe que
eulx congnoiſſans les perſonnes deſtat / a la louenge
et delectation deſquelz leur peine et labeur debuoit
tourner / auoir a deſpꝛis et contempnement leurs
eſcriptz compoſez en ſtille eleguant et langaige
oꝛdonne que on appelle Ryme, Comme encoꝛes de
pꝛeſent en y a gꝛand nombꝛe Repputans lart poeticq̄
et de rymer eſtre de petite et legiere extimation /. et
de telz perſonnaiges peult on dire quilz ſont ennemys
de la ſcience / et quen eulx eſt veriffie le pꝛouerbe
commun / que la ſcience na ennemys foꝛs les ignoꝛās
Mais ſilz auoient gouſte la vraye moelle du ſcauoir
de poeſie / et quilz en euſſent ſauoure le gouſt ſi appe
tiſſant et doulx que Platon ou troyſieſme liure de
ſes loix la reppute ſcience diuine / ilz congnoiſtroiēt
leur ignoꝛance. Oꝛace en ſon liure quil a fait de
Gv lart poeticque ſoubz le quel ny a difficulte que
lart de rymer et compoſer en langaige meſure
en quelque langue que ce ſoit ny ſoit compꝛiſe
et contenue / autrement francoys petrarque qui
la plus part de ſes œuures a faiz en ryme ytalienne
neuſt obtenu nom de poethe. le quel entre les ytaliēs
eſt foꝛt recommande et ſouuent allegue comme
poethe de gꝛant extime et auctoꝛite. §Ariſtote
auſſi au huytieſme liure de ſes politicques en la fin
fait ung chapitre intitule des armonies / rymes /
et melodies / et entre autres ſentences tient que
telles rymes ont efficace et vertu pour entendꝛe
et retenir toute doctrine.
§Soubz ces conſidera
tions(ſire) non ayant la ſcience odieuſe mais
comme vray
amateur dicelle vous a pleu com
mander a
moy voſtre tres humble
et
tres obeiſsāt
et le moindꝛe de voz ſeruiteurs faire ung
recueil
ſommaire des pꝛincipaulx et plus notables faictz
contenuz es
anciennes cronicques de france et
de ce en vers heroicques et meſurez
compoſer
liures contenans en bꝛief les geſtes de tous les
roys
paſſez a commancer depuys Pharamon pꝛemier
roy des francoys iuſques au treſpas du roy
Loys
douzieſme dernier
decede. Et iaſoit que bonnes
raiſons vous ayent meu a ce
deſir meſmement
Hr pour tant de haultz et louables faictz et choſes
dignes de recommandation eſtre couchez et deſcriptz
en ſtille et langaige attrayant le vueil et ouyꝛ
des liſans et auditeurs Neantmoins ceſte charge
euſt bien requis auoir eſte miſe en la main de
trop plus ſuffiſant perſonnaige que moy qui
deſperit et ſcauoir me ſens foible et debile pour
non ſeullement entrepꝛendꝛe lœuure / mais ſans
plus pour deuoir penſer oſer la plume pꝛendꝛe a y
commancer. A ceſte cauſe / doubte de repꝛehenſion
et craincte dencourir notte doultraigeuſe temerite
mont foꝛt eſmeu de chercher moyens dexemption
affin que par deſcharge honneſte men ſceuſſe
deſiſter et excuſer. Mais la clemence / bonte /
doulceur / et humanite de voſtre dignite royalle
a la quelle homme de bon et entier vouloir ne
peult ou doibt ſans repꝛiſe eſtre deſobeyſſant. Et
la gentille veine et viuacite de voſtre noble eſperit
en pluſieurs et ſemblables cas pourueuz dample
experience mont pꝛeſente eſpoir et confidence
par leſquelz me ſuys trouue vaincu / ſi que la
charge ay acceptee non en temeraire pꝛeſumptiō
ains par treſhumble obeiſſance qui / ſelon les
ſainctes eſcriptures doibt eſtre pꝛeferee a ſacrifice
En la quelle charge ay deſlibere neſpergner
Hv peine traueil / ou labeur de coꝛps ou dentendement /
et lœuure tel que mon petit ſcauoir pourra cōſtruyꝛe
et baſtir lay deſdie et deſdie a voſtre digne et ſacree
maieſte / comme a celle qui plus modereement
et gꝛacieuſement ſcaura excuſer / couurir et ſuppoꝛter
mes faultes et imperfections /. Le quel œuure (dieu
aydant) ſe diuiſera en douze liures / dont le pꝛemier
a vous pꝛeſentement offert / commencant audit
Pharamon pꝛend fin a Clotaire filz du roy Clouys
pꝛemier roy creſtien. A chaſcun des autres liures
ſubſequens y aura quelque petit pꝛologue deſi
nant ce que le liure contiendꝛa. par quoy oꝛes
nen fais autre diuiſion.
§Vous plaiſe doncq
ſire lœuure benignement recepuoir, ayant
plus
eſgard a la volunte de leſcripuant
que en la
puis
ſance
du ſcauoir, et
du
voſtre treſhumble Cretin
auoir memoire
et ſouuenance.
⁖ Mieulx que pis ჻
Prologue sur le recueil sommaire des cronicques françoyses commancé en vers mesuréz par le
commandement du trés crestien, trés heureux et trés victorieux roy de France
FrançoysFrançois Ier (12/09/1494 — 31/03/1547) Roi de France (1515-1547)
premier
de ce nom,
l’an mil cinq cens et
quinze,
et le premier de son regne.+
Le
Philozophe1 nous enseigne que DieuDieu Concept de Dieu dans le christianisme et nature ne font œuvre frustratoire2 et ne produysent chose qui ne soit bonne quant à
son estre. Lequel enseignement n’est besoing de monstrer par discours particullier+praticque [BnFfr23145]
à l’homme sens et raison,
affin qu’il appareust que nous sommes de luy engendréz et creéz,
car il est l’intelligence,
il est sens et raison5.+
§Par quoy fault conclure
d’autant que raison habonde plus en l’homme et
qu’il s’eslongne des considerations
et plaisirs brutaulx6, plus doibt estre extimé
+
§À ceste cause bonne partie ont prinse et prenent ceulx qui,
delaissans+
§Mais vertu, aprés +
§Celluy doncques tant seullement peult on dire estre repputé vivre en homme, qui en ceste vie mortelle se travaille et employe son temps à gestes vertueux, œuvres louables et faictz dignes de memoyre. Et davantaige, d’autant que entre les hommes aucuns sont eslevéz en principaultéz et puisssances et que leurs
meurs, conditions et manieres de vivre sont veuz, regardéz et consideréz tant de DieuDieu Concept de Dieu dans le christianisme que du monde, plus leur convient avoir le cueur hault et magnanime pour glorieusement conduyre leur affaire. Pour ce dit SalomonSalomon Personnage biblique, prophète et roi d'Israël au sixiesme livre de Sapience : « Le roy saige est pillier et ferme soustenement de son peuple7 ». Ce que de vous, Sire, peult estre clerement congneu à tous ceulx qui de voz meurs et façons ont congnoissance. Car oultre ce que nature par generation vous a produyt de trés haultz et trés illustres prince et princesse saiges, vertueux et dignes de renom perpetuel, et a formé et organisé vostre corps +
Mais pource que TullesCicéron (03/01/106 av J.C. — 07/12/43 av J.C.) Orateur, homme politique et philosophe romain en son livre
Des offices dit que vray loz d’honneur consiste en vertu et en faictz, que dirons nous de voz haultes emprises, faictz couraigeux et gestes memorables, sinon qu’ilz donnent vray tesmongnaige et certain jugement de voz excellentes vertuz8 ? Bien avez, Sire, par œuvres magnifestes, fait apparoir devant tous la haulteur de vostre noble couraige quant, en fleur de jeunesse, avez si vaillamment excercé actes de discipline militaire. Et aprés que, par le vouloir de Celluy qui de toutes choses dispose, vous est escheue par vraye succession, celle trés haulte, +
il est et de quelle inclination9.
§Au semblable, la dignité royalle
et si ample seigneurie, par vous receue en vostre florissant aaige, ont appertement esclarcye vostre vertueuse inclination et volunté, en ce que, aprés avoir mys et donné ordre+
usurpé. Laquelle emprise n’a esté vaine et sans effect. Car dès la premiere demye annee de vostre regne, quelque empeschement ou +
§Ceste glorieuse victoire, Sire, doibt estre grandement extimee, et mesmement par les Françoys joyeusement preconisee12, non tant seullement pour les ennemys vaincuz et le pays gaigné+
premier acte marcial par vous executé, ouquel avez merité et acquis loz de nom+
§Icy peult on dire, Sire, que avez ensuyvy Alexandre
le GrandAlexandre le Grand (20/07/356 av J.C. — 10/06/323 av J.C.) Roi de Macédoine, lequel aprés le decés de+
Roi des Lombards (14/07/774-01/02/814)
Empereur d'Occident (29/12/800-01/02/814)
Duc de Bavière (?-?)
, vostre antecesseur roy
des Françoys, par
semblables faictz, reluyt en la memoire des hommes et son
esperit collocqué la sus au ciel en perpetuelle +
§ValereValère, Maxime (Ier siècle avant J.C. — Ier siècle) Historien romain dit que
« honneur est le meilleur et le plus gras+
§À ces causes ont anciennement
esté fort priséz et auctoriséz +et [BnFfr23145]
fait, si que par leur labeur et industrie, tous temps, tous+
§De ce,
Sire, peult on avoir clere experience comme selon la diversité des temps, des pays et nations s’est trouvé deffault ou
habondance de historiens+
coucherent plus fictions que veritéz.
§Les
Rommains
, soubz lesquelz advindrent plusieurs faictz moult+
§Non sans cause doncques, Sire, prenez vous à cueur que histoires et semblables autres+
faire et composer œuvre par langaige mesuré, c’est assavoir en vers latins ou françoys, à tout le moins qui soit venu à congnoissance17, combien que assez y eust matiere d’ensuyvir+
L’Art poéticque, soubz lequel +
§Soubz ces considerations, Sire, non ayant la science odieuse, mais comme vray
amateur d’icelle, vous a pleu commander à
moy, vostre trés humble et+
, premier roy des Françoys, jusques au trespas du roy
LoysLouis XII (27/06/1462 — 01/01/1515) Roi de France (1498-1515)
douziesme dernier
decedé. Et jasoit que bonnes raisons vous ayent meu à ce
desir, mesmement
pour tant de haultz et louables faictz et choses dignes de recommandation, estre couchéz et descriptz en stille et langaige attrayant le vueil et ouyr des lisans et auditeurs, neantmoins ceste charge eust bien requis avoir esté mise en la main de trop plus suffisant personnaige que moy, qui d’esperit et sçavoir me sens foible et debile pour non seullement entreprendre l’œuvre, mais sans plus pour+
peine, traveil +
prend fin à ClotaireClotaire Ier (circa 498 — entre 29/11/561 et 31/12/561) Roi des Francs (558-561)
Roi des Francs de Soissons (511-558)
Roi des Francs d'Orléans (524-558)
Roi des Francs d'Austrasie (555-558)
, filz du roy ClovysClovis Ier (466 — 29/11/511) Roi des Francs (481-511)
, premier roy crestien. À chascun des autres livres subsequens y aura quelque petit prologue desinant+
§Vous plaise doncq, Sire, l’œuvre benignement recepvoir, ayant
plus esgard à la volunté de l’escripvant que en la puissance+
Mieulx que pis
+
Note n°1
Note n°2
Note n°3
Note n°4
Note n°5
Note n°6
Note n°7
Note n°8
Note n°9
Note n°10
Note n°11
Note n°12
Note n°13
Note n°14
Note n°15
Note n°16
Note n°17
Note n°18
Note n°19
Note n°20
Note n°21
















Ar
Pꝛologue ſvr le recueil ſommaire des cronicques
francoyſes / commance en vers meſvrez paʀ le /
commandement du tres creſtien / tres heureux / et
tres victoꝛieux roy de france
Francoys
pꝛemier
de ce nom.
Lan mil cinq cens et
quinze /
Et le
pꝛemier de ſon Regne჻
Av
Br
LE
philozophe nous enſeigne
que dieu et nature ne font
œuure fruſtratoire et ne pꝛo
duyſent choſe qui ne ſoit bonne
quant a
ſon eſtre. Le quel en
ſeignement neſt beſoing
de monſtrer par diſcours
particullier
/. pource que tous bons entendemens
le peuent congnoiſtre par appꝛehenſion et conſi
deration des choſes terreſtes.
Entre les quelles eſt
euident que lhomme obtient excellence ſvr toutes
Car en dons naturelz dont elles ſont douees /
lhomme y
participe / comme de vie auecq les
plantes et herbes /. de ſentement auecq les beſtes
bꝛvttes /. Et oultre eſt garny
de deux ſingularitez
non communicquees a autres creatures / Ceſt
aſſauoir . quant au coꝛps. le quel
(
comme dit
Ouide) en ſes methamoꝛphoſes
)
eſt foꝛme dꝛoit et
hault eſleue au ciel /. ce qui neſt es bꝛvttes /. Et
quant a lame / auecques ce quelle a ſentement /
Le createur la aoꝛnee|de Raiſon en perfection telle
quelle fait
lhomme qui eſt pure creature appꝛo
cher et auoir ſimilitude a
ſon createur.
Ainſi que
eſcript Lactence firmian au ſecond chappitre de
ſon liure de la foꝛmation de lhomme. diſant.
Certes celluy noſtre ouurier et pere dieu a donne
Bv
a lhomme ſens et Raiſon.
Affin quil appareuſt
que nous ſommes de luy engendꝛez et creez /.
Car
il eſt lintelligence /
Il eſt ſens / et Raiſon.
§Par
quoy fault conclure
(dautant que raiſon habonde
plus en lhomme / et
quil ſeſlongne des conſideratiōs
et plaiſirs bꝛvtaulx). plus doibt eſtre extime
en
nature.
§A ceſte cauſe. bonne partie ont pꝛinſe
et pꝛenent ceulx qui
delaiſſans
ce qui eſt commun
auecq les beſtes
par
ſvyure ſeullement leur deſir et
appetit ſenſitif / eſleuent leur eſperit et applicquent
leur coꝛps
a vertueux et memoꝛables faictz. Car
combien que beaulte / foꝛce de coꝛps / richeſſes / et
ſeigneuries / quon appelle dons de nature et de foꝛtune
ſoyent en recommandations aſſez pour eſtre
deſirees
.
touteſfoiz ſont telles choſes freſles et de petite duree
§Mais vertu / apꝛes
quelle a fait lhomme du
rant ſa vie reluyꝛe en ce monde par loz et honneꝛ
elle perpetue ſa memoyꝛe /
ſi quil dure a touſiours
ou triumphe deternite.
§Celluy doncques tant
ſeullement peult on dire eſtre reppute viure en
homme, qui en ceſte vie moꝛtelle ſe trauaille et
employe ſon temps a geſtes vertueux / œuures
louables / et faictz dignes de memoyꝛe. Et dauan
taige. dautant que entre les hommes aucuns ſont
eſleuez en pꝛincipaultez et puiſsſances / et que leurs
Cr meurs / conditions et manieres de viure ſont veuz
regardez / et conſiderez tant de dieu que du mōde /
plus leur conuient auoir le cueur hault et
magnanime pour gloꝛieuſement conduyꝛe leꝛ.
affaire. Pour ce dit Salomon au ſixieſme liure
de ſapience . Le roy ſaige eſt pillier et ferme
ſouſtenement de ſon peuple. Ce que de vous Sire
peult eſtre clerement congneu a tous ceulx
qui de voz meurs et facons ont congnoiſſance
Car oultre ce que nature par generation vous
a pꝛoduyt de tres haultz / et tres illuſtres pꝛince
et pꝛinceſſe ſaiges vertueux et dignes de renom
perpetuel/. et a foꝛme et oꝛganiſe ur̄e coꝛps de ſi
excellente pꝛopoꝛtion / que de telle perfection peu
en y a par le monde. Le createur par diſpoſitiō
diuine a dedans ce coꝛps voulu mectre et colloc
quer eſperit garny et tres ſuffiſammēt eſtoffe
de toutes vertuz ſi quen vous voyant, lœil coꝛpoꝛel
des regardans en eſt delecte par appꝛehenſion
exterioꝛe voyant creature ſi bien foꝛmee. Et
encoꝛes plus ſe treuue lentendement recree, con
ſiderant les gꝛaces dont le dedans eſt aoꝛne /. et
certes ce qui a veue dœil ſe magnifeſte donne
ſeur iugement de ce qui au cueur et volunte
giſent.
Mais pource que Tulles en ſon liure
Cv des offices dit que vray loz dhonneur conſiſte en
vertu et en faictz. Qve dirons nous de voz haultes
empꝛiſes / faictz couraigeux / et geſtes memoꝛables
ſinon quilz donnent vray teſmongnaige / et certain
iugement de voz excellentes vertuz /. Bien auez ſire
par œuures magnifeſtes fait apparoir deuant
tous la haulteur de voſtre noble couraige quāt
en fleur de ieuneſſe auez ſi vaillammēt excerce
actes de diſcipline militaire. Et apꝛes que par
le vouloir de Celluy q◌ͥ de toutes choſes diſpoſe voꝰ
eſt eſcheue par vraye ſucceſſion celle treſaulte
tres riche / et tres digne couronne de france /. et q̄
auez eſte receu roy pacificque ſur la monarchie
des francoys / iacoit ce que pour garder le royaulme
et lentretenir euſſiez peu ſans repꝛoche pꝛendꝛe
repos / et tout traueil tant de coꝛps que deſperit euiter
neantmoins na ſceu ou voulu la gꝛandeur de
voſtre pꝛoueſſe permectre ſe deſiſter quelle ne ſe ſoit
monſtree pꝛompte et deliberee de faire empꝛiſes
aſpꝛes / haultes / et difficilles /. Auſſi comme il eſt
eſcript au cinquieſme liure dethicques /. Principaulte
monſtre quel eſt lhomme / Pource que quant il eſt
hault eſleue en honneur / puiſſance / et ſeigneurie
et quil a auctoꝛite de faire dire et diſpoſer de
toutes choſes a ſa volunte on congnoiſt loꝛs quel
Dr il eſt et de quelle inclination.
§Au ſemblable,
la dignite royalle
et ſi ample ſeigneurie, par vous
receue en voſtre floꝛiſſant aaige / ont appertement
eſclarcye voſtre vertueuſe inclination et volunte /
en ce que apꝛes auoir mys et donne
oꝛdꝛe
pour la
ſeurete du royaulme voſtre noble cueur ne
ſeſt
endoꝛmy en delicieux plaiſirs auſquelz ieuneſſe
eſt
naturellement encline /. mais par magnanimite
de couraige et plus que
virille auez chaſſe repos /
fouy toute oyſiuete / delaiſſe plaiſances et embꝛaſſe
extreme traueil / Ainſi que fiſt Scipion
lAffricain
du quel parle
tvlles au commancement du tiers
liure des offices. Et comme il eſt vray ſemblable /
entre voz penſees ſeſt offert lhonneur de france
aucunement foule et remys en
la chaſſe des /
francoys du duche de milan / que ennemys ſans
tiltre vallable occupoient par vſurpation /.
La quelle auenture ne vous pouoit eſte impu
tee ou
tourner a honte / et neſtiez tenu la reparer
actendu que par vous
nen auoit eſte loccaſion
et ſi neſtoit aduenue de voſtre temps / Ce nean
tmoins voſtre hault vouloir et
nobleſſe de cueur
ne ſe ſont peu contenir quilz nen ayent eu
dueil
et regꝛet, auecques parfaicte et entiere deliberatiō
de recouurer tant lhonneur abatu que le pays
Dv vſurpe. La quelle empꝛiſe na eſte vaine et ſans
effect. Car des la pꝛemiere demye annee de voſtre
regne quelque empeſchement ou reſiſtance que aiēt
peu faire aduerſaires et ennemys / auecques ur̄e
oſt et armee auez paſſe montaignes / gꝛauy alpes
et trauerſe deſtroictz repputez cōme inacceſſibles
Et ce fait / entre en champ contre gentz belliqueux
crains et redoubtez par tout le monde. Et leſquelz
(au moyen de quelque pꝛoſpere foꝛtune pꝛecedente
eſtoient ſi enflez de gloire et pleins doꝛgueil / quilz
ſe vantoient donner victoire et la faire tourner
ou bon leur ſembloit. Mais quelque extimation
quilz et autres euſſent / de leur foꝛce / vaillance et
conduyte. ſi a eſte par voſtre pꝛoueſſe et cheualereuſe
pꝛudence leur oꝛgueil abatu / et leur gloire abolie
quant en champ de bataille ſur eulx auez obtenu
tres triumphante et heureuſe victoire / et icelle ſi
vaillamment ſuyuie. que entre voz mains ont
eſte reduytz les pays de Gaule tranſalpine a vous
appartenans / qui au parauant eſtoient detenuz
par vſurpateurs.
§Ceſte gloꝛieuſe victoire
ſire doibt eſtre gꝛandement extimee. et meſmemēt
par les francoys ioyeuſement pꝛeconiſee. non tant
ſeullement pour les ennemys vaincuz
et le pays
gaigne
. mais en contemplation que ceſt le
Erpꝛemier acte marcial par vous execute. ou quel
auez merite et acquis loz de nom immoꝛtel / pour
eſtre dit a touſiours vray reparateur de lhōneur
francoys / en telle ſoꝛte que leffect de ſi excellent
triumphe tourne au gꝛand honneur de voſtre
floꝛiſſant renom / a lvtilite de la choſe publicque /
accroiſſement damour enuers voz ſubiectz / ren
foꝛcement daliance auecq voz amys et cōfederez /
impꝛeſſion de craincte aux ennemys et aduerſaires
et bon exemple a tous tant pꝛiuez que eſtranges
§Icy peult on dire (ſire) que auez enſuyuy
Alexandꝛe
le gꝛand. le quel apꝛes le deces
de
Philippes
roy de macedoyne, ſon pere commenca a regner
en
laaige de vingt ans
.
et en ceſte aaige
qui eſt
enuiron ſemblable au voſtre. celluy Alexandꝛe
congnoiſſant que les eſclauons nauoient peu
eſtre vaincuz par ſondit pere / les aſſaillit ſi vertu
euſement quil en vint a
chef et les vainquit. En
telle maniere ſire par le voſtre pꝛemier chief
dœuure en domptant
ceulx qui ſe diſoyent inuīci
bles vous eſtes monſtre vray imitateur des vaillās
pꝛeux qui iadis acquirent nom gloꝛieux et loz
de haulte
pꝛoueſſe.
entre les quelz ſainct charlemaigne
voſtre anteceſſeur roy
des francoys par
ſemblables
faictz reluyt en la memoire des hommes
/ et ſon
Ev eſperit collocque la ſus au ciel en perpetuelle lumiere
§Valere dit que
honneur eſt le meilleur et le
plus
gꝛas
nourriſſement de vertu
. Et tvles en ſes
offices auſſi tient que peu de gens ſe
trouueroient
voulans traueiller pour icelle vertu ſilz
nauoient
eſpoir den eſtre remunerez
de quelque loyer. Pour
ce
eſt bien choſe conuenable que les noms des
haultz
entrepꝛeneurs qui ont mys et mectent a
execution
faictz ſi louables ſoyent remunerez
par honneur
et louenge de riche loz et durable renommee.
La
quelle choſe ne ſe peult bonnement faire ſinon
que par eſcriptures et
hiſtoires ſe redigent leurs
actes dignes de recommandation
ſi que les viuās
apꝛes eulx
voyent
par ample deſcription ce que
iceulx cheualereux gloꝛieuſement ont
fait en
lexcercice des armes. Et combien que plus
gꝛand
merite ayent deſſeruy ceulx qui telz faictz
tant
memoꝛables ont executez / neantmoins neſt ce
choſe a repꝛouuer (aincoys digne de louenge) faire
telles deſcriptions qui vallent et ſeruent de
repertoires
aux pꝛeſens et a venir.
§A ces cauſes ont
anciennement
eſte foꝛt pꝛiſez et auctoꝛiſez
hiſtoꝛio
gꝛaphes, comme reputez non ſeulement
auoir
veſcu pour eulx / mais auſſi pour leurs ſucceſſeurs /
auſquelx ont laiſſe par eſcript ce que auoit eſte
Frfait, ſi que par leur labeur et induſtrie tous temps /
tous
tant feuſſent eſtranges et loingtaines ſont demou
rees comme pꝛeſentes a lentendement de ceulx qui
de leurs eſcriptz ont congnoiſſance par ſongneuſe
lecture. Pour ce eſt hiſtoire appellee lumiere de
vertu. Car comme lœil coꝛpoꝛel en lieu obſcur et
tenebꝛeux na ſa vertu ſenſitifue et ne iouyt de ſa
puiſſance naturelle / qui eſt veoir et regarder / au
moyen de ce quil na clarte pour appꝛehender lobiect
a luy pꝛouchain. Avſſi ſans les liures ou ſont deſ
criptes par hiſtoires les faictz et geſtes des anciens
ceulx qui apꝛes viuent nen pourroient auoir
congnoiſſance et / conſequemment lhonneur et
gloire meritez / deſſeruiz et deuz a gentz de gꝛand
et vertueux cueur par laps de temps demoureroiēt
aboliz en loublieuſe pꝛiſon de tenebꝛes.
§De ce
ſire) peult on auoir clere experience cōme
ſelon la diuerſite des temps / des pays / et nations
ſeſt trouue deffault ou
habondance de
hiſtoꝛiens
qui faictz anciens ayent enregiſtez. Entre autres,
les Grecz neurent gꝛand ſoing dauoir gentz
qui a
la verite feiſſent ample deſcription
de leurs faictz.
Bien eurent ilz aucteurs de ſubtilz et inuentifz
eſpe
ritz qui pour les congꝛatuler par
eſcripture adulatifue
Fv
coucherent plus fictions que veritez.
§Les
rōmains
.
ſoubz leſquelz aduindꝛent pluſieurs faictz
moult
dignes de memoire deſirans leur regne
bꝛuyt / et
loz eſtre diuulguez et auoir longue duree
par le
monde uniuerſel / eurent en ſpeciale recommādatiō
expers hiſtoꝛiens qui en langue latine au plus
pꝛes de la verite
redigerent en liures et volumes leurs
geſtes et faictz / dont aduint que leur ſeigneurie
ſur toute nation fut
honnoꝛee / et gꝛandement en
accreut leur
empire.
§Non ſans cauſe doncques
ſire pꝛenez vous a cueur que hiſtoires et
ſemblables
autres
œuures dignes deſtre veues ſe refreſchiſſent
et renouuellent. Car ceſt le moyen de faire fleurir
le renom dun pꝛince
/ et durer par longue memoire
Et combien que par
cy deuant les francoys ayent
eu aſſez peu de regard a rediger
par eſcript leurs
geſtes et recommandables faictz / tellement que a
la verite on peult dire que trop plus ont
faict que
dict ou eſcript / ſi treuue len aucunes cronicques
tant en pꝛoſe latine que
francoyſe
contenantes
pluſieurs haultes empꝛiſes / excellentes pꝛoueſſes
et victoires pleines de
triumphes faictes et obtenues
par les roys et pꝛinces qui en france ont regne et
domine.
Touteſuoyes,
nul eſt qui,
iuſques a
pꝛeſent, ſe ſoit employe de iceulx faictz et geſtes
Grfaire et compoſer œuure par langaige meſure /
Ceſt aſſauoir en vers latins ou francoys / a tout le
moins qui ſoit venu a congnoiſſance / (combien
que aſſez y euſt matiere d enſuyuir la ſentence de
ſaluſte / pour la deſcription ( par vehemence de lan
gaige ) faire equipoler et reſſembler aux gꝛandz et
excellentz faictz recitez en icelles cronicques Mais il
fault dire que ceſte obmiſſion ſoit pꝛouenue non
par deffault de gentz deſperit et eloquence ſuffiſante
pour telle choſe parfaire / Aincoys eſt a croyꝛe que
eulx congnoiſſans les perſonnes deſtat / a la louenge
et delectation deſquelz leur peine et labeur debuoit
tourner / auoir a deſpꝛis et contempnement leurs
eſcriptz compoſez en ſtille eleguant et langaige
oꝛdonne que on appelle Ryme, Comme encoꝛes de
pꝛeſent en y a gꝛand nombꝛe Repputans lart poeticq̄
et de rymer eſtre de petite et legiere extimation /. et
de telz perſonnaiges peult on dire quilz ſont ennemys
de la ſcience / et quen eulx eſt veriffie le pꝛouerbe
commun / que la ſcience na ennemys foꝛs les ignoꝛās
Mais ſilz auoient gouſte la vraye moelle du ſcauoir
de poeſie / et quilz en euſſent ſauoure le gouſt ſi appe
tiſſant et doulx que Platon ou troyſieſme liure de
ſes loix la reppute ſcience diuine / ilz congnoiſtroiēt
leur ignoꝛance. Oꝛace en ſon liure quil a fait de
Gv lart poeticque ſoubz le quel ny a difficulte que
lart de rymer et compoſer en langaige meſure
en quelque langue que ce ſoit ny ſoit compꝛiſe
et contenue / autrement francoys petrarque qui
la plus part de ſes œuures a faiz en ryme ytalienne
neuſt obtenu nom de poethe. le quel entre les ytaliēs
eſt foꝛt recommande et ſouuent allegue comme
poethe de gꝛant extime et auctoꝛite. §Ariſtote
auſſi au huytieſme liure de ſes politicques en la fin
fait ung chapitre intitule des armonies / rymes /
et melodies / et entre autres ſentences tient que
telles rymes ont efficace et vertu pour entendꝛe
et retenir toute doctrine.
§Soubz ces conſidera
tions(ſire) non ayant la ſcience odieuſe mais
comme vray
amateur dicelle vous a pleu com
mander a
moy voſtre tres humble
et
tres obeiſsāt
et le moindꝛe de voz ſeruiteurs faire ung
recueil
ſommaire des pꝛincipaulx et plus notables faictz
contenuz es
anciennes cronicques de france et
de ce en vers heroicques et meſurez
compoſer
liures contenans en bꝛief les geſtes de tous les
roys
paſſez a commancer depuys Pharamon pꝛemier
roy des francoys iuſques au treſpas du roy
Loys
douzieſme dernier
decede. Et iaſoit que bonnes
raiſons vous ayent meu a ce
deſir meſmement
Hr pour tant de haultz et louables faictz et choſes
dignes de recommandation eſtre couchez et deſcriptz
en ſtille et langaige attrayant le vueil et ouyꝛ
des liſans et auditeurs Neantmoins ceſte charge
euſt bien requis auoir eſte miſe en la main de
trop plus ſuffiſant perſonnaige que moy qui
deſperit et ſcauoir me ſens foible et debile pour
non ſeullement entrepꝛendꝛe lœuure / mais ſans
plus pour deuoir penſer oſer la plume pꝛendꝛe a y
commancer. A ceſte cauſe / doubte de repꝛehenſion
et craincte dencourir notte doultraigeuſe temerite
mont foꝛt eſmeu de chercher moyens dexemption
affin que par deſcharge honneſte men ſceuſſe
deſiſter et excuſer. Mais la clemence / bonte /
doulceur / et humanite de voſtre dignite royalle
a la quelle homme de bon et entier vouloir ne
peult ou doibt ſans repꝛiſe eſtre deſobeyſſant. Et
la gentille veine et viuacite de voſtre noble eſperit
en pluſieurs et ſemblables cas pourueuz dample
experience mont pꝛeſente eſpoir et confidence
par leſquelz me ſuys trouue vaincu / ſi que la
charge ay acceptee non en temeraire pꝛeſumptiō
ains par treſhumble obeiſſance qui / ſelon les
ſainctes eſcriptures doibt eſtre pꝛeferee a ſacrifice
En la quelle charge ay deſlibere neſpergner
Hv peine traueil / ou labeur de coꝛps ou dentendement /
et lœuure tel que mon petit ſcauoir pourra cōſtruyꝛe
et baſtir lay deſdie et deſdie a voſtre digne et ſacree
maieſte / comme a celle qui plus modereement
et gꝛacieuſement ſcaura excuſer / couurir et ſuppoꝛter
mes faultes et imperfections /. Le quel œuure (dieu
aydant) ſe diuiſera en douze liures / dont le pꝛemier
a vous pꝛeſentement offert / commencant audit
Pharamon pꝛend fin a Clotaire filz du roy Clouys
pꝛemier roy creſtien. A chaſcun des autres liures
ſubſequens y aura quelque petit pꝛologue deſi
nant ce que le liure contiendꝛa. par quoy oꝛes
nen fais autre diuiſion.
§Vous plaiſe doncq
ſire lœuure benignement recepuoir, ayant
plus
eſgard a la volunte de leſcripuant
que en la
puis
ſance
du ſcauoir, et
du
voſtre treſhumble Cretin
auoir memoire
et ſouuenance.
⁖ Mieulx que pis ჻
Prologue sur le recueil sommaire des cronicques françoyses commancé en vers mesuréz par le
commandement du trés crestien, trés heureux et trés victorieux roy de France
FrançoysFrançois Ier (12/09/1494 — 31/03/1547) Roi de France (1515-1547)
premier
de ce nom,
l’an mil cinq cens et
quinze,
et le premier de son regne.+
Le
Philozophe1 nous enseigne que DieuDieu Concept de Dieu dans le christianisme et nature ne font œuvre frustratoire2 et ne produysent chose qui ne soit bonne quant à
son estre. Lequel enseignement n’est besoing de monstrer par discours particullier+praticque [BnFfr23145]
à l’homme sens et raison,
affin qu’il appareust que nous sommes de luy engendréz et creéz,
car il est l’intelligence,
il est sens et raison5.+
§Par quoy fault conclure
d’autant que raison habonde plus en l’homme et
qu’il s’eslongne des considerations
et plaisirs brutaulx6, plus doibt estre extimé
+
§À ceste cause bonne partie ont prinse et prenent ceulx qui,
delaissans+
§Mais vertu, aprés +
§Celluy doncques tant seullement peult on dire estre repputé vivre en homme, qui en ceste vie mortelle se travaille et employe son temps à gestes vertueux, œuvres louables et faictz dignes de memoyre. Et davantaige, d’autant que entre les hommes aucuns sont eslevéz en principaultéz et puisssances et que leurs
meurs, conditions et manieres de vivre sont veuz, regardéz et consideréz tant de DieuDieu Concept de Dieu dans le christianisme que du monde, plus leur convient avoir le cueur hault et magnanime pour glorieusement conduyre leur affaire. Pour ce dit SalomonSalomon Personnage biblique, prophète et roi d'Israël au sixiesme livre de Sapience : « Le roy saige est pillier et ferme soustenement de son peuple7 ». Ce que de vous, Sire, peult estre clerement congneu à tous ceulx qui de voz meurs et façons ont congnoissance. Car oultre ce que nature par generation vous a produyt de trés haultz et trés illustres prince et princesse saiges, vertueux et dignes de renom perpetuel, et a formé et organisé vostre corps +
Mais pource que TullesCicéron (03/01/106 av J.C. — 07/12/43 av J.C.) Orateur, homme politique et philosophe romain en son livre
Des offices dit que vray loz d’honneur consiste en vertu et en faictz, que dirons nous de voz haultes emprises, faictz couraigeux et gestes memorables, sinon qu’ilz donnent vray tesmongnaige et certain jugement de voz excellentes vertuz8 ? Bien avez, Sire, par œuvres magnifestes, fait apparoir devant tous la haulteur de vostre noble couraige quant, en fleur de jeunesse, avez si vaillamment excercé actes de discipline militaire. Et aprés que, par le vouloir de Celluy qui de toutes choses dispose, vous est escheue par vraye succession, celle trés haulte, +
il est et de quelle inclination9.
§Au semblable, la dignité royalle
et si ample seigneurie, par vous receue en vostre florissant aaige, ont appertement esclarcye vostre vertueuse inclination et volunté, en ce que, aprés avoir mys et donné ordre+
usurpé. Laquelle emprise n’a esté vaine et sans effect. Car dès la premiere demye annee de vostre regne, quelque empeschement ou +
§Ceste glorieuse victoire, Sire, doibt estre grandement extimee, et mesmement par les Françoys joyeusement preconisee12, non tant seullement pour les ennemys vaincuz et le pays gaigné+
premier acte marcial par vous executé, ouquel avez merité et acquis loz de nom+
§Icy peult on dire, Sire, que avez ensuyvy Alexandre
le GrandAlexandre le Grand (20/07/356 av J.C. — 10/06/323 av J.C.) Roi de Macédoine, lequel aprés le decés de+
Roi des Lombards (14/07/774-01/02/814)
Empereur d'Occident (29/12/800-01/02/814)
Duc de Bavière (?-?)
, vostre antecesseur roy
des Françoys, par
semblables faictz, reluyt en la memoire des hommes et son
esperit collocqué la sus au ciel en perpetuelle +
§ValereValère, Maxime (Ier siècle avant J.C. — Ier siècle) Historien romain dit que
« honneur est le meilleur et le plus gras+
§À ces causes ont anciennement
esté fort priséz et auctoriséz +et [BnFfr23145]
fait, si que par leur labeur et industrie, tous temps, tous+
§De ce,
Sire, peult on avoir clere experience comme selon la diversité des temps, des pays et nations s’est trouvé deffault ou
habondance de historiens+
coucherent plus fictions que veritéz.
§Les
Rommains
, soubz lesquelz advindrent plusieurs faictz moult+
§Non sans cause doncques, Sire, prenez vous à cueur que histoires et semblables autres+
faire et composer œuvre par langaige mesuré, c’est assavoir en vers latins ou françoys, à tout le moins qui soit venu à congnoissance17, combien que assez y eust matiere d’ensuyvir+
L’Art poéticque, soubz lequel +
§Soubz ces considerations, Sire, non ayant la science odieuse, mais comme vray
amateur d’icelle, vous a pleu commander à
moy, vostre trés humble et+
, premier roy des Françoys, jusques au trespas du roy
LoysLouis XII (27/06/1462 — 01/01/1515) Roi de France (1498-1515)
douziesme dernier
decedé. Et jasoit que bonnes raisons vous ayent meu à ce
desir, mesmement
pour tant de haultz et louables faictz et choses dignes de recommandation, estre couchéz et descriptz en stille et langaige attrayant le vueil et ouyr des lisans et auditeurs, neantmoins ceste charge eust bien requis avoir esté mise en la main de trop plus suffisant personnaige que moy, qui d’esperit et sçavoir me sens foible et debile pour non seullement entreprendre l’œuvre, mais sans plus pour+
peine, traveil +
prend fin à ClotaireClotaire Ier (circa 498 — entre 29/11/561 et 31/12/561) Roi des Francs (558-561)
Roi des Francs de Soissons (511-558)
Roi des Francs d'Orléans (524-558)
Roi des Francs d'Austrasie (555-558)
, filz du roy ClovysClovis Ier (466 — 29/11/511) Roi des Francs (481-511)
, premier roy crestien. À chascun des autres livres subsequens y aura quelque petit prologue desinant+
§Vous plaise doncq, Sire, l’œuvre benignement recepvoir, ayant
plus esgard à la volunté de l’escripvant que en la puissance+
Mieulx que pis
+